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Life

Les clichés sur le satanisme à balancer, selon de vrais satanistes

« Vous n’obéissez à personne, vous ne rendez de comptes qu’à vous-même. »
Camilla Sernagiotto
Milan, IT
MC
traduit par Myriam Chouder

« Être sataniste en Italie n’est pas facile », explique Jennifer Crepuscolo, 33 ans, fondatrice de l’Union des satanistes italiens (USI). « C’est parce qu’on représente quelque chose qui est considéré comme gênant par la société. » Crepuscolo a fondé l’USI en 2010. Son objectif était de diffuser des informations sur le culte de Satan qui représentaient réellement le mouvement, sans jugements moraux extérieurs. 

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« Les informations sur le satanisme qu’on trouve dans les livres, les journaux ou à la télévision ne proviennent jamais de vrais satanistes », écrit-elle sur le site de l’organisation. « L’USI veut donner une voix à ceux qui, pendant des millénaires, n’ont pas pu s’exprimer sans risquer la persécution, la censure, la condamnation ou le bûcher. » 

Selon Crepuscolo, le satanisme se divise en deux branches principales : le culte traditionnel, où les adeptes considèrent Satan comme une divinité ; et l’interprétation plus philosophique, où les adeptes voient Satan comme un symbole de rébellion contre les religions dominantes. Au sein de ces deux branches, il existe également de nombreuses autres écoles de pensée, certaines religieuses et d’autres non.

L’USI défend le satanisme traditionnel, également appelé satanisme théiste ou satanisme religieux. Elle croit en particulier au Satanismo Originale (Satanisme original), une école de pensée italienne créée par l’USI elle-même. Ce courant a également des disciples dans d’autres pays.

Jennifer Mazzetta Crepuscolo, Unione Satanisti Italiani – Photo of a young woman with long red hair, wearing a black coat and black pants and posing on a historical balcony overlooking a park.

Selon le Satanisme originel, Satan est un Dieu ancien qui a été diabolisé par les religions abrahamiques, comme ce fut le cas d’autres démons. La Déesse Mère est une figure centrale du culte, « Elle est la figure féminine sombre et brillante qui est largement stigmatisée par les religions patriarcales », explique Crepuscolo. 

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Le groupe croit que ces dieux sont descendus sur Terre pour offrir leur savoir aux humains, s’unissant à certains d’entre eux et créant une nouvelle lignée de descendants appelés « Satanides ». Ensemble, ils forment une communauté connue sous le nom de « Clade ». Biologiquement liés à Satan, les Satanides peuvent accéder à la connaissance divine grâce à leur sang, qui est inscrit dans la « mémoire génétique » de cette connaissance, comme l’explique Crepuscolo. Tous les membres de l’USI se considèrent comme des Satanides.

« Nous refusons toute forme d’organisation hiérarchique basée sur la subordination du maître et du disciple », poursuit-elle. Les Satanides suivent leur propre chemin vers la connaissance, mais ils sont également reliés par la Clade. Ils peuvent donc accéder à ce savoir en toute indépendance « et le partager avec d’autres, en enseignant et en apprenant sans rôles prédéfinis », précise Crepuscolo.

Aujourd’hui, l’Union compte environ 6 000 abonnés sur son site web, 12 000 sur Facebook, 2 000 followers sur Instagram et 10 000 sur YouTube. Le compte TikTok de Crepuscolo compte également plus de 100 000 followers.

Étonnamment, la plupart des membres sont des femmes - la répartition est d’environ 65/35 % - âgées de 18 à 34 ans, « mais il y a aussi des mineurs et des personnes de plus de 50 ans », ajoute Crepuscolo. « Ils viennent de tous les horizons, des lycéens aux femmes au foyer, des ouvriers aux enseignants, des avocats aux médecins et même des politiciens (que nous ne pouvons évidemment pas nommer pour des raisons de confidentialité). »

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Crepuscolo affirme que de nombreux satanistes affiliés à l’Union - même ceux qui sont très dévoués - vivent dans le secret, par peur d’être marginalisé ou même attaqués. Crepuscolo a elle-même reçu de nombreux messages haineux et même des menaces de viol et de mort pour sa présence sur les réseaux sociaux. 

