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Et si la vie extraterrestre n’était pas encore apparue ?

Il se pourrait bien que les Terriens soient les premiers organismes apparus dans l’univers, et que l’Âge d’or de la vie soit encore loin devant nous.
Image: Hubble ESA

« L'espace est incroyablement, immensément, foutrement grand » disait Douglas Adams. Ces dimensions gigantesques sont un obstacle de taille à l'exploration de l'espace, et qui plus est à la recherche de la vie extraterrestre. Même si notre bonne vieille Voie Lactée abritait effectivement des formes de vie, celles-ci seraient situées à des milliers d'années-lumière de nous, hors de notre portée, se mouvant en silence comme des vaisseaux dans l'obscurité.

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Mais si le principal frein à la découverte d'aliens n'était pas l'espace, mais le temps ? C'est la question que se pose un article publié dans le Journal of Cosmology and Astroparticle Physics.

Dirigé par l'astrophysicien Avi Loeb, du département d'astrophysique d'Harvard, le papier évalue l'évolution de la probabilité d'émergence de la vie dans le temps, depuis la naissance des premières étoiles, 30 millions d'années après le Big Bang, à la mort des dernières étoiles, dans des milliards d'années. Les chercheurs ont utilisé une définition de la vie proche de celle que nous connaissons : des organismes vivant sur une planète rocheuse riche en eau liquide et située dans la zone d'habitabilité de son étoile.

Leurs calculs suggèrent que les naines rouges de faible masse sont très probablement les mieux habilitées à réunir un système planétaire habitable, en vertu de leur extrême longévité. En effet, elles se consument très lentement, possèdent une masse correspondant à peine à 10% de celle des naines jaunes (comme notre soleil), et leur durée de vie est plus de mille fois plus longue que celle de ces dernières.

Le profil des naines rouges est loin d'être idéal cependant : ces astres capricieux ont tendance à être un peu agités durant leur jeunesse, durant laquelle leurs éruptions soudaines sont capables de stériliser l'atmosphère de l'ensemble de leurs planètes satellites. Même si une récente étude a montré qu'il existait des planètes à l'atmosphère très compacte (comme la Terre, Mars, ou Vénus) dans la zone habitable des naines rouges, les scientifiques doutent encore de leur capacité à accueillir la vie.

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En supposant que ce soit le cas, il serait cohérent que la formidable durée de vie des naines rouges augmente la probabilité que des écosystèmes puissent émerger et persister au sein de leur système planétaire. « Si les systèmes planétaires gravitant autour d'une étoile de masse faible peuvent accueillir la vie, cette vie émergera plus probablement dans le futur, » nous confie Loeb. « Les naines rouges réchauffent les planètes pendant très, très longtemps. »

En effet, les chercheurs ont découvert qu'il était mille fois plus probable que la vie émerge dans le futur que dans notre passé ou notre présent. En quelque sorte, notre univers est de plus en plus propice à l'émergence de la vie. De plus en plus habitable.

Concept art de TRAPPIST-1, un système planétaire autour d'une naine rouge. Image: ESO/M. Kornmesser/N. Risinger

Selon ce scénario, les formes de vie terrestres seraient des sortes de grandes prématurés de l'histoire de la vie dans l'univers, des anomalies annonciatrices d'une longue période de fertilité cosmique. Cette hypothèse permet d'ailleurs de résoudre le célèbre paradoxe de Fermi : si nous n'avons encore rencontré aucune vie extraterrestre, serait-ce parce que la vie terrestre… est la première à avoir vu le jour ?

« Nous ne sommes peut-être qu'à l'aube de la vie cosmique, » explique Seth Shostak, astronome et directeur de l'Institut du programme SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence). « La vie explosera partout, mais plus tard. »

« Il ne faut cependant pas en déduire que seule la Terre accueille la vie aujourd'hui, » ajoute-t-il.

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Nous pourrions être l'une des civilisations dites « précoces » au sein de l'univers. Et l'équipe de Loeb n'est pas la seule à suspecter que la période faste de la vie organique attendra encore quelques milliards d'années.

En effet, une étude de Pratika Daval, astrophysicienne à l'Université de Groningen, est arrivée à la même conclusion par un autre détour : la chercheuse s'est penchée sur l'influence des radiations causées par les supernovæ et les sursauts de rayon gamma sur l'habitabilité des planètes lors des derniers 13 milliards d'années.

Les modèles réalisés par son équipe montrent que la réduction de ces radiations aurait rendu l'univers 20 fois plus habitable aujourd'hui qu'il ne l'était il y a 4 milliards d'années, quand la vie est apparue sur Terre. L'étude montre également que notre environnement cosmique sera de plus en plus propice au développement d'organismes vivants.

« Les équipes travaillant sur ce sujet ont adopté des approches radicalement différentes » explique Dayal. « Avi Loeb, par exemple, n'a pas du tout fait la même chose que nous. Et pourtant nous arrivons tous aux mêmes conclusions. Cela indique sans doute que nous sommes sur la bonne piste. »

Évidemment, ces nouvelles hypothèses resteront extrêmement spéculatives tant que nous n'aurons pas collecté davantage de données observationnelles sur l'évolution de l'habitabilité de l'univers dans le temps, et que nous n'aurons pas construit des simulations plus solides pour interpréter les données en question.

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« Nos meilleures simulations sont incapables, à l'heure actuelle, de nous aider à évaluer l'habitabilité de l'univers à grande échelle, » ajoute Dayal. « Pour le moment, nous nous contentons de trouver des approches intelligentes pour aborder le problème. »

« Cette quête devra être menée de manière parfaitement agnostique, » ajoute Loeb.

