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Le Scrotox, ou la jeunesse éternelle des testicules

L'industrie esthétique moderne a hâte de transformer votre scrotum en un petit paquet tout lisse, rond et gonflé.

Le Scrotox. Ce terme étrange ressemble furieusement à un mot-valise composé de "scrotum" et "Botox". Ça tombe bien, c'est exactement ce dont il s'agit. Une fois que l'on a pris connaissance de l'existence de cette opération esthétique, une question vient immédiatement à l'esprit : "Qui diable pourrait bien avoir envie d'une injection de neurotoxines dans le paquet ?" C'est exactement ce que je me suis demandé le jour où j'ai réalisé que le Scrotox était la nouvelle tendance en chirurgie esthétique, et que des milliers d'hommes étaient obsédés par l'aspect de leurs burnes.

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Sans réfléchir plus avant, j'ai décidé de tester la procédure, pour les beaux yeux du journalisme d'investigation. Ma rédactrice en chef était très enthousiaste, sans doute parce qu'elle m'imaginait déjà grimaçant de douleur tandis qu'un mec en blanc injectait de la toxine botulique - une toxine mortelle - dans les parties les plus molles de mon anatomie.

Habituellement, le Botox et autres neurotoxines de la même classe sont injectés dans le corps afin de relaxer les muscles. Son usage a été autorisé par la Food and Drug Administration (FDA) américaine dans un cadre bien précis : provoquer le relâchement des muscles utilisés pour sourire et grimacer. Cela induit une paralysie partielle et temporaire des muscles faciaux, qui permet de gommer les rides du front et les ridules qui entourent les yeux. Évidemment, ce n'était qu'une question de temps avant que la partie la plus fripée du corps humain, les testicules (pour ceux qui en possèdent), ne subisse le même traitement. En 2017, on y est : les gens sont prêts à lâcher des quantités invraisemblables de biffetons pour se faire lisser les bijoux de famille.

"Les rides du visage n'ont aucune fonction spéciale. Elles ne sont pas là pour vous protéger d'une quelconque agression. Votre visage vieillit sous l'effet de l'âge, voilà tout", explique Seth Cohen, urologue en activité et professeur d'urologie au NYU Langone Health à New York. Nombreux sont ceux qui, parmi ses patients, se sont renseignés innocemment sur le Scrotox à la faveur d'une consultation. "À l'inverse, les rides de votre scrotum ont une mission : vous protéger des blessures, et aider vos testicules à produire des spermatozoïdes de bonne qualité."

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"Les hommes veulent absolument des couilles de bulldog."

Chez les humains, le scrotum est ce petit sac mignon qui protège les testicules. Ces derniers produisent des spermatozoïdes qui, lorsqu'ils font rimer quantité avec qualité, augmentent la probabilité qu'un homme puisse se reproduire et transmettre ses gènes à sa descendance.

Cependant, pour fabriquer des tas de spermatozoïdes frétillants, des conditions spécifiques doivent être réunies. La température optimale pour la production de spermatos est de 35°C, soit un peu moins que la température moyenne du corps (37°C). Ce différentiel est à l'origine d'un phénomène gênant : les mâles humains, et autres mammifères à boules (à l'exception des rhinocéros, curieusement) doivent transporter leurs atouts les plus précieux dans un petit sac disgracieux qui semble avoir été cousu avec de vieux chiffons, et qui pendouille, sans conviction, entre leurs jambes. Ainsi, les testicules sont bien aérés et évitent la surchauffe.

Parce que la température de notre environnement varie en permanence, l'évolution a estimé que le meilleur moyen de garder les boules à température constante était de leur permettre de se rétracter sur commande, en fronçant leurs petits plis. C'est l'équivalent génital de sortir un pied de la couette quand on a trop chaud la nuit.

Le Scrotox nie le bien-fondé de millions d'années d'évolution, qui ont offert aux mâles un scrotum certes laid et ridé, mais servant de cotte de mailles face à un futur incertain.

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Plus amusant, les testicules se rétractent également en cas de danger et juste avant l'éjaculation. Ce sont les muscles crémaster et dartos qui se chargent de cette lourde tâche. "Au cours d'une activité exigeante, comme le vélo, la course à pied ou la musculation, le scrotum se relâche et se contracte en permanence afin de protéger les testicules d'un éventuel traumatisme", explique Cohen. "Donc, si vous détendez le scrotum en utilisant du botox, le muscle crémaster ne fonctionne plus. Vos testicules sont alors vulnérables aux chocs et aux percussions."