Nous avons demandé à des membres de l’USI des raisons pour lesquelles ils ont décidé d’être satanistes. Ils nous ont demandé de ne pas inclure leurs noms de famille pour ne pas apparaître dans des recherches Google.

« Le pape François décrit la violence contre les femmes comme un acte satanique, mais à vrai dire, ce sont les religions patriarcales qui sont à l’origine de la misogynie. »

Claudia, Unione Satanisti Italiani - photo d'une jeune femme aux yeux bleus avec de l'eye-liner. Ses cheveux bruns sont coupés au carré et elle porte un col roulé noir.

Claudia, 19 ans.

« Depuis toute petite, j’ai toujours eu des doutes sur le christianisme. Je remarquais des incohérences, et je ne me sentais pas à l’aise quand je pensais à Jésus.

Puis un ami m’a parlé du satanisme, et j’ai enfin eu l’impression d’avoir trouvé ma place. Pour surmonter les préjugés sur le culte, j’ai senti que je ne devais pas avoir honte ou peur. J’en ai donc parlé autour de moi - à mes parents, mes amis, un de mes professeurs et ma petite amie. Mes amis et mon professeur se sont montrés intéressés, mais je me suis brouillée avec mes parents et ma copine m’a larguée. C’était difficile, mais aujourd’hui, j’ai une copine que j’aime énormément et qui fait aussi partie du culte. 

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Je connais beaucoup de satanistes gays, car l’orientation sexuelle est sans importance pour nous. Et les femmes sont aussi très respectées. Le pape François décrit la violence contre les femmes comme un acte satanique, mais dans les faits, ce sont les religions patriarcales qui sont à l’origine de la misogynie.

Le satanisme n’est pas une doctrine, nous n’avons pas à suivre de dogmes, seulement notre nature satanique. La notion de conversion n’existe pas chez nous, car si vous êtes sataniste, vous le savez au plus profond de vous. Si vous ne l’êtes pas, vous ne pouvez pas le devenir. Il n’y a pas de hiérarchie, c’est ce qui me plaît le plus. Vous n’obéissez à personne, vous ne rendez de comptes qu’à vous-même. » - Claudia, 19 ans, étudiante et sataniste depuis cinq ans.

« Pour moi, Satan est une entité originelle, alors que pour beaucoup de gens, il est un ensemble de stéréotypes. »

Eugenio, Unione Satanisti Italiani - jeune homme aux cheveux noirs courts, aux yeux noirs, avec une moustache et un bouc. Il porte un sweat-shirt gris et de nombreuses bagues en argent sur sa main droite qui est posée sur son épaule.

Eugenio, 25 ans.

« J’ai toujours été attiré par l’occulte, et ce depuis tout petit. À vrai dire, j’étais fasciné par tout ce qui était sacré et je me suis d’abord intéressé au christianisme. J’ai même été enfant de chœur.

Puis, un soir, il y a neuf ans, j’ai été appelé vers Satan. Ce fut une expérience inoubliable. Par une froide nuit de février, j’ai senti que mon corps était imprégné de l’énergie de Dieu. C’était une sensation chaude et intense, difficile à expliquer. C’était la première fois que je vivais une telle expérience, mais mon âme l’a reconnue immédiatement. 

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Je savais que c’était Satan, mais je n’ai pas eu peur, je me sentais en paix et en sécurité. Dans les jours qui ont suivi, j’ai trouvé l’USI et rencontré d’autres personnes comme moi. J’en ai tout de suit parlé autour de moi. Aujourd’hui, tout le monde sait que je suis sataniste, même les gens au travail. J’ai des tatouages des sceaux des Dieux et je les porte avec fierté.

