Lettre à mon agresseur femmes victimes de violences conjugales
Société

5 femmes ayant vécu des violences conjugales s'adressent à leur agresseur

« Tu es devenu un zombie. Je suis épanouie, et ça te rend dingue. »

En Belgique, une femme sur cinq a vécu des violences conjugales. Chaque année, plus de 45 000 dossiers sont enregistrés par les parquets. Et ce chiffre ne veut pas dire grand chose, puisque les actes de violence conjugale sont loin d’être toujours dénoncés. Quand on parle de violences, on parle non seulement des violences physiques, mais aussi sexuelles, psychologiques et économiques. Cela va du refus de présenter un enfant lors du droit de visite, au viol en passant par les menaces et le harcèlement

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L’une des tristes conséquences du confinement a été l’augmentation des violences conjugales, les victimes étant coincées avec leur agresseur. En avril dernier, VICE a mené une campagne de prévention en collaboration avec le collectif féministe Laisse Les Filles Tranquilles. Mais si l’on peut enfin sortir de chez nous, les violences, elles, restent une réalité.

Pour s’en rappeler, cinq femmes ayant vécu des violences ont accepté de partager leur histoire en s’adressant à leur ex-bourreau. 

Si vous aussi, vous ressentez le besoin de partager votre histoire, vous pouvez adresser un mail au jeune collectif Headsup@youarenotalone.be, qui s’est lancé pour mission de rassembler un maximum de témoignages (et de photos) afin de briser le silence.

Gabrielle, 25 ans, Charleroi 

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« Deux, trois semaines avant mon départ, tu t’es métamorphosé. C’était d’autant plus difficile de te quitter. Il m’a fallu du temps pour rassembler mes affaires. Je ne voulais pas partir avant que tu reviennes. Et pourtant, en y repensant, j’aurais dû. 

Je ne pensais pas partir de cette manière. Tu refusais que je reprenne le chien. Tu avais accepté pourtant. J’avais prévenu mes ami·es proches de mon départ. Mais tu es tombé sur mon téléphone. Tu as lu des messages qui ne t’ont pas plu. Tu m’as enfermée dans l’appartement. Tu t’es montré violent. Tu t’es mis à me reprocher des choses. Et par erreur, tu as appelé mes ami·es. 

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« J’ai déposé plainte. Depuis, je suis entrée en contact avec une de tes exs. Celle que tu faisais passer pour une folle au début de notre relation. Elle aussi. » 

De peur, iels ont appelé la police. Tu avais déjà commencé à balancer mes affaires dehors. Il y avait du verre partout. Le miroir était éclaté. Moi, j’avais un gros bleu au visage. Tu m’avais donné un coup de boule au nez. Tu ne pensais pas que la police allait arriver, moi non plus d’ailleurs. Les policiers m’ont aidée à reprendre mes affaires. Je n’ai pas déposé plainte ce jour-là. J’avais trop peur. Je voulais simplement ne plus avoir affaire à toi. 

Je suis quand même retournée au commissariat plusieurs mois après. J’ai rencontré l’un des policiers présents ce soir-là. J’avais toujours des photos de mon visage amoché. J’ai déposé plainte. Depuis, je suis entrée en contact avec une de tes exs. Celle que tu faisais passer pour une folle au début de notre relation. Elle aussi. » 

Leila, 28 ans, Quaregnon 

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« On s’est mis ensemble le jour de la Saint-Valentin. Tu avais tout de l’homme idéal et pourtant… Ça a commencé par une gifle. Je me souviens encore de la fois où on revenait de vacances. J’ai eu le malheur de soupirer. Tu t’es énervé. Tu m’as éclaté le nez contre la vitre. Tu n’arrêtais jamais. Tu me frappais dans le dos et les côtes. À l’hôpital, on répondait à chaque fois que j’étais tombée dans l’escalier. 

Je suis partie après cinq ans et demi de relation. Je suis pourtant revenue. Tu voulais me faire payer mon écart. J’avais connu quelqu’un pendant notre rupture, et ça t’insupportait. Tu m’as forcée à avoir des rapports sexuels avec d’autres hommes. J’ai été violée. J’en porte toujours les marques aujourd’hui. Mon orbite, après tous les coups que j’ai reçus, est renfoncé. Sans parler de mes migraines… 

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« Tu avais tout de l’homme idéal et pourtant… Ça a commencé par une gifle. »

À chaque fois, je voyais ma vie défiler. Tu te souviens de la fois où l’on revenait d’un mariage ? Tu m’as mis un couteau sous la gorge. Tu n’avais pas aimé me voir danser ce soir-là. À l’intérieur, tu m’as redonné un coup. J’ai vraiment cru que j’allais y passer. Et le jour où tu m’as déposée près du Grand-Large, à Mons. Tu m’as dit : “soit tu sautes, soit je te jette à l’eau.” Je suis restée pendant huit ans et demi avec toi. Il m’a fallu quatre ans pour me reconstruire après tout ce que tu m’as fait subir. Toutes les relations que j’ai eues après, ont échoué. J’ai fait cinq tentatives de suicide. Je ne faisais plus confiance aux hommes. Maintenant, j’ai enfin refait ma vie, et je vais beaucoup mieux. » 

Marie, 40 ans, Quiévrain 

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« Place des Martyrs à Mons. Tu m’as fait vivre un enfer pendant des années. Tu m’enfermais pendant des jours. Puis c’était la lune de miel. Deux mois après notre rencontre, tu m’obligeais à fréquenter des clubs échangistes. Personne n’était fidèle pour toi. Tu préférais être trompé de cette manière. 

