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J'ai testé un parc d'attraction en réalité virtuelle et c'était bizarre

Illucity proposera bientôt 20 « expériences » en réalité virtuelle à deux pas de la Cité des sciences. Au moins, je n'ai pas fait la queue.
Un joueur à Illucity
Image : Illucity

Mercredi 21 novembre, 14h. Le soleil brille sur le parvis de la Cité des sciences. J’ai été invité à découvrir en avant-première Illucity, « le premier parc d’aventure en réalité virtuelle » de la capitale, juste à côté du McDo. On m’a parlé de contenus premium et d’expériences uniques. Surtout, j’ai été dignement averti par mail après la réservation : « Préparez-vous à être immergé(e) dans un monde parallèle où vous jouerez avec vos propres règles. » Effectivement, la scénographie me téléporte dans la quatrième dimension dès que le vigile pousse la porte. Des nains de jardin géants montent la garde dans l’entrée, casque VR sur le nez. Au-delà, c’est l’accueil. Il est étudié, lumineux, blanc, bleu, rouge. Mobilier, espaces, tout est cubique comme un voxel. L’idée est manifestement d’invoquer l’imaginaire du divertissement numérique tout en excitant les Instagramers, ce qui m’inquiète un peu.

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On me dirige vers la « Chill Zone ». Quelques journalistes discutent autour d’un jus d’orange. Mercredi oblige, certains sont venus avec leur môme, pépère. Je passe le temps en tripotant une borne d’arcade multi-jeux. L’arrivée de Nathan Reznik, directeur général d’Illucity, me libère d’une vilaine série de défaites. Nous entamons la visite pendant qu’il souligne le caractère unique de son établissement. « On a voulu proposer une expérience à partir du moment où les gens passent la porte, contrairement à d’autres salles » lance-t-il. Les effets sonores jaillis d’enceintes murales masquent un peu sa voix. Il insiste : « On essaie de surprendre les visiteurs, de proposer une expérience différente des autres salles. » Au final, l’essentiel reste néanmoins les « expériences VR » elles-mêmes.

Un chevalier virtuel et inquiet

Illucity propose quatre types d’activités en réalité virtuelle : des jeux d’arcade, des films, des escape game et des jeux en « hyper-réalité ». La visite commence par les salles pour escape game, l’occasion idéale pour vanter le matériel de l’établissement. Quatre HTC Vive Pro reliés à des PC embarqués HP Z attendent sur un mur. En jeu, ces harnais seront épaulés par du matériel haptique — « des installations lourdes, souvent prototypales » explique Nathan Reznik. Ventilateurs, enceintes cachées dans le sol, c’est la débauche de moyens. Il faut dire qu’Illucity n’est pas une initiative indépendante. Ymagis, une entreprise française spécialisée dans les technologies de projection pour le cinéma, a déboursé plus d'un million et demi d’euros pour lui donner vie. « C’est l’avenir », assure un responsable.

Nous descendons au sous-sol, où se trouvent la plupart des installations. La parade technique continue. Des boxes avec casque filaire pour jeux d’arcade côtoient des fauteuils spécialement développés pour les films VR. Un espace de 100m2, fermé lors de notre visite, sera réservé aux jeux en déplacement libre (free roaming) comme After H : Legend of Mars, un shooter pour lequel Illucity fournira des fusils haptiques. Afin d’éviter que cette zone ne profite qu’aux gamers belliqueux, l’établissement a commandé un jeu plus enfantin. « Ça se passe dans un univers à la Toy Story » explique Nathan Reznik. « On incarne des jouets qui rentrent dans une chambre pour combattre une peluche-tyran. » Derrière lui, deux joueurs installés dans un simulateur automobile pivotent au rythme de leur voiture virtuelle. On nous offre quelques essais.

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Nous nous sommes amusés au même endroit mais pas vraiment ensemble.

