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Passer du temps dans les embouteillages détruit votre cerveau

Et c'est un sacré problème de santé publique.

Là où je vis - à Portland, dans l'Oregon - les autoroutes sont comme des trous noirs, ou des océans sans fin. Vous y plongez en espérant en ressortir un jour, en ville ou ailleurs, mais sans aucune garantie ; l'espace et le temps se confondent jusqu'à perdre toute forme de sens. À mesure que vous épuisez vos réserves de podcasts fraîchement téléchargés, la folie s'empare de vous.

Ce n'est pas juste une façon de parler : être coincé dans les bouchons pendant de longs moments a un effet très concret sur le cerveau humain. C'est en tout cas ce qu'affirme une étude canadienne publiée ce mois-ci dans la revue Lancet, dans laquelle des chercheurs ont étudié la santé neurologique de deux échantillons de plusieurs millions d'adultes vivant en Ontario. L'étude montre que les individus vivant à proximité d'autoroutes très fréquentées sont bien plus susceptibles de souffrir de démence, ce qui témoigne d'une neurodégénérescence irréversible.

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Pour être plus précis, l'étude montre qu'un cas de démence sur 10 pourrait être attribué au temps passé dans les bouchons, ou même simplement à proximité de zones où le trafic est très dense. Cela confirme les résultats d'autres études indiquant que le fait de vivre près d'une route fréquentée - où l'air est donc plus pollué, au passage - peut avoir "des effets insidieux sur le cerveau."

L'étude canadienne s'est penchée sur tous les adultes âgés de 20 à 85 ans vivant en Ontario, soit une population d'environ 6,6 millions d'individus. Les chercheurs se sont basés sur les codes postaux pour déterminer à quel point chacun d'entre eux vivait à proximité d'une route majeure, et sur leurs carnets de santé pour mesurer la fréquence des cas de démence, de Parkinson, ou de sclérose en plaques. Aucune corrélation entre ces deux dernières maladies et le trafic n'a été observée.

À l'inverse, les cas de démence augmentent à proximité des routes encombrées. Les gens qui vivent à moins de 50 mètres d'une route ont 7% de chances en plus d'être atteints de démence. Entre 50 et 100 mètres, 4% de plus, et 2% de plus pour ceux qui vivent entre 100 et 200 mètres. Au-delà de cette distance, on n'observe pas d'effet notable.

Les chercheurs ont toutefois observés qu'une partie de ces résultats pouvaient être attribués à deux polluants - le dioxyde d'azote et les particules fines -, ce qui laisse penser que l'accroissement du risque de démence est lié à une combinaison de facteurs, parmi lesquels on pourrait sans doute ajouter le bruit généré par le trafic.

Autrement dit, nous sommes face à un véritable problème de santé publique. Dans un commentaire de l'étude, Lilian Calderón-Garcidueñas, chercheuse à l'université du Montana, offre la conclusion suivante : "l'observation poussée de la surexposition à la démence des urbains par rapport aux ruraux montre les risques que courent des millions de gens… Les répercussions sur la santé du fait de vivre à proximité de zones de fort trafic varient énormément en fonction des populations, sachant que par ailleurs le trafic expose ceux qui y sont confrontés à une myriade de dangers environnementaux…"

"Nous devons prendre des mesures préventives dès maintenant, plutôt que de devoir réagir en urgence d'ici quelques décennies."