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La NASA va créer le point le plus froid de l'univers à bord de l'ISS

Avez-vous déjà eu si froid que vous vous transformiez en condensat de Bose-Einstein ?

Cet été, des scientifiques de la NASA vont créer l'espace le plus froid de l'univers connu à l'intérieur d'une boîte de la taille d'une glacière, fort logiquement baptisée Cold Atom Laboratory (CAL). Ce petit tas d'instruments doit décoller vers la Station spatiale internationale (ISS) en août, à bord de la mission SpaceX CRS-12, où il utilisera l'environnement en microgravité de la station pour créer les températures les plus froides jamais créées ou observées dans l'histoire de la science terrestre.

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Mais concrètement, de quel genre de froid parle-t-on ici ? C'est de la folie. Une fois activé dans l'espace, le CAL va descendre jusqu'à 100 pico-Kelvin, du jamais vu. En gros, c'est 1 milliardième de degré au-dessus du zéro absolu, ou zéro Kelvin, la limite inférieure de l'échelle de température thermodynamique traditionnelle.

Diagram of Cold Atom Laboratory. Image: NASA/JPL

C'est tellement froid que les atomes à l'intérieur du laboratoire vont atteindre une forme de la matière très rare connue sous le nom de condensat de Bose-Einstein. L'équipe de chercheurs du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA prévoit d'étudier les effets de cet environnement inhabituel sur les isotopes du potassium et du rubidium, ce qui leur permettra d'en savoir plus sur la physique fondamentale, la superfluidité, et les nouvelles technologies.

"Nous allons atteindre des températures jamais vues, a déclaré Anita Sengupta, ingénieur au JPL et chef de projet du CAL, dans une interview sur YouTube samedi. Nous ne savons pas ce que nous allons découvrir du comportement de la matière à ces températures."

Le CAL crée ces isotopes du rubidium et du potassium ultra froids en les vaporisant avec des lasers, puis en capturant magnétiquement le gaz sur une minuscule puce atomique. Ensuite, les isotopes seront encore refroidis grâce à un "couteau" électromagnétique qui séparera les atomes les plus actifs et les plus chauds, ne conservant ainsi que de la matière quasiment immobile - et donc extrêmement froide. Ces gaz sont enfin isolés dans une chambre vide où ils peuvent être étudiés sans être perturbés par d'autres sources de chaleur.

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Il est difficile pour nous d'imaginer le genre de températures qui vont être générées par le CAL. Pour se faire une idée, il faut d'abord réaliser que le froid le plus extrême auquel nous sommes confrontés sur Terre est de l'ordre de -45°C à -50°C. Le vide spatial est environ neuf fois plus froid, aux alentours de 2,7 degrés Kelvin, ou -270°C, même si ce chiffre évolue beaucoup en fonction de votre proximité par rapport à des planètes ou des étoiles qui sont sources de chaleur.

Comme l'intérieur du CAL sera extrêmement proche du zéro absolu, ou -273,15°C, les atomes y seront tellement faibles en énergie qu'ils commenceront à se mouvoir à l'unisson et à se comporter comme des vagues, "comme des danseurs d'un corps de ballet", selon Sengupta.

On a déjà essayé de créer des températures aussi froides sur Terre, mais notre planète perturbe les résultats en attirant des atomes grâce à sa force gravitationnelle, ce qui limite la fenêtre d'observation des condensats de Bose-Einstein à quelques millisecondes à peine. L'environnement à bord de l'ISS permet en revanche d'échapper à cette contrainte, et Sengupta e son équipe espèrent pouvoir observer des condensats de Bose-Einstein pendant presque 10 secondes, ce qui serait inédit.

"Dans un environnement en microgravité comme à bord de l'ISS, vous pouvez descendre jusqu'à des températures inédites et vous pouvez voir les atomes évoluer en quelques secondes, dit-elle. Sur le plan scientifique, c'est passionnant."

Le but de l'équipe est de mieux comprendre cette forme exotique de la matière et ses implications sur le plan purement scientifique. Mais Sengupta prédit que les expériences menées par le laboratoire, qui devraient durer au moins un an, favoriseront le développement de nouvelles technologies, y compris des lasers atomiques.

"Les gens connaissent les lasers à photons, qui émettent un rayon de photons cohérent, explique-t-elle. Nous allons créer un laser à atomes, qui émet un rayon d'atomes." Parmi les applications potentielles de ces recherches, on trouve des interféromètres de haute précision, des appareils de mesure quantique et de la technologie holographique, mais Sengupta pense que tout cela pourrait permettre encore bien d'autres avancées.

"On ne peut pas deviner à l'avance quel genre de technologie on va inventer ou préfigurer, dit-elle. C'est le principe de l'ingénierie - mettre en application toutes ces observations. On crée, on comprend, puis les applications technologiques suivent ; ça vaut pour l'ensemble du programme spatial."