Il est tout de même intéressant de réfléchir aux implications de ces recherches. Admettons que les humains soient parmi les premières espèces hautement intelligentes de l'univers. Cela change-t-il la perception que nous avons de notre place dans l'univers ? Sommes-nous les grands frères et les grandes sœurs de sociétés qui émergeront autour d'étoiles qui ne sont pas encore nées ? Au lieu de tenter de raccourcir les distances interstellaires, ne devrions-nous pas tenter de raccourcir les distances temporelles, à la recherche d'êtres extraterrestres susceptibles d'apparaître dans plusieurs milliards d'années, bien après la mort de notre soleil ?

Nous cherchons la vie extraterrestre parce que nous voulons connaître de potentielles civilisations différentes de la nôtre, mais après tout, nous avons sans doute plus à apprendre de nous-mêmes que de contemporains aliens dont l'existence est tout sauf avérée. Ou du moins, nous pourrions faire office de professeurs pour les sociétés extraterrestres à venir, qu'elles soient ou non technologiquement avancées. Pourquoi ne pas leur envoyer une bouteille à la mer ?

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Évidemment, l'inverse est possible. Nous avons peut-être déjà reçu des messages posthumes d'aliens, sans être toutefois capables de les identifier. « C'est une question centrale : quand nous cherchons la vie ailleurs, que cherche-t-on exactement ? » se demande Dayal.

« D'un point de vue astrophysique, nous parlons là de vie terrestroïde. Mais peut-être que ces formes de vie éloignées n'ont absolument rien en commun avec ce que nous connaissons. Comment pourrons-nous les identifier ? Comment s'assurer que des êtres vivants n'essaient pas déjà activement de communiquer avec nous ? » ajoute-t-elle.

« Il est fort probable que la nature ait plus d'imagination que nous, » explique Loeb. « Nous ne sommes qu'un exemplaire possible de la vie telle qu'elle peut s'exprimer. »

Il faut bien garder cela en tête. Imaginer que des extraterrestres essaient vainement d'entrer en contact avec nous est déjà terrible ; le scenario inverse, où les humains réussissent à transmettre des messages à des civilisations éloignées incapables de les interpréter, n'est pas beaucoup plus réjouissant. Il faudra absolument contourner ce problème si nous voulons que les êtres vivants possédant une certaine sophistication cognitive réussissent à se faire passer des informations à travers le temps et l'espace.

« Il est fort possible que ces formes de vie se soient disséminées dans la galaxie à des endroits où ne nous soupçonnerions jamais leur existence. »

« Nous essayons actuellement de rentrer en contact avec d'autres civilisations qui ne naitront que dans cinq, dix, cent milliards d'années, » ajoute Shostak. « C'est un gros problème. Et l'univers aura beaucoup changé, d'ici là. »

Nous avons déjà quelques pistes pour sortir de cette impasse. Le problème est qu'elles supposent toutes des avancées technologiques majeures, et que celles-ci ne se provoquent pas par la seule force de la volonté. Nous pourrions, par exemple, développer des vols spatiaux interstellaires afin d'explorer la galaxie plus avant. C'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire, évidemment. Mais en théorie, ce sera la seule façon possible d'interagir directement avec des civilisations du futur.

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« Pour une forme de vie intelligente, comme nous, une civilisation technologique, le vol interstellaire change la donne. Il signifie que nous n'êtes plus obligé de vivre autour d'une seule étoile, » explique Loeb. « En principe, une telle civilisation, si elle est suffisamment avancée, pourrait se répandre dans l'univers. »

« Il est fort possible que ces formes de vie se soient disséminées dans la galaxie à des endroits où ne nous soupçonnerions jamais leur existence, » poursuit-il. « Peut-être que des vaisseaux parcourent déjà la Voie Lactée, mais que nous sommes incapables de les voir parce qu'ils sont trop petits pour être détectés par nos instruments actuels. »

Les humains développeront peut-être un jour les technologies nécessaires à une conquête spatiale en bonne et due forme. Des projets tels que Breakthrough Starshot, qui visent à envoyer une flotte de microvaisseaux spatiaux dans le système planétaire voisin, Alpha Centauri, espèrent ouvrir la voie.

« Si elle veut survivre sur le long terme, notre civilisation devra, un jour ou l'autre, se déplacer, » explique Loeb. « Proxima Centauri n'est pas si lointaine que cela. C'est une destination à envisager. »

Il est difficile de prédire si et quand nos efforts porteront leurs fruits, et il y a fort à penser que l'humanité disparaisse avant que notre bonne vieille étoile, le Soleil, arrive à expiration. Parce que l'humain désire absolument laisser une trace de lui, il dispose aussi d'un plan B : lancer sa propre épitaphe dans l'espace sous la forme d'un engin robotique, ou encore envoyer des messages radio à des civilisations qui n'existent pas encore et les réceptionneront dans plusieurs milliards d'années. Mais eh, en terme de communication avec l'Autre, c'est toujours mieux que rien.

Tout ceci n'est qu'une expérience de pensée amusante pour le moment. Cependant, si les preuves que vivons actuellement à l'aube d'une explosion de vie dans l'univers continuent de s'accumuler, elles risquent de bouleverser notre rapport au monde. Si nous sommes réellement des ancêtres, des sortes de Grands Anciens fantasmés par la fiction, nous ferions bien de commencer à développer la sagesse qui incombe à notre rang.