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Laissez tomber Google Car : les tracteurs autonomes sont déjà là

Le secteur agricole investit dans le domaine de l'intelligence artificielle et de l'Internet des objets, afin de rendre le travail des fermiers moins physique et plus stratégique.

Ces derniers temps, on débat beaucoup de la présence future de voitures autonomes sur nos routes. Mais nous avons pourtant négligé le fait que, dans les champs qui bordent la départementale où nous craignons de voir des collisions de Google cars, des tracteurs autonomes circulent déjà depuis une quinzaine d'années.

En effet, les tracteurs autonomes sont de plus en plus répandus. Un porte-parole du fabricant de matériel agricole John Deere affirme que sa société a construit plus de 2000 tracteurs autonomes, qui travaillent déjà dans les fermes du monde entier, des États-Unis à l'Allemagne. En outre, il ne s'agit que d'un symptôme parmi d'autre d'un phénomène émergent : l'investissement du secteur agricole dans le domaine de l'intelligence artificielle et de l'Internet des objets. En agriculture, les applications de l'IA prennent plusieurs formes ; elle peut fournir un système de navigation simple aux tracteurs autonomes, par exemple, ou effectuer de l'analyse de données afin d'élaborer une stratégie d'exploitation des cultures, assistant ainsi les prises de décision du fermier.

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Plusieurs constats sont à l'origine de cet investissement. En outre, on sait que l'automatisation et l'IA peuvent rendre les pratiques agricoles plus efficaces et plus rentables. Mais il y a aussi une explication existentielle derrière tout cela : la population mondiale augmente, mais pas la surfaces de terres cultivables. D'ici 2050, il pourrait y avoir près de 9 milliards de personnes sur la planète, selon l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations Unies. Pour répondre à cette demande, il faudra augmenter la production alimentaire mondiale de 60%.

« La population augmente, mais les zones agricoles, elles, ne s'étendent pas ; il faut gérer les terres de façon plus efficace, » déclare Christian Bauckhage, data scientist à l'Institut Fraunhofer pour l'analyse intelligente et les systèmes d'information. « C'est à ce moment là que l'IA entre en jeu. »

Bauckhage a commencé à s'intéresser aux applications agricoles de l'IA quand il a été choisi pour participer à un projet de l'Université de Bonn, en Allemagne. Des botanistes avaient recueilli des données photos hyperspectrales (que l'on obtient en capturant la lumière située en-dehors du spectre visible). Or, ils avaient besoin d'un expert en analyse de données afin de les aider à trier les photos en question. Ces images montraient des signes précoces de maladies qui ne sont pas visibles à l'œil nu, ce qui permet de détecter les épidémies plus tôt, de les suivre et de les traiter immédiatement. Bauckhage et ses collègues ont réussi à créer une IA capable d'analyser les images afin de détecter la maladie bien avant qu'un agriculteur expérimenté n'y parvienne lui-même par l'observation. L'IA en question était également capable de faire des recommandations sur la conduite à tenir en cas d'épidémie.

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Ceci n'est qu'un exemple de l'intégration de l'IA à la production agricole, mais d'autres applications reposent sur le même principe : collecte et analyse des données, couplées à l'utilisation d'un matériel agricole « intelligent » capable de communiquer avec différents appareils, et avec l'agriculteur lui-même.

Le but est d'utiliser les nouvelles technologies en « agriculture de précision, » cette approche qui consiste à privilégier des sites spécifiques et de petite taille au sein d'une seule ferme, plutôt que de traiter toutes les cultures de la même façon sur vos 16 hectares, vous n'avez qu'à utiliser une IA qui fera de l'analyse de données pour chaque hectare de manière individuelle afin de déterminer ses besoins à petite échelle. Idéalement, cette approche pourrait permettre aux fermes d'être plus productives, mais aussi utiliser moins d'eau, d'engrais et de pesticides.

« Il faut doubler la production alimentaire mondiale d'ici à 2050. »

« L'agriculture est de plus en plus industrialisée, » explique Bauckhage. « Elle n'a plus grand chose à voir avec l'image traditionnelle que nous avons d'un fermier qui marche dans ses champs et tapote la tête de ses vaches. Comme de nombreux domaines de la vie moderne, elle est l'objet d'une datafication accrue, ce qui peut mener à de très mauvaises ou à de très bonnes choses en fonction de l'usage qui est fait de ces données. Dans l'absolu, on pourrait augmenter les rendements tout en diminuant l'usage des pesticides, ce qui serait vraiment très bien. »

Jusqu'ici, dans le domaine agricole, l'IA ne fonctionne qu'en association avec les humains. La plupart des systèmes sont incapables d'effectuer des tâches de manière autonome. Pour le moment.

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« Les gens utilisent notre tracteur autonome de deux façons différentes, » explique Ron Zink, directeur produit chez John Deere. « Certains l'utilisent en ligne droite, puis font les travaux en ligne courbe ou dans les coins du champ à la main. D'autres prennent le temps de calibrer le tracteur pour qu'il passe partout, ce qui est plus long mais rentable à terme. »

Zink estime que l'utilisation de tracteurs autonomes augmente la productivité de 10% minimum ; en effet, ils sont équipés de systèmes GPS et de systèmes de navigation télématique par satellite en orbite basse qui permettent à ces machines de conduire plus précisément afin de ne pas passer deux fois au même endroit. De cette façon, les agriculteurs évitent de repasser dans les rangées de fruits et légumes déjà cueillis, ou de jeter des graines sur une tranchée déjà ensemencée.

Un agriculteur utilise un tracteur autonome. Image : John Deere

Au-delà de l'automatisation, l'analyse de données ouvre la voie à l'innovation en agriculture. Les exemples ne manquent pas, de la reconnaissance faciale appliquée au bétail (afin de repérer les prédateurs ou les animaux sauvages porteurs de maladies au milieu du troupeau) en passant par l'ensemencement à taux variable. Il s'agit de recueillir des données sur les rendements annuels afin d'adapter le choix des semis, de la période d'encensement, du sol et des quantités de graines dans le but d'obtenir le meilleur rendement possible. Ainsi, les zones les plus productives sont mises à profit.

« Admettons qu'une partie du champ possède une très bonne terre et une grande variabilité en matière de rendement, tandis que l'autre partie n'est pas terrible, » explique Zink. « Cela permettra de s'adapter en disant ok, je vais planter plus de graines là où le champ est le plus productif, moins de graines là où il l'est moins, et j'adapterai également la répartition de l'engrais. »

Cette fois encore, l'agriculteur est impliqué dans les opérations menées par les machines agricoles ; elles ne partagent pas leurs données entre elles, et ne prennent pas de décisions de manière autonome. Cependant, il devient plus facile d'imaginer un avenir où le travail d'agriculteur sera moins physique, plus stratégique, et impliquera davantage de surveillance et de gestion. Même si cela réduira certainement le nombre d'emploi dans le secteur, il faut reconnaître que l'âge moyen des agriculteurs dans la plupart des pays développés est d'environ 60 ans ; avec une demande pressante pour accroître la production alimentaire, on peut s'inquiéter de ce que nos cultivateurs vieillissent sans que les jeunes reprennent le flambeau. Le secteur agricole est probablement le seul secteur où l'arrivée des robots est vue comme une bénédiction, et non comme une menace.

« Les experts disent que nous devons doubler la production alimentaire mondiale d'ici à 2050, » affirme Zink. « La surface des terres arables n'augmentera pas, ou très peu. Comment s'en sortir ? La technologie contribuera sans doute à répondre à cette question. »