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Une nouvelle théorie de la gravitation enterre la matière noire

En 2010, un spécialiste de la théorie des cordes de l'Université d'Amsterdam, Erik Verlinde, a publié une théorie "alternative" de la gravitation. Aujourd'hui, cette théorie a été testée expérimentalement par des astronomes néerlandais.

Au début de l'année 2010, un spécialiste de la théorie des cordes de l'Université d'Amsterdam, Erik Verlinde, a publié une théorie "alternative" de la gravitation. Selon lui, la gravitation n'est pas l'interaction physique responsable de l'attraction des corps entre eux, telle que la décrivait Einstein, mais un phénomène émergent, lui-même issu de la croissance de l'entropie au sein des systèmes physiques décrite par le deuxième principe de la thermodynamique.

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La théorie de Verlinde a divisé la communauté des physiciens, comme l'a très bien décrit le physicien de Harvard, Andrew Strominger, dans le New York Times : "Certains disent que ce n'est pas une théorie valable - d'autres affirment qu'elle est correcte, simple et élégante. Ce qui est sûr, c'est qu'elle évoque des idées passionnantes qui touchent à des choses que nous ne comprenons pas encore sur notre univers."

Des idées passionnantes ? Tant mieux, mais en physique, ce n'est pas parce qu'une théorie est stimulante qu'elle doit être validée. La seule question que l'on se peut et doit se poser est celle-ci : peut-on la tester expérimentalement ?

Récemment, une équipe d'astronomes néerlandais dirigée par Margo Brouwer à l'Observatoire de Leiden a été la première à s'atteler à la tâche. Les chercheurs ont tenté de prédire la distribution du champ gravitationnel de quelques 33 000 galaxies en se servant de la théorie de Verlinde, puis ont comparé ces prédictions aux observations réelles, avant de constater qu'elles coïncidaient bel et bien.

L'une des grandes questions de la physique est de comprendre pourquoi le champ gravitationnel observé autour d'une galaxie donnée est beaucoup plus important que celui prédit à partir de la théorie de la relativité générale, même à des distances équivalentes à cent fois le rayon de notre galaxie. Jusqu'à présent, cette distribution étrange du champ gravitationnel pouvait être expliquée en ayant recours à la matière noire et à l'énergie noire, qui représenteraient 95% de la masse et l'énergie totales de l'univers.

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Cependant, comme Verlinde le fait remarquer dans un papier publié sur arXiv en novembre, "le fait que l'on doive accepter que 95% de notre univers soit constitué par des formes de matière et d'énergie mystérieuses devrait nous motiver à reconsidérer les bases mêmes de nos théories." Verlinde estime qu'il est possible de décrire cette distribution étrange du champ gravitationnel sans s'appuyer sur des concepts incertains tels que l'énergie et la matière noires, pour peu que l'on considère la gravitation comme un phénomène émergent découlant des principes entropiques. C'est ce qu'il décrit dans sa théorie de 2010.

"Les physiciens qui croient en l'existence de la matière noire ne s'appuient pas sur des observations ; la matière noire leur sert seulement à expliquer le fait qu'il n'existe aucune base théorique ou conceptuelle permettant de décrire une anomalie fondamentale, à savoir que les lois de la physique ne permettent pas de décrire certaines phénomènes à grande échelle", explique Verlinde dans son dernier article. "À l'inverse, si l'on a recours à une explication conceptuelle permettant d'expliquer l'existence d'une nouvelle phase de la gravitation - une phase gouvernée par des lois physiques différentes - et que cette explication se combine à une confirmation expérimentale, alors on devrait la préférer à toute autre."

En bref, Verlinde estime que sa théorie de la gravitation émergente, qui ne repose sur aucun artefact conceptuel, peut et doit être vérifiée expérimentalement. Il pense également que si elle était vérifiée, elle permettrait de se débarrasser de l'hypothèse de l'existence de la matière noire et de l'énergie noire. Or, Brouwer et ses collègues de l'Observatoire de Leiden ont éprouvé la solidité la théorie de Verlinde lors d'un premier test couronné de succès.

Plus précisément, ils ont mesuré la densité surfacique de 33 613 galaxies par lentille gravitationnelle - une technique qui permet de mesurer la répartition du champ gravitationnel en observant comment la lumière se comporte en présence d'une galaxie. Les chercheurs ont ensuite comparé ces mesures à la densité surfacique prédite par la théorie de Verlinde, avant de conclure « que les prédictions de la théorie de la gravitation émergente correspondent aux profils observés par lentille gravitationnelle."

En apparence, la théorie de Verlinde explique parfaitement bien l'étrange distribution du champ gravitationnel des galaxies ; en outre, elle permet de continuer à se fier à la théorie de la relativité générale et n'a recours qu'à la matière observable.

Si ces premiers résultats sont très encourageants pour la théorie de Verlinde, elle n'est pas près d'être validée par la communauté des physiciens. Selon Brouwer, il reste encore de nombreuses questions en suspens auxquelles la théorie de la gravitation émergente est incapable de répondre pour le moment. Selon lui, il faudra donc "fortifier ce cadre théorique et effectuer de nouveaux tests expérimentaux avant que la gravitation émergente puisse être considérée comme une théorie sérieuse et solide."