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Tech

Le merveilleux hackaton des objets inutiles et des idées absurdes

En parodiant les objectifs techno-utopiques des hackatons, Sam Lavigne et Amelia Winger-Bearskin cherchent à renforcer la critique de la tech culture.

Melanie Hoff, co-développeuse de YOUrinate, présente sa création inutile. Photo: Cecilia D'Anastasio

« Vous n'avez jamais rêvé qu'un appareil vous avertisse que votre vessie est pleine ? » demande Melanie Hoff, co-développeuse de YOUrinate, à un parterre d'ingénieurs, d'artistes et de développeurs le week-end dernier. Autour de sa tête est enroulé un ruban bardé de capteurs capables d'évaluer quelle quantité de liquide elle a absorbé depuis sa dernière miction. Autour de sa taille, on peut voir un énorme boitier muni d'un haut-parleur. Hoff boit un verre d'eau. « Gorgée détectée », claironne l'appareil. Puis, 15 secondes plus tard : « Il est temps d'aller pisser. »

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Hoff participe au célèbre Hackaton « Des trucs à la con et des idées absurdes » de New York, un événement où les participants sont encouragés à créer des appareils redondants et inutiles en l'espace d'une journée. Pour aboutir au concept de YOUrinate, Hoff et ses collègues ont passé un temps considérable à passer en revue les fonctions biologiques que le corps maitrise déjà très bien. Pour cette raison, ils ont passé huit heures à construire un appareil qui vous affirme que vous avez envie d'uriner.

« La grande question soulevée par l'utilisation des wearables est : quelle est leur raison d'être ? Je pense qu'avec YOUrinate, nous y avons répondu, » explique Dave « BBQ » Sheinkopf, le collègue de Melanie Hoff. « Mais notre question se formule plutôt comme ceci : POURQUOI ? »

3Cheese printer, l'imprimante 3D à fromage. Photo : Cecilia D'Anastasio

Des inventions importantes comme 3Cheese Printer, l'imprimante 3D qui utilise du fromage comme encre, ou NonAd Block, l'extension chrome qui bloque tout contenu non-publicitaire, animent ce hackaton qui ambitionne de moquer la culture du « hacking » en général. Tandis que la plupart des hackatons multiplient les inventions inutiles avec le plus grand sérieux, le Hackaton Stupide, lui, met en avant la prétention ordinaire des développeurs prêts à tout pour attirer des financements en proposant des objets qui répondent à des besoins inexistants. En parodiant les objectifs techno-utopiques des communautés qui gravitent autour des hackatons, Sam Lavigne et Amelia Winger-Bearskin, les créateurs de l'événement, cherchent à renforcer la critique de la tech culture.

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« Un besoin est déjà satisfait et vous voulez le renforcer par un objet manufacturé ? Le Hackaton Stupide est là pour ça, » clame Lavigne. « Notre événement constitue le cadre idéal pour critiquer la communauté tech dans son ensemble. »

Cette année, trois équipes ont eu la même idée : créer un dispositif de détection des érections. Les catégories en compétition incluent « l'électronique qui se mange », « les produits qui mettront fin au changement climatique » et « Ayn Rand, » mais ce ne sont pas les plus populaires.

Dylan Fashbaugh de YOUrinate sait parfaitement que vous avez besoin d'uriner. Photo: Cecilia D'Anastasio

Lavigne et Winger-Bearskin se sont rencontrés à l'Interactive Telecommunications Program (ITP) à New York ; ils ont commencé à être dégoûtés des hackatons ordinaires après avoir constaté qu'un nombre croissant de « hack » ambitionnaient de résoudre la faim dans le monde ou les inégalités économiques en un week-end. Lorsqu'elle était étudiante à l'ITP, Winger-Bearskin, maintenant directrice du DBRS Innovation Lab, a participé à un hackaton ITP sur le thème de l'amour :

« Je n'arrivais pas à manger quoi que ce soit au buffet », explique-t-elle, faisant référence à la nourriture gratuite traditionnellement proposée aux participants lors de ce genre d'événements. « Et, bien sûr, je n'arrivais pas non plus à hacker l'amour. » Elle ne s'est plus jamais inscrite à un hackaton.