Je n’avais jamais testé de VR avant Illucity. Pendant la visite, il a été question de « trouver le trésor de Robert le corsaire » dans un escape game, d’incarner « un King-Kong cybertronique [sic] attaqué par des drones » dans un jeu solo, de prendre la place d’un « paysan bouseux de la Louisiane » avec trois amis dans un shooter… Le catalogue compte 20 « expériences ». Intrigué mais pas vraiment excité, je commence par un jeu d’arcade qui me fait chevalier. Épée et bouclier aux mains, je terrasse les agresseurs moyen-orientoïdes qui se jettent sur moi, non sans une certaine angoisse. Le casque serre mon crâne, je ne vois pas mon corps comme si je surnageais au large, j’ai peur d’exploser une manette contre le mur du petit box. Je ne peux pas décrocher du monde physique. Après cinq minutes de gesticulation, le jeu m’annonce que j’ai pris 11 coups et fait 19 morts. Mon rang : paysan. Je suis froissé et dubitatif mais j’enchaîne, c’est l’heure du multi.

Cette fois, ça se passe dans une grande pièce avec trois autres joueurs. Casque (un peu mal mis) sur la tête, manettes dans les mains, PC sur le dos, j’ai une pensée émue pour les harnais du Laser Game de Sainte-Geneviève-des-Bois avant d’atterrir sur un radeau qui vogue dans un marais rempli de monstres. Mitraillette dans la main gauche, fusil à pompe dans la droite, je tire avec une précision discutable mais sans discontinuer. Mes coéquipiers aussi. C’est intense et plutôt amusant : les ennemis sont nombreux, les armes bruyantes, tout le monde s’agite pour s’en sortir. Le boss final nous dévore malgré tout. Le doyen de l’équipe, qui n’a manifestement pas aimé, enlève son casque aussi sec et regrette qu’il ait été difficile de communiquer pendant le jeu. Ce n’est pas un reproche infondé : il fallait presque crier pour s’entendre au travers de la fusillade. D’un côté, c’est logique. De l’autre, nous nous sommes amusés au même endroit mais pas vraiment ensemble.

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Too soon

Les concepts de parc d’attraction et de réalité virtuelle me semblent bizarrement antithétiques. Personne ne visite le parc Astérix seul. Cependant, on est forcément isolé avec un casque de réalité virtuelle sur la tête. On se retrouve dans le jeu, certes, mais cette réunion virtuelle ne satisfait pas le cerveau. La sensation d’une véritable présence manque. L’immersion s’en ressent : les avatars de mes coéquipiers étaient moins des incarnations que des indicateurs de position. J’ai eu peur de les percuter tout au long de la fusillade. Une inquiétude viscérale, presque instinctive, m’empêchait de faire confiance à ces images et donc de m’abandonner à l’illusion. Peut-être est-ce une question d’entraînement. Malheureusement, le gameplay et l’apparence des jeux VR n’aident pas à s’immerger.

Les équipements pointus et la scénographie étudiée d’Illucity ne peuvent pas faire oublier le côté éternellement balbutiant des jeux VR. Les avatars sont raides, les mouvements étranges. Pourtant, faire tourner ces « aventures » demande des ressources telles que la qualité des graphismes et les possibilités d'action plafonnent bas. Sur ordinateur, un jeu moche peut séduire grâce à sa profondeur ou son gameplay. En réalité virtuelle, les mécaniques de jeu sont trop simples pour faire oublier la brutalité des textures : frapper avec une épée, tirer avec une mitrailleuse, se déplacer de deux mètres maximum avec, au ventre, l’angoisse de percuter un mur… Je ne suis pas convaincu quand je remonte l’escalier direction la sortie. Le sort décide de me dévoiler la grille des tarifs à ce moment-là. Affichée à côté de l’accueil, elle m’arrache un haussement de sourcils : c’est presque aussi cher qu’un vrai parc d’attraction.

Pour un jeu d’arcade en solo, comptez 5 à 12 euros. Pour les escape game et les expérience en « hyper réalité », c’est 30 euros. Des packs proposant plusieurs activités seront proposés sur Internet. « Notre cible va de 11 à 99 ans » explique un responsable. « Notre objectif est de 100 000 visiteurs par an, 350 par jour, mais on pense qu’on fera plus. » L’établissement sera ouvert de 11h à 23h tous les jours, « même le 14 juillet… Et le Premier mai. » La date d’inauguration, repoussée à décembre après avoir été annoncée pour fin novembre, n’a pas encore été dévoilée. « On attend encore le passage de la commission de sécurité », souffle Nathan Reznik, les mains pressées l’une contre l’autre. Quelques minutes plus tôt, il expliquait que certains visiteurs mettaient des coups dans les murs en jouant au chevalier dans le box un peu trop petit.

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