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FRANCE

Crise à Calais : si vous n’avez rien suivi de ce qu’il s’est passé ce week-end

Deux manifestations, un procès reporté, un bateau pris d’assaut et une réunion ministérielle à venir : retour sur trois jours de tension à Calais.
Photo via VICE News

VICE News regroupe ses articles sur la crise migratoire mondiale sur son blog « Migrants »


Ce lundi après-midi, six migrants et deux activistes du collectif « No Border » ont été présentés en comparution immédiate devant la justice, suite à leur interpellation deux jours plus tôt, à bord du ferry Spirit of Britain, arrimé dans le port de Calais. Le procès a été renvoyé au 22 février.

Cette intrusion avait eu lieu à la fin d'une manifestation pacifique organisée dans cette ville ce samedi par plusieurs collectifs de soutien aux migrants bloqués dans la région de Calais. VICE News était sur place, nous avions filmé les migrants au moment où ils pénétraient dans l'enceinte du port.

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Video: Hundreds of migrants & refugees break into — Phil Caller (@Phil_Caller)January 23, 2016

Entendus au tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer, les huit prévenus ont tous demandé un délai supplémentaire pour préparer leur défense. L'audience a donc été renvoyée au 22 février prochain, avec un placement en détention provisoire pour les six migrants. Les deux activistes sont repartis libres, mais avec interdiction de revenir dans la région.

Une manifestation pacifique et de nombreux incidents

Tout commence samedi dernier. Plusieurs centaines de manifestants — dont de nombreux groupes venus en bus depuis Paris — se sont rassemblées à Calais en début d'après-midi, répondant à l'appel du collectif « Migrants bienvenue », un groupe soutenu par plus d'une vingtaine de groupes en faveur des migrants, certains classés à l'extrême gauche ou se revendiquant de mouvances anarchistes.

« La municipalité était contre cette manifestation, » nous indique Emmanuel Agius, 1er adjoint au Maire de Calais, avec qui VICE News a pu s'entretenir au téléphone ce lundi matin. « Nous savions ce qui pourrait arriver, qui allait être présent, et nous avions prévenu la préfecture, mais nous n'avons pas été écoutés, » déplore-t-il.

Les quelque 2 000 manifestants sont partis de la « Jungle » — le bidonville où survivent plus de 4 000 personnes dans des conditions sanitaires difficiles — pour rejoindre une place située dans le centre-ville de Calais. De nombreux migrants faisaient partie de ce cortège, demandant notamment l'ouverture des frontières, un meilleur accès aux soins, ou encore la prise en compte de leur demande d'asile par le Royaume-Uni.

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En marge de cette manifestation, des altercations entre riverains et manifestants ont éclaté, notamment dans une petite rue où deux Calaisiens ont été filmés devant leur domicile en plein échange de coups, d'insultes et de projectiles avec un groupe de manifestants. Dans une vidéo, on voit le plus jeune des deux hommes sortir un fusil qu'il pointe, quelques instants en direction de la foule, avant de le ranger à l'intérieur de la maison. « Fort heureusement, il s'agissait d'une arme factice », nous assure Emmanuel Agius, qui craint toutefois « d'autres actes désespérés si rien n'est fait ». Le caractère factice de l'arme a été confirmé de source préfectorale a des médias locaux. Une enquête est en cours.

Cette manifestation a officiellement pris fin vers 16h30 sur la place d'Armes de Calais. À ce moment, une statue représentant le Général de Gaulle et son épouse a été marquée d'une inscription « Nik la France » peinte en orange par des individus « vêtus de noir », comme l'ont rapporté des journalistes de la chaîne régionale France 3 Nord Pas-de-Calais.

ANIK FRANCE /// FUCK FRANCE /// against all states and anything that places borders between us! — Calais Solidarity (@calaisolidarity)January 23, 2016

Une demi-heure plus tard, plusieurs centaines de personnes déjouent l'important cordon policier déployé autour de la place d'Armes et réussissent à pénétrer dans l'enceinte du complexe portuaire, profitant d'une découpe dans les grilles de sécurité. Intégralement mis à l'arrêt durant l'intrusion, le port de Calais a finalement repris son activité normale vers 20h30 ce samedi après la fin de l'intervention policière.

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Dans un communiqué publié ce dimanche, le ministère de l'Intérieur a fait état de 350 migrants expulsés du port et 35 individus interpellés par les agents de la police aux frontières, dont 9 militants du collectif « No-Border » arrêtés pour des faits de « dégradation en réunion ». 15 personnes ont été placées en garde à vue.

Les commerçants dans la rue le lendemain

Ce dimanche, la maire de Calais Natacha Bouchart a pris la tête d'un autre cortège. 2 000 manifestants — dont de nombreux commerçants — ont défilé derrière une unique banderole sur laquelle on lisait : « Ma Ville est belle, mon Port est beau ».

Cette manifestation était prévue de longue date, et organisée par Cap Calaisis, la communauté d'agglomération dont Bouchart est la présidente.

« Cette manifestation a permis de montrer une image positive de Calais », nous indique Emmanuel Agius, qui évoque « des pertes pour les commerçants » liées à la crise migratoire que connaît cette ville depuis plusieurs années.

L'armée demandée

À la sortie d'une « réunion de crise » à Calais avec Natacha Bouchart ce lundi après-midi, le président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Xavier Bertrand, a requis « l'armée en renfort » dans la zone — une demande adressée directement au Président François Hollande.

Xavier Bertrand et Natacha Bouchart seront par ailleurs reçus le 3 février prochain par les ministres de l'Intérieur et de la Justice, Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira, afin d'évoquer les évènements de ce week-end et la mise en place de nouvelles mesures.

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« Nos demandes sont claires, nous réclamons depuis longtemps l'intervention de l'armée », nous indique de son côté Emmanuel Agius, qui souhaite un déploiement similaire à ce qui a été décidé dans Paris et sa banlieue suite aux attentats du 13 novembre dernier.

Suite à une visite des camps de Calais et de Grande-Synthe ce week-end, le leader de l'opposition britannique, Jeremy Corbyn, a demandé à son gouvernement d'accueillir 3 000 migrants au Royaume-Uni, indiquant lors d'un entretien avec la chaîne Sky News que son pays devait « faire sa part » du travail d'accueil.

À lire : « Je préférerais mourir » : rencontre avec les migrants menacés d'expulsion de la Jungle de Calais


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