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Pourquoi on ne devrait pas avoir peur des OGM, d’après un scientifique

L’histoire dit que c'est bien, la science dit que c'est bien; alors pourquoi est-ce que le débat reste aussi controversé? Un expert nous l’explique.
Crédit photo: Caroline Atwood via Unsplash

Cinq tonnes de saumons génétiquement modifiés en provenance du Panama se sont frayé un chemin jusque dans des assiettes québécoises cet été, comme l'ont rapporté plusieurs médias. Résultat : panique générale, personne ne semble en vouloir. Les commerçants tentent de s'en dissocier, des groupes comme Vigilance OGM préviennent les consommateurs des risques associés aux OGM et, après des décennies de débat, c'est le retour à la case départ.

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Comme pour le glutamate monosodique (MSG), l'enjeu semble social plutôt que scientifique. Il est d'abord et avant tout propulsé par une idéologie simpliste qui ne prend pas en compte des milliers d'années d'histoire et un consensus scientifique assez clair.

Toutefois, il s'agit d'une discussion importante et que la société doit avoir. Bien entendu, tant que le choix nous est donné, la plupart d'entre nous choisiront de consommer des produits unanimement jugés propres à la consommation. Tout comme les hybrides conçus en laboratoire peuvent en quelque sorte effrayer certaines personnes, des légumes génétiquement modifiés peuvent leur sembler non naturels.

Pour m'éclairer sur le sujet, j'ai fait appel à l'expertise du professeur Joe Schwarcz, alias Dr Joe, docteur en chimie et vulgarisateur scientifique à l'Université McGill. Si quelqu'un peut expliquer un truc compliqué comme les OGM à un cave comme moi, c'est certainement lui.

D'abord, il semble que ce ne soit peut-être pas aussi difficile de trancher que ça en a l'air, puisque, quand je lui demande si les gens ont raison de s'inquiéter d'avoir mangé du saumon génétiquement modifié, il me répond sans hésiter qu'il n'y a aucune raison de s'en faire.

« Ce poisson est identique à n'importe quel autre poisson. La manipulation génétique, c'est une méthode de production : ce n'est pas le produit qui change, m'explique-t-il. On prend deux espèces de saumon qui ne se rencontreraient pas nécessairement dans la nature et on en fait un hybride qui a les meilleures qualités de chacun. »

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Une des craintes les plus récurrentes seraient, d'après lui, les conséquences possibles, si cet hybride devait s'enfuir et se retrouver en milieu naturel. C'est peu probable, vu que le saumon qui a été importé en sol canadien est élevé en pisciculture close. De plus, le professeur doute que cet hybride soit capable de s'accoupler avec l'un ou l'autre de ses ancêtres.

Les inquiétudes concernant la manipulation génétique et les OGMs ne portent pas sur la consommation, du moins pour la communauté scientifique. « Ces préoccupations sont avant tout économiques, sociologiques et politiques », dit le Dr Joe. Bien qu'il y en ait qui s'inquiètent que certaines cultures modifiées soient maintenant plus résistantes aux herbicides, c'est un phénomène naturel. Toute culture s'adapte à son environnement, c'est une partie intégrante et importante du phénomène de la vie, assure-t-il.

S'il concède que cela peut nous forcer à utiliser plus de produits chimiques en agriculture, on ne se pose pas d'après lui la bonne question. « Bien entendu, il restera des traces de l'herbicide sur les aliments. Mais en toxicologie, c'est la dose qui fait le poison. La seule raison pour laquelle nous savons qu'il en reste des traces, c'est que nos techniques d'analyse chimique sont extrêmement avancées, car il est question de résidus en partie par milliard, voire en partie par mille milliards. »

Le problème plus réel, d'après lui, c'est quand un producteur biologique, donc qui ne cultive pas de plantes génétiquement modifiées, a un voisin qui en cultive. La pollinisation croisée pourrait modifier par inadvertance la récolte du producteur bio. Mais ça devient un problème sociologique et économique, et non pas un problème de santé.

Il faut aussi comprendre que manipuler génétiquement les aliments n'est pas un nouveau phénomène. Depuis des milliers d'années, on crée des hybrides de plantes, de fruits, de légumes et d'animaux. C'est ce qui fait qu'il existe aujourd'hui autant de variété de fruits, ou autant de races de chien. Si, avant qu'on passe du loup au chihuahua, ça a pris des milliers d'années, on est aujourd'hui capable d'accélérer le processus. On prend, par exemple, une pomme, et plutôt que de la croiser avec d'autres pommes jusqu'à ce qu'on crée une pomme qui ne brunit pas une fois coupée, on prend simplement la pomme initiale et on lui retire la partie de son ADN qui la fait brunir. Aussi simple que ça.

C'est un peu dans ce principe que réside aussi une partie de l'animosité des gens envers les OGM : ça perturbe le principe naturel de l'évolution. Mais comme me l'explique le Dr Joe, ce qui importe vraiment, c'est le produit final. Rien n'est très différent du point de vue de leur ADN. C'est simplement qu'au lieu d'atteindre leur maturité en trois ans, il le fait en un an et demi. Ça peut tout de même sembler un peu weird comme concept, surtout pour moi qui, en tant qu'ancien cuisinier, crois fermement au concept du slow food. Mais grâce aux OGM, il est estimé que nous pourrons nourrir plus de gens avec moins d'espace. La cause me semble noble.

N'empêche que je me demande si ça peut quand même être considéré « naturel », comme façon de faire. Je me suis tourné vers le Dr Joe, pour un peu de sagesse. « Bien entendu que ce n'est pas naturel! Pas plus que de pouvoir voler d'un pays à un autre, me dit-il en riant. On doit notre survie au fait qu'on a un cerveau qui nous permet de faire des trucs qui ne sont pas naturels, mais qui fonctionnent avec notre monde. »

Billy Eff est sur internet ici et .