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Une brève histoire de Genome Island, le laboratoire de génétique de Second Life

Dix ans plus tard, Genome Island continue de prouver que l’enseignement en ligne a un énorme potentiel.
Image: Flickr/Ryan Somma

Tout a commencé avec World of Warcraft.

C'était en 2004. Mary Anne Clark, professeur de biologie à l'Université Texas Wesleyan, s'est connectée au célèbre MMORRG pour la première fois. Elle n'avait jamais beaucoup joué auparavant, c'est son mari qui l'a encouragée à essayer WoW. Il a suffi d'une session pour qu'elle devienne complètement accro au jeu. Ce dernier lui proposait non seulement des quêtes presque illimitées dans le temps, mais également de nouvelles opportunités de recherche : WoW consiste en un environnement dans lequel des personnes réelles interagissent dans un environnement virtuel, à savoir un cadre d'étude très intéressant.

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Même si d'autres avant elles ont exploité WoW pour leurs recherches personnelles (des épidémiologistes ont étudié « l'affaire du sang contaminé » afin de modéliser la dynamique d'une épidémie dans le monde réel), Clark a estimé que l'environnement de Wow était trop limité pour effectuer le genre d'étude qu'elle avait en tête. Heureusement, au même moment, l'un des amis du couple leur a présenté Second Life, un monde virtuel immense lancé par Linden Lab en 2003.

Contrairement à WoW, le monde de Second Life est presque entièrement façonné par les joueurs. En utilisant un script spécial, les « résidents » de Second Life peuvent effectuer un nombre quasi illimité de modifications dans leur environnement. C'est de ce degré de liberté dont Clark avait besoin pour mener à bien son projet qui repose sur la pédagogie et l'intervention des autres utilisateurs. Après avoir suivi quelques tutoriels, elle s'est lancée dans la création du premier laboratoire de génétique de Second Life : Genome Island.

Image: Flickr/Ryan Somma

Aujourd'hui, les visiteurs de Genome Island pourront observer un magnifique laboratoire de génétique virtuel, rempli de dizaines de simulations d'expériences et de détails très raffinés. Ils pourront même se promener dans le Jardin Génome ou dîner au Chromosome Café. Néanmoins, quand Clark a entamé son projet en 2005, l'île n'était qu'un simple modèle cellulaire interactif niché dans une reconstitution un peu expéditive de l'abbaye de Saint-Thomas en hommage au généticien Gregor Mendel.

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« Genome Island correspond à une sorte de reproduction de mon palais mental lorsque je pense à la génétique, » explique Clark. « Néanmoins, je voulais produire des simulations de vraies expériences réalisées dans le passé ou dans le temps présent. Des expériences qui génèreraient des données qui pourraient être analysées avec des méthodes scientifiques. Et je voulais que le tout soit plutôt plaisant d'un point de vue esthétique. »

Selon Clark, qui a conçu la plus grande partie de Genome Island et de ses expériences elle-même, il aura fallu plusieurs années avant que le tout ressemble vraiment à quelque chose. Elle travaillait dessus pendant son temps libre et a financé le projet de sa poche.

Pendant longtemps, Genome Island a fait partir de SciLands, une communauté scientifique autrefois florissante dont les projets étaient soutenus par des institutions aussi prestigieuses que la NASA ou la National Public Radio américaine. Très vite, l'île a hébergé des tutoriels et expériences de grande envergure qui permettaient aux visiteurs de mettre au point leur propre code génétique ou d'amasser des connaissances sur la transmission des caractères allosomiques dans la pension pour chats de l'île, construire en hommage au CatLab de Judith Kinnear.

En 2007, Genome Island était prête pour accueillir des étudiants en génétique afin de mener des tests avancés. Clark voulait absolument que ses étudiants effectuent des expériences dans un environnement virtuel, et elle s'est vite rendu compte qu'en effet, l'environnement en question facilitait l'apprentissage. Malheureusement, tandis que l'île et ses activités continuaient de croître, il en était de même des coûts liés à la gestion du laboratoire. En dépit de son enthousiasme pour l'enseignement virtuel, elle a réalisé que si elle ne trouvait pas de source de financement, tout son travail serait ruiné par les coûts de maintenance des serveurs. Heureusement, par miracle, l'Université Texas Wesleyan lui a offert une bourse en 2007. Celle-ci a permis de couvrir la facture de 2 000$ qu'elle devait payer chaque année.

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En 2009, Clark hébergeait l'équivalent des cours d'un semestre entier dans l'univers virtuel, une approche qu'elle conserve encore aujourd'hui vu son succès auprès des étudiants. Genome Island est rapidement devenue un outil populaire chez les enseignants, et elle est désormais fréquentée par des professeurs et des élèves en provenance de diverses institutions.

Selon Clark, il y a de nombreux avantages à déplacer les lieux d'étude traditionnel dans le monde virtuel. Pour commencer, cela permet aux étudiants de participer à des expériences plus variées que ce que leur permet leur lycée ou leur université pour des raisons pratiques et financières. De plus, le fait que les étudiants soient incarnés sous forme d'avatars ajoute une composante « sociale » à l'enseignement numérique tout en garantissant des salles de classe virtuelles tranquilles et disciplinées.

Genome Island n'est pas le seul exemple d'Université virtuelle dans Second Life, mais c'est sans doute la plus populaire et la plus durable. Dix ans plus tard elle est toujours là, ayant échappé au destin de l'Université Woodbur, bannie par Linden Lab après des affaires de harcèlement.

Même si l'île a eu son lot de trolls (elle vient de supprimer une horde de poneys ayant mystérieusement occupé la base de données génétique), elle attribue la rareté des trouble-fêtes à la fréquentation modérée du lieu, là où Woodbury était bondée.

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Compte-tenu de la quantité et de la qualité des outils pédagogiques présents sur Genome Island, il est très étonnant qu'elle soit aussi peu fréquentée. Clark affirme que cela ne la surprend pas, car malgré le succès de l'enseignement virtuel, la plupart de ses collègues sont demeurés plutôt hostiles au concept. C'est en parti du aux caractéristiques de la courbe d'apprentissage que l'on doit affronter pour maitriser le fonctionnement et les codes de Second Life.

Image: Flickr/Ryan Somma

Clark cite néanmoins plusieurs autres projets comme des exemples emblématiques d'une viabilité de l'éducation virtuelle, dont Virtual Islands for Better Education par exemple.

« Le grand avantage du monde virtuel, c'est qu'il encourage l'exploration et la découverte, » explique Clark. « Second Life pourrait constituer un support formidable dans de nombreuses disciplines, si seulement les professeurs daignaient s'y intéresser. La communauté est toujours très active ici. »

Même si la prolifération des environnements d'apprentissage virtuels présage du meilleur pour l'avenir de l'enseignement en ligne (ou promet du moins de la rendre moins ennuyeuse), il y a peu de chance qu'une institution aussi incroyable que Genome Island voie le jour dans les prochaines années.