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Retour sur : la scène de la prison de Metal Gear Solid

Cette séquence culte de l'un des meilleurs jeux des années 90 illustre à la fois ce qu'il y a de meilleur et de pire dans Metal Gear Solid.

Cet article est apparu originellement sur Waypoint.

Un mouchoir, une ration et une bouteille de ketchup. Les trois objets qu'Otacon donne à Snake, pour l'aider à s'échapper une cellule de prison de Shadow Moses, incarnent à merveille ce que les gens adorent dans Metal Gear Solid.

C'est une collection étrange d'objets, et on ne sait pas trop quoi en faire. À l'image du jeu, en fait. Se faufiler dans un hangar rempli de tanks, affronter un ninja robotique ou chasser un rat dans un fossé de drainage parce qu'il a avalé une carte magnétique dont vous avez besoin pour sauver le monde : tous ces moments semblent provenir de jeux très différents.

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Le script d'Hideo Kojima flirte avec l'incohérence. Dans les épisodes suivants de la série, plus longs et nettement plus sexistes, le scénario devient souvent incompréhensible et absurde. Mais si vous savez faire preuve d'un peu d'imagination, les absurdités du MGS de 1998 s'assemblent très bien, et donnent naissance à une forme de logique aussi convaincante qu'amusante.

Pour info : vous pouvez utiliser le ketchup comme faux sang pour obliger le garde à ouvrir la porte de la cellule. Le mouchoir, lui, vous aide à devenir pote avec des loups.

Beaucoup d'éléments-clés du scénario, explicites ou implicites, tournent autour de la séquence de la cellule.

Beaucoup d'éléments-clés du scénario, explicites ou implicites, tournent autour de la séquence de la cellule. En fonction de votre réaction face à la torture de Revolver Ocelot, Meryl vivra ou mourra. Vous pouvez faire appel au Ninja pour qu'il vous aide, vous pouvez appeler Otacon, ou vous pouvez vous échapper tout seul - c'est un court moment dans le jeu qui définit au final les relations de Snake avec les autres personnages, ainsi que sa personnalité.

La scène de la prison sert aussi de ligne de démarcation entre les deux moitiés du jeu. Les limites de la technologie de l'époque ont certainement empêché que ce soit le cas, mais la séquence de la cellule paraît être le moment idéal pour passer du disque 1 de MGS au disque 2, puisque votre mission change radicalement : au lieu de combattre aux côtés de Meryl, vous devez désormais la sauver.

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En prison, Snake révèle à Naomi qu'il a tué son père, Big Boss. Metal Gear Solid passe, lors de la séquence en prison, d'une histoire d'espionnage et de conflit militaire (désamorcer la bombe, tuer les terroristes) à ce qui ressemble fort à un mélodrame. En plus de vaincre Liquid, Snake doit désormais sauver Meryl pour parvenir à la rédemption personnelle. Sa revanche sur Sniper Wolf est quant à elle compliquée par le fait qu'Otacon en pince pour elle.

Il est encore plus frappant de voir à quel point l'ambiance de Metal Gear Solid change après cette séquence. Tout se passe sur la même île de Shadow Moses, mais les passages d'infiltration dans l'héliport et le bâtiment où sont stockées les têtes nucléaires sont bien plus éclairés que l'incursion de Snake dans la tour de communications.

Quand vous vous échappez de la cellule et que vous retraversez des lieux que vous avez déjà explorés, tout est beaucoup plus calme. Pas de tank pour vous tendre une embuscade sur le champ de neige, pas de Psycho Mantis dans le bureau du commandant, pas de Sniper Wolf au pied de la tour. D'un coup, Snake est beaucoup plus seul.

Le cadre humide et froid de la base de Shadow Moses révèle une mentalité triste et isolée. C'est particulièrement notable au sommet de la deuxième tour de communications, où Snake doit affronter des ennemis qu'il ne peut - littéralement - pas voir à l'intérieur d'un vieil ascenseur. Dès lors, Metal Gear Solid commence à ressembler à un autre jeu produit par Konami à la même époque, Silent Hill, un jeu qui explorait avec brio les effets de l'isolement psychologique et du sentiment de culpabilité. Après s'être échappé de prison, avoir perdu Meryl et partagé ces moments intimes avec Otacon, le Ninja et Naomi, Snake se retrouve seul face à lui-même.

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Malgré toutes ses qualités, la séquence de la prison illustre aussi parfaitement ce qu'il y a de pire chez Hideo Kojima et Metal Gear Solid.

Mais malgré toutes ses qualités, la séquence de la prison illustre aussi parfaitement ce qu'il y a de pire chez Hideo Kojima et Metal Gear Solid - le jeu et la série. C'est un moment où le joueur est coincé, assez littéralement, tandis qu'on le force à ingurgiter des informations. MGS est plein de passages innovants et de visuels réussis, mais la majorité de son scénario est communiquée aux joueurs par le biais de dialogues lourds et fatigants.

Les cinématiques avec Ocelot. La cinématique avec Otacon. Le coup de fil de 15 minutes et quelque avec Naomi et le Colonel Campbell. La scène en prison ressemble à un moyen très artificiel de faire avancer l'histoire. Des petites actions répétitives - attendre dans la cellule, appuyer sur rond en boucle pour résister à la torture - permettent à Kojima de développer son scénario de façon assez lourde.

Mais même si le joueur ne fait rien au cours de cette séquence, elle reste marquante. L'astuce de la bouteille de ketchup est l'un des moments les plus mémorables et réjouissants de Metal Gear Solid. Reste qu'interrompre ainsi l'action du jeu pour faire avancer l'histoire, développer les personnages et changer de rythme est un choix curieux et assez peu subtil.

Mais par moments, dans Metal Gear Solid, Kojima parvient à faire avancer l'histoire à travers l'action. L'apparition de Raiden, au début de Metal Gear Solid 2, est une excellente manière de déstabiliser le joueur. Celui-ci est frustré de ne pas incarner et Snake et se demande ce qui l'attend.

Et quand on apprend ensuite que tout la mission dans l'usine était un test destiné à mesurer la réaction des joueurs face à des situations absurdes, vu qu'on a tous continué à jouer même si on n'aimait pas Raiden, il devient clair que l'illusion a fonctionné - ce qui est terrifiant.

Mais cette subtilité est absente de la séquence de la prison du premier jeu. C'est l'apogée de ce qu'adore faire Kojima, à savoir immobiliser le joueur pour lui asséner ses idées au lieu de le divertir. C'est vraiment ce qu'il y a de pire dans la série des Metal Gear Solid.

En étant sympa, on pourrait dire que cette séquence résume parfaitement ce qu'est Metal Gear Solid, puisqu'elle bouleverse la trame narrative du jeu, réunit des idées très disparates, et ennuie profondément le joueur avec des dialogues beaucoup trop longs. À l'image de Snake, qui résiste mais finit par se soumettre à la torture, la séquence de la prison, maline à bien des égards, est aussi très révélatrice des faiblesses de Metal Gear Solid.