Le cinéma olfactif, c’est pour bientôt

Hier soir, je suis allé au Rubin Museum à New York, je me suis installé confortablement dans un auditorium bondé et j'ai senti un bon film.

Il s'agissait d'un court-métrage animé, Alex au pays des merveilles, et exposant un personnage adorable, Alex, vagabondant dans une forêt verdoyante puis allant s'exposer au soleil sur une plage. Tandis que ces images défiaient devant mes yeux, les spectateurs faisaient circuler un petit appareil de la taille de l'Echo Dot d'Amazon, qui diffusait des parfums correspondant à ce qu'il se passait à l'écran. Le spectateur pouvait sentir les fleurs devant lesquelles passait le héros, ou encore la lotion bronzante que les plagistes s'étalaient sur le corps.

« Oh, ça a vraiment du potentiel, » me suis-je dit, me rappelant de mon ancienne passion pour Yankee Candle. À en juger par la réaction des personnes qui m'entouraient, je n'étais pas le seul à avoir ce sentiment.

« Lumière, son : ce sont des stimuli qui s'évanouissent lorsque vous changez de pièce ou que vous appuyez sur l'interrupteur, » explique David Edwards, co-fondateur de Cyrano, le produit de Vapor Communications, lors de la première. « L'odeur, elle, se déplace en masse. Si vous diffusez du parfum dans une pièce, elle ne se déplacera pas à la vitesse de la lumière, mais une fois qu'elle est là, il est impossible de la fuir. »

Cyrano, qui est désormais disponible sur le site de Vapor en quantité limitée pour 150$ (les stocks devraient être renouvelés au cours de l'année) est contrôlé via bluetooth grâce une application iPhone. Vous sélectionnez l'odeur que vous désirez sur l'application, comme noix de coco, goyave ou lavande, et quelques secondes plus tard, les petits ventilateurs disposés à l'intérieur de l'appareil commencent à ronronner, diffusant le parfum alentour (il est possible de moduler « la force » du parfum à l'aide de l'application). Cyrano renferme des cartouches rechargeables capables de créer onze parfums différents.

Cependant, tout le monde n'est pas un fétichiste des bougies parfumées, comme moi (j'ai possédé le nom de domaine somanycandles.tv dans le but de parler de ma passion sur YouTube). Difficile de savoir si les personnes qui n'ont pas d'affinités particulières avec les parfums d'ambiance apprécieront ce dispositif.

Selon Edwards, professeur à l'école d'ingénieurs et de sciences appliquées d'Harvard, le but de Cyrano et de « numériser l'odeur », en quelque sorte (de la même manière que nous avons numérisé le son et la vue), les substances inflammables et l'odeur lourde des bougies en moins. « La conséquence est que nous pouvons être terrifiés, amoureux, excités par les films, les livres ou les voyages en voiture d'une manière que nous ne connaissions pas avant, » explique Edwards à la première, rappelant la capacité qu'ont les odeurs à déclencher des émotions précises. C'est ce phénomène qui a intéressé le réalisateur d'Alex in Wonderland.

« Un film, c'est avant tout des émotions, » explique Maya Sanbar. « Quand David a évoqué l'idée de diffuser des odeurs, ça a été une sorte de révélation pour moi. J'ai eu immédiatement envie de tenter l'expérience avec un film. »

Mais pour assurer le succès de Cyrano, Edwards devra convaincre le public que l'objet est plus qu'un gadget. Il pense qu'il est sur la bonne voie.

« Notre idée est soutenue par l'industrie alimentaire, l'industrie cosmétique et la parapharmaceutique, qui vendent des produits et des services qui pourraient exploiter une numérisation des odeurs, » explique-t-il. « Il ne reste qu'à mettre au point une plateforme que les consommateurs puissent utiliser. »