En bref, le Scrotox nie le bien-fondé de millions d'années d'évolution, qui ont offert aux mâles un scrotum certes laid et ridé, mais servant de cotte de mailles face à un futur incertain.

Le scrotum botoxé descend légèrement, et devient plus lisse au bout de trois à quatre mois. Même si la procédure met en péril la fonction biologique des testicules, "les hommes veulent absolument des couilles de bulldog", m'explique le chirurgien plastique John Mesa après m'avoir accueilli dans son bureau de New York. "Leur idéal, ce sont des boules plus lisses, plus larges, plus basses, qui peuvent se balancer et fouetter leur partenaire durant l'acte sexuel."

Une amie m'a confirmé le côté excitant du concept de testicules-balançoire. "Quand des couilles claquent contre ma chatte, je trouve ça sympa", affirme-t-elle. "Il y a l'impact en lui-même, qui fait plaisir, mais aussi la sensation de peau contre peau que l'on perd avec l'utilisation du préservatif. Lorsque l'on sent les testicules de son partenaire, ça compense."

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Mesa ajoute que certains hommes, au scrotum très serré, ressentent parfois des douleurs lorsque leur paquet se contracte sous l'effet de températures très basses : leurs testicules montent, et la peau qui les entoure devient trop étroite. Ces individus trouveront dans le Scrotox la solution médicale la plus adaptée à leur problème d'exiguïté.

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Avec son accent colombien, son costume de marin, sa peau cuivrée et son calme olympien, Mesa est le charme incarné. En fait, tandis qu'il me montre des photos d'opération avant/après, son assurance est la seule chose qui me retient de courir vers la porte du cabinet en hurlant. Devant moi, il a disposé deux photos. Sur la première, on aperçoit de sympathiques couilles standard. Sur la seconde, d'énormes testicules pendants qui semblent avoir été gonflés à l'hélium. En fait ce scrotum botoxé de présentation me fait penser à une tente Quechua 2 secondes que l'on aurait dépliée sans savoir comment la ranger ensuite.

Je me pose d'autant plus de questions que, même si je déteste des tas de parties de mon corps, mon scrotum me semble parfaitement honnête. J'irais même jusqu'à dire qu'il est très beau comme ça. Sans vouloir paraître arrogant, mes couilles sont hautes, fières, serrées comme un animal aux aguets - en les observant; un ornithologue verrait sans doute leur ressemblance évidente avec le gosier de la frégate superbe (Regata magnificens). Pour mettre en valeur ce petit sac à main viril que m'a donné la nature, je l'épile régulièrement et je le badigeonne d'huile de coco tous les matins.

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Étonnamment, ce n'est pas l'aspect soyeux de mes couilles que Mesa a remarqué de prime abord, après les avoir fixées pendant plusieurs secondes comme s'il pouvait voir à l'intérieur.

"Vous avez une musculature très dynamique", me dit-il. "Vos testicules bougent beaucoup."

La descente irrémédiable du scrotum vers le sol est toute à fait normale, même chez ceux qui n'ont jamais reçu d'injections de toxine botulique.

Autant vous dire que j'étais fier comme Artaban. Quand je me déshabille devant une nouvelle partenaire, une classe de dessin ou un docteur, mes boulent battent en retraite comme des bambins timides qui courent se cacher dans les jupes de leur mère. À l'image des tout-petits, elles doivent s'habituer à la présence de cette nouvelle personne. Progressivement, elles se réjouiront de l'attention qu'on leur porte, puis, au bout de quelques secondes, elles seront prêtes à socialiser.

"Est-ce que ça veut dire que j'aurai besoin de plus de Botox que la moyenne ?"

"Oui", répond Mesa, imperturbable. "J'en ai bien peur."

"J'ai peur qu'un scrotum plus volumineux fasse paraître mon pénis plus petit", fais-je alors remarquer en tremblant à vue d'oeil.

"Ça peut arriver", renchérit Mesa. "Mais vos testicules pendront comme celles d'un bulldog, alors ça va. C'est positif."

Tandis que Mesa pointe une corrélation évidente entre les chines et les testicules tombants, je ne peux m'empêcher de penser à ces vieux messieurs que l'on trouve parfois dans les vestiaires de piscine. Mon inquiétude est palpable.

