La preuve, le 31 janvier 1990, les Russes font, dans ce qu'on imagine être un froid de moujik, la queue à l'occasion de l'ouverture du plus grand McDonald's au monde, place Pouchkine, en plein cœur de Moscou.Dès lors, sur quel champ poursuivre la bataille contre le grand capital ? À cette époque, Paul Ariès, le Français à qui l'on fait référence depuis le début de l'article a une épiphanie : c'est sur le terrain de l'alimentation que la lutte doit être menée.Pour cet intellectuel, militant anti-mondialisation et théoricien du combat anticapitaliste, l'ennemi incarne l'antithèse de l'aliment local. Il est américain par essence, industrialisé en vue de servir des dividendes à d'avides actionnaires, mauvais pour le corps et donc pour l'esprit. Bref, cet ennemi tout désigné est un symbole ; c'est le Big Mac.LIRE AUSSI : Le jour où Jean-Pierre Coffe a refusé de servir un burger au président des USA
Personne ne pouvait imaginer que Quick serait placé sous tutelle de l'État et que la France deviendrait le premier marché de McDo derrière les États-Unis.
D'où cette question élémentaire ; comment ce qui ne devait jamais arriver, arriva ? Pour mieux comprendre les phénomènes qui suivent, il faut s'attarder sur un des principes les plus couramment ignorés par l'humanité. Celui des conséquences inattendues.D'après ce concept, forgé par le sociologue Robert K. Merton, l'onde de choc de toute décision prise en vue de servir une certaine finalité peut s'étendre bien au-delà de celle-ci, voire se révéler in fine contre-productive vis-à-vis de l'objectif désigné. C'est peu ou prou ce que résume un célèbre adage français selon lequel l'enfer est pavé de bonnes intentions.L'OMC vient d'autoriser les États-Unis à surtaxer les importations de plusieurs produits européens dont le Roquefort, du coup les types en bras de chemise qui sentent la chèvre sont remontés à bloc contre McDo.
En cet été 1999, les militants de la Confédération paysanne, José Bové en tête, l'ont particulièrement mauvaise. En réponse au refus de l'Union européenne d'importer des steaks hachés de bœuf américain élevé aux hormones, l'OMC vient d'autoriser les États-Unis à surtaxer les importations de plusieurs produits européens dont le Roquefort.Les militants de la Confédération paysanne débarquent armés de tracteurs et de tracts appelant au soulèvement contre la MacDomination.
La terre, elle, ne ment pas, avait affirmé le Maréchal Pétain. Désormais, tout le monde a bien en tête que, McDo, c'est peut-être bien de la merde.Mais la riposte du géant sera multiple et ingénieuse. Son artisan s'appelle Denis Hennequin. Il a commencé tout en bas de l'échelle comme stagiaire équipier, en 1984 avant de grimper tous les échelons jusqu'à devenir PDG de l'enseigne en France.Premier chantier, l'offre : McDonald's rompt le sacro-saint principe de l'uniformité de la carte pour introduire de nouveaux produits. Le McDeluxe, depuis rebaptisé le Royal Deluxe, avec sa sauce moutarde « à l'ancienne ». Suivra un nombre incalculable de sandwichs incluant des aliments qui font français dans leur recette : fromage à raclette l'hiver, bœuf charolais, ou encore croque-monsieur.McDonald's rompt le sacro-saint principe de l'uniformité de la carte pour introduire de nouveaux produits comme le Royal Deluxe, avec sa sauce moutarde « à l'ancienne ».
La riposte est également idéologique. Aux militants de la Confédération paysanne McDonald's répond en s'installant en 2001 au Salon de l'agriculture, la grande messe agricole française. Il faut imaginer ce que c'est, des milliers d'animaux et d'agriculteurs déportés de leur campagne vers la plus grande ville de France.La marque s'y dote d'un stand qui ne fait pas dans la discrétion. Et pour cause, ils ont une vérité à faire savoir : ils sont l'un des premiers clients de l'agriculture française. Surprise. Vos frites et vos biftecks ne viennent pas d'Amérique. Tout est produit à domicile, dans vos campagnes, par vos exploitants agricoles. OK, les graines de sésame viennent du Mexique, mais 70 % des ingrédients sont français. Le reste, européen.Dans un pays en proie à un chômage endémique dans les campagnes, l'ouverture d'un McDonald's, c'est aussi la promesse de dizaine d'emplois pour la commune. Et ça, les maires ont tous fini par le comprendre.
Bref, le McDonald's made in France fait recette, au point de dupliquer le modèle dans le monde entier. À quoi ressemblera le McDonald's de demain ? Sans doute à la forme qu'il prend en France, avec ses cafés, ses fruits bios et probablement bientôt, ses hamburgers aux steaks végétariens.Les actionnaires de McDonald's peuvent donc remercier Paul Ariès et José Bové. Ces deux derniers, auraient-ils été pris au piège d'une conséquence inattendue ? Question de point de vue. Si grâce à eux, la MacDomination s'est un peu plus étendue, ils ont aussi contribué à ce que le géant de la malbouffe devienne… un peu moins américain.LIRE AUSSI : Pourquoi la machine à McFlurry de McDo est toujours en panne