Tu n’as pas hésité à mettre des petites annonces dans des revues spécialisées. Les hommes téléphonaient pour me voir. Ils venaient pour prendre des photos de moi, nue, ou pour avoir des rapports sexuels. 

« Tu agis toujours comme si j’étais ta “chose”. Mais je ne le suis plus. Je suis tellement plus forte que tu ne le crois. » 

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Tu n’as pas réussi à me détruire totalement malgré tout ce que tu as mis en œuvre pour me faire passer pour ce que je ne suis pas. J’ai eu la force d’en parler aux médecins des urgences. Ils m’ont écouté, ils m’ont protégée. Ils m’ont laissée me reconstruire et m’ont permis d’entreprendre des démarches pour m’éloigner de toi. Mon seul sacrifice, c’était les enfants, et tu l’as compris. Tu as mis le paquet pour les éloigner de moi. 

Tu n’es pas un père. Tu es un preneur d’otage. Je m’en suis sortie. Une équipe médicale m’a permis d’être encore maman. Notre fils aîné refuse de me voir. Celui de 11 ans menace de se faire du mal s’il me revoit. Notre fille est la seule à t’avoir échappé. Elle a compris qui tu étais vraiment. Notre fils de 7 ans viendra bientôt dormir chez moi, auprès de sa sœur. 

Tu ne détruiras jamais l’amour que j’ai pour mes enfants. Tu as beau les éloigner de moi. Tu agis toujours comme si j’étais ta “chose”. Mais je ne le suis plus. Je suis tellement plus forte que tu ne le crois. » 

Sarah*, 30 ans, Manage 

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« Pendant sept ans, je suis restée avec toi. Je t’aimais. Nous avons deux enfants ensemble. Mais tout était toujours prétexte à me frapper dessus. Si tu n’avais pas de drogue ou d’argent, tu me frappais. Tu te souviens de la fois où tu avais encore trop bu ? On s’est disputé·es. Tu consommais beaucoup trop de drogue. Tu m’as frappée au visage et aux jambes ce jour-là. Avec un manche de raclette. Mais ce n’était pas la seule fois. Tu m’as aussi lancé ton verre au visage. J’ai eu cinq points de suture aux lèvres. 

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« Tu vois toujours les enfants. Tu ne t’en es jamais pris à eux, mais ils ont assisté à presque toutes les scènes de violence entre nous… »

C’était la fois de trop quand je suis partie. Tu as dépassé les bornes. Tu m’as enfermée. Tu ne voulais plus que je sorte de la maison. Les voisin·es m’ont entendu crier, et ont appelé la police. Je t’ai quitté. J’ai suivi les policiers. J’ai changé de vie, de numéro de téléphone. Je t’ai bloqué sur les réseaux. 

Après mon départ, je suis restée quatre mois dans un centre pour femmes battues. Je n’y suis plus maintenant. J’ai trouvé un logement. Tu vois toujours les enfants. Tu ne t’en es jamais pris à eux, mais ils ont assisté à presque toutes les scènes de violence entre nous… »

Marie, 52 ans, Liège

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« Tu étais un monstre d’égoïsme. Tu jouais au mari et au père modèle. Mais tout n’était qu’illusion. J’ai supporté tes bassesses, ta lâcheté, ton hypocrisie. Tu ne m’as jamais soutenu pendant les plus beaux jours de ma vie, ma grossesse, mon accouchement, ni pendant les pires… J’ai voulu divorcer après neuf ans mais je suis restée par pitié. Tu étais fourbe, fou. Tu racontais à notre fille que j’étais folle, déjà quand elle était petite. Tu m’as démolie mine de rien. Je me suis effacée au fur et à mesure. Tu m’as anéantie. 

On a discuté avec des hommes battus

Je me suis libérée de ton emprise grâce aux psychologues. J’ai réussi à parler avec notre fille. C’est elle qui m’a donné le courage de partir. Elle aurait préféré qu’on divorce plus tôt. 

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« Tu es devenu un zombie. Je suis épanouie, et ça te rend dingue. »

Pendant longtemps, j’ai culpabilisé. Je m’en voulais de ne pas t’avoir quitté avant. Tu continues à faire croire aux gens que je suis folle. Mais ça ne marche pas. Pour moi, tu n’existes plus. Je ne te vois plus que pour les réunions avec nos avocats et le notaire. Tu es devenu un zombie. Je suis épanouie, et ça te rend dingue. Ça a toujours été comme ça. Quand j’allais bien, tu allais très mal et tu faisais toujours en sorte de m’anéantir. Mais maintenant, tu n’as plus de pouvoir. Je n’ai rien fait pour mériter tout ce que tu m’as fait subir. Notre fille non plus. Elle est toujours suivie par une psychologue. C’est pour elle que je me bats et que je me battrai jusqu’au bout. C’est ma raison de vivre. »  

*Par souci d’anonymat, le prénom a été modifié. 

Vous êtes victime de violences ou vous avez des soupçons sur votre entourage ? Appelez gratuitement le 0800 30 0 30. Si vous adoptez des comportements violents, appelez le 02 217 98 70. En cas d’urgence, appelez le 101.

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