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Pourtant, la descente irrémédiable du scrotum vers le sol est toute à fait normale, même chez ceux qui n'ont jamais reçu d'injections de toxine botulique. "Sauf si vous avez l'habitude de faire l'amour dans un congélateur - les températures très basses font remonter les testicules, qui se collent au reste du corps pour obtenir un peu de chaleur - lorsque vous êtes nu sous un climat tempéré et que vous vous engagez dans des activités sexuelles, le scrotum descendra en même temps que monte le thermomètre", explique Cohen. "Mais voilà, on est en 2017. Les gens font toutes sortes de trucs pour être beaux, ou parce qu'ils pensent pouvoir augmenter leur plaisir sexuel."

Mesa commence alors à me masser les parties génitales avec ce qu'il dit être de la crème anesthésiante super-concentrée. Il me promet d'en tartiner une bonne couche pour réduire mon inconfort, mais il ne fera pas d'anesthésie locale. Ça y est, je ne sens plus rien et je me prépare aux injections sensées "relâcher" mes muscles. Je n'ai jamais été moins détendu de ma vie.

En cas de dépassement des quantités préconisées, le Botox pourra passer dans la circulation générale, avec un risque élevé de paralysie, de problèmes cardiaques et pulmonaires.

"Rappelez-vous que le botox est une enzyme qui paralyse les muscles", me dit Cohen. "Il existe des indications très claires sur la localisation de l'injection et la fréquence maximale à laquelle on peut les recevoir : tous les quelques mois tout au plus." Il me précise qu'en cas de dépassement des quantités préconisées, le Botox pourra passer dans la circulation générale, avec un risque élevé de paralysie, de problèmes cardiaques et pulmonaires.

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Vingt-cinq minutes plus tard, les effets de la crème ont totalement engourdi la zone génitale, permettant à Mesa de m'administrer des injections à la chaine. Il m'assure que le contact avec la seringue ne sont pas plus douloureux qu'une piqûre de moustique. Il ne m'a pas menti, et pourtant j'ai l'impression que le ciel me tombe sur la tête à chaque nouvelle injection.

L'inconfort croit un peu plus chaque minute. Il atteint son paroxysme lorsque Mesa pénètre en profondeur dans les muscles de mon pauvre scrotum hyperactif. Je ne parviens plus à compter les injections, qui s'étaleront sur dix minutes. Comme le Botox met plusieurs jours à agir, je n'ai plus rien à attendre de la procédure pour la journée et je quitte le cabinet penaud, engourdi, avec quelques bleus sur les boules.

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Cinq jours plus tard, les changements commencent à apparaître. Il est évident que la texture de mon scrotum a changé. Il n'est pas vraiment lisse comme un ballon de rugby, mais plutôt doux comme du papier. Après avoir attendu quelques jours supplémentaires, j'ai le bonheur de remarquer au saut du lit qu'il a l'air gonflé et heureux, comme s'il sortait d'une séance de sauna. Par la suite, il s'est passé un truc fascinant : mes testicules sont effectivement descendus. Leur base arrivait désormais au niveau de la pointe de mon pénis. Quant à mon scrotum, il ne ressemblait plus à une cervelle nervurée, mais plutôt à un fruit exotique enveloppé dans un mouchoir en soie.

Heureusement pour moi, ce nouveau look de mes parties inférieures n'a pas bouleversé le ratio taille testicules/pénis, et ce dernier n'a pas l'air plus petit qu'avant. En fait, maintenant que mes testicules sont plus relâchés, mon pénis tombe tout naturellement en direction du sol, au lieu d'être relevé dans une posture bizarre et de gigoter de manière grotesque à chaque mouvement. Une partenaire m'a fait remarquer que mes parties paraissaient plus nobles et plus viriles, ce qui m'a fait plaisir. Elle a ajouté que l'ensemble était plus agréable à manipuler, comme des boules de jonglage toutes douces que l'on triture pour se détendre. Elle a également apprécié la sensation de les rouler dans sa main. Je dois dire que je l'ai fait aussi.

Même si accepté le Scrotox par défi, comme un imbécile, et que je l'ai regretté avant, pendant et après la procédure, je me suis habitué à mon nouveau scrotum gonflé et gracieux. Il est très probable que le Botox se résorbe au bout d'un certain temps, resserrant mes testicules et les ratatinant un peu. À ce moment là, je déciderai si je veux prendre un nouveau rendez-vous avec Mesa, ou si les couilles de bulldog sont un idéal esthétique trop peu indispensable pour me faire rêver.

Cet article est initialement paru sur Tonic US.