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Des géologues vont forer le cratère de l’astéroïde qui a tué les dinosaures

Dans quelques semaines, des chercheurs et creuser un trou de 1500 mètres au large du Mexique pour voir à quoi ressemblait le gigantesque caillou qui a tué les dinosaures.

Il y a 66 millions d'années, la Terre et les dinosaures qui la peuplaient paisiblement ont passé un sale quart d'heure. Sans prévenir, un astéroïde de dix kilomètres de long est venu terminer sa balade intersidérale dans la péninsule du Yucatan, au large de l'actuel Mexique, libérant à l'impact une énergie équivalente à un milliard de Little Boy largués sur Hiroshima et annihilant au passage l'immense majorité de la vie animale terrestre. Si les hypothèses au sujet de l'extinction des dinosaures diffèrent encore aujourd'hui (l'impact a-t-il activé des éruptions volcaniques planétaires, rendu l'atmosphère toxique ou généré des tsunamis géants ?), le cratère de Chixculub reste l'unique stigmate encore observable de cette apocalypse. A la fin du mois de mars, rapporte le magazine Science, une équipe de chercheurs va enfin pouvoir autopsier les restes de l'astéroïde pour en savoir un peu plus sur l'identité de l'assassin.

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À 30 kilomètres au large des côtes mexicaines, à l'épicentre du cratère de 180 kilomètres de diamètre, l'équipe sponsorisée par l'International Ocean Discovery Program (IODP) va déployer une plateforme de forage temporaire sur trépied et enfoncer une foreuse à pointe de diamant dans le plancher océanique. Du 1er avril à la fin du mois de mai, la foreuse devra plonger à 1500 mètres de profondeur et extraire des carottes successives de trois mètres de long, qui seront ensuite étudiées en laboratoire. David Smith, l'un des membres de l'expédition, précise cependant que la mission à 10 millions de dollars n'aura « qu'un seul essai pour atteindre ces 1500 mètres ». Un défi technique régulièrement relevé par les différentes compagnies pétrolières essaimées dans la péninsule, l' « offshore très profond » (au-delà de 1500 mètres) recelant d'importantes quantités de pétrole. En 2013, le record mondial de profondeur été ainsi porté à 3165 mètres. Comme le précise Science, les premières données géologiques révélant la présence du formidable cratère, relevées dans les années 50, provenaient même de la compagnie pétrolière nationale mexicaine, Pemex… qui n'en fit strictement rien, puisque seule la recherche de champs pétrolifères rentables motivait ses expéditions géologiques.

Plus d'un demi-siècle après ces premiers relevés et vingt-cinq ans après les premières véritables études scientifiques à ce sujet, le cratère de Chixculub va donc enfin être analysé. Avec l'ambition de comprendre exactement comment la surface terrestre réagit lorsqu'elle se prend de plein fouet un gigantesque caillou capable de la défigurer pendant des dizaines de millions d'années. Au programme : analyse de la composition des différentes couches de roches et sédiments progressivement déposés après l'impact et inventaire des différents micro-fossiles emprisonnés dans ces roches. En d'autres termes, reconstituer le déroulé des événements, depuis l'impact jusqu'à nos jours, pour comprendre comment la Terre et la vie qu'elle contenait alors ont réussi à se remettre d'un choc pareil.

Mais le plus intéressant aux yeux des scientifiques réside dans « l'anneau de soulèvement central », une région de roches surélevées qui encercle le centre des cratères d'impact visibles sur d'autres planètes, comme Mars ou la Lune, sans qu'on sache véritablement pourquoi. Sur Terre, cependant, les cratères d'impacts connus ont tous été irrémédiablement érodés par le temps, rendant impossible une quelconque exploration souterraine. Pour les géologues, l'énergie libérée lors du crash serait telle qu'elle ouvrirait une fissure dans l'écorce terrestre par laquelle giclerait du granit venu des profondeurs, qui s'accumulerait en une gigantesque tour avant de s'effondrer. Un granit poreux, traversé de liquides, qui devrait selon les simulations contenir des microbes. Si la foreuse parvient jusqu' à cette zone, les chercheurs pourront alors effectuer « une biopsie dans la géopsie », comme l'écrit Science, et extraire l'ADN de ces microbes inconnus, nés d'une titanesque explosion survenue il y a 66 millions d'années. Qui tuait, au même instant, les formes de vie animales les plus sophistiquées de la planète.