Le dernier projet de Winger-Bearskin lors qu'un Hackaton Stupide est le « Drone Doula » (NSFW), un drone muni de pinces qui permettent d'agripper un bébé afin de le sortir facilement du ventre de sa mère. Une vidéo d'un accouchement en direct a conclu son exposé, horrifiant tous les participants, explique-t-elle avec fierté.

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Ces dernières années, les fans du Hackaton Stupide ont répliqué l'événement en Europe, à San Francisco et au Canada.

L'expérience de Réalité Virtuelle « Fireplace », créée par Mikei Huang, permet à un utilisateur de s'immerger dans un scénario VR où il vit une aventure palpitante : regarder la télévision sur un canapé, à côté d'un feu de cheminée. David Huerta et Cameron Cundiff, quant à eux, ont créé un système de liste de mariage pour Crypto Market, un site machand du dark web qui propose de faux comprimés de Xanax et de fausses cartes bleues. « Soylent Dick » (NSFW) est quant à lui un godemichet élaboré à partir de pâte de Soylent. « La meilleure façon de consommer votre Soylent, » clame le slogan. Évidemment, il est traversé par un tube qui lui permet d'éjaculer du Soylent liquide.

Un godemichet qui éjacule du Soylent. Photo: Cecilia D'Anastasio

« Soylent n'est pas seulement la nourriture du futur, » explique Katherine Pan, la co-créatrice du bidule, « bientôt, vous pourrez consommer du Soylent grâce à des récipients en Soylent. »

Elle ajoute que « certains considèrent que le Soylent est un symbole de la culture tech, essentiellement masculine. Nous avons donc créé un pénis géant à partir de cette substance. »

E-book, un livre dont les pages ont été creusées afin de ménager un espace dans lequel on peut ranger son smartphone, promet de transformer complètement le marché du livre. Grâce à lui, ses lecteurs peuvent lire un livre physique et un livre électronique en même temps, tout en se filmant en train de lire. Enfin, Shakie, une application à selfie, vous permet de prendre une photo floue de votre visage en secouant vigoureusement votre téléphone.

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Xavier Snelgrove apprend qu'il y a une chaise de barbier, un bureau et un grand piano dans la pièce grâce à son casque de réalité augmentée, « Signifier. » Photo: Cecilia D'Anastasio

« Quelle tâche vous prend le plus de temps dans une journée ? » demande le développeur Xavier Snelgrove. « La perception ! » Afin de soulager les personnes du terrible fardeau cognitif qui les oblige à regarder les choses et à les identifier, Snelgrove a développé un dispositif de réalité augmenté destiné à vous assister dans votre perception du monde. « Signifier, » grâce à son algorithme de deep learning avancé, trie les éléments qui se trouvent en face de vous afin de les ranger « dans l'une des 1000 catégories qui permettent de décrire la réalité dans son ensemble. » Lorsque qu'il est pointé en direction de Snelgrove, le casque perçoit ce dernier comme « un ras-de-cou », « une perruque » ou « un boa de plumes. »

Les participants au hackaton, aveuglés par un casque Oculus rift éteint, frappent une piñata remplie d'alcool et de cigarettes. Photo: Cecilia D'Anastasio

Afin d'abreuver les participants en goodies, les organisateurs ont organisé un rituel high tech qui consiste à frapper une piñata remplie de bonbons, d'alcool et de cigarettes. En gage de bandeau, leurs yeux étaient couverts par un casque Oculus Rift éteint.

« Les artistes utilisent l'art pour critiquer l'art. Les musiciens caricaturent d'autres genres musicaux. Quant à nous, nous utilisons le langage de la tech pour en dévoiler ses aspects les moins reluisants, » conclue Winger-Bearskin.