Nous ne croyons pas au diable biblique. Pour moi, Satan est l’entité originelle, le Dieu de la connaissance, le Dieu de l’âme humaine, alors que pour beaucoup de gens, il est un ensemble de stéréotypes. 

Les gens pensent que les satanistes sont des criminels à cause des gens qui commettent des crimes au nom du diable et qui se font appeler satanistes. Ces personnes sont plutôt des anti-chrétiens, des criminels qui n’ont pas de véritable vocation, ils veulent juste se rebeller contre le système. Ils sont donc un dérivé du christianisme, puisqu’ils n'adorent pas vraiment Satan, mais exploitent le concept du diable pour évacuer leurs frustrations. Leur diable ne correspond pas à la véritable figure de Satan, c’est une invention judéo-chrétienne créée pour effrayer les masses et les garder sous contrôle. » - Eugenio, 25 ans, boulanger et sataniste depuis neuf ans.

« J’ai été harcelée parce que j’étais sataniste. J’ai été sanctionnée pour avoir partagé mon lieu de travail, car mon nom aurait pu nuire à la réputation de l’entreprise. »

Alessandra, Unione Satanisti Italiani - femme aux longs cheveux bruns portant un haut blanc lacéré avec un cardigan noir, un pantalon noir, un gros cabas beige et des sandales à talons dorées et prenant la pose dans l'herbe devant une maison.

Alessandra, 31 ans.

« La première fois que je rencontre quelqu’un, je ne mentionne pas tout de suite que je suis sataniste, mais j’en parle calmement si le sujet de la spiritualité est abordé.

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Ça ne s’est pas très bien passé au travail, à tel point que j’évite désormais d’avoir un patron, quel qu’il soit. J’ai été harcelé parce que j’étais sataniste, je ne pouvais pas être reconnu pour mon travail, j’ai même été sanctionné pour avoir dit où je travaillais parce que mon nom aurait pu nuire à la réputation de l’entreprise.

Je trouve honteux que de telles choses se produisent encore de nos jours. La discrimination religieuse n’est pas acceptable, surtout au travail. Au-delà de ces faits explicites, il existe bien d’autres discriminations cachées, mais elles sont difficiles à prouver. Par exemple, je ne peux pas savoir combien de fois mon CV a été refusé après une recherche sur Google, mais ça arrive, c’est sûr.

Le cliché sur le satanisme qui a la peau dure, c’est le lien avec le crime. De nos jours, il y a aussi beaucoup de conspirationnistes qui associent le satanisme aux élites puissantes et aux formes rituelles d’abus sur les enfants. Ces croyances peuvent dégénérer en de dangereuses formes d’hystérie de masse, et tout cela provient de la désinformation. » - Alessandra, 31 ans, consultante juridique et sataniste depuis 13 ans.

« On respecte tout ce qui vient de la nature, c’est pourquoi on cherche à briser le mythe du sacrifice d’animaux. »

Davide, Unione Satanisti Italiani - photo d'un homme portant une casquette noire, un t-shirt de Metallica et des lunettes rondes, posant dans la nature.

Davide, 39 ans

« Les satanistes n’ont pas de lieu de culte où se rassembler pour des raisons de sécurité, mais ce serait bien d’en avoir un, même pour les réunions officielles. Nous considérons aussi la nature comme notre temple, celui-ci est donc partout.

Nous venons de la nature et nous célébrons ses cycles. Nous respectons tout ce qui vient de la nature, c’est pourquoi nous essayons de casser le mythe du sacrifice d’animaux. Quelle valeur aurait le sang d’un animal sans défense pour un vrai Dieu ? Le seul sacrifice que font les satanistes est celui de l’ignorance sur l’autel de la sagesse. » - Davide, 39 ans, employé de commerce de détail et sataniste depuis quatre ans.

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