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L'armée américaine veut utiliser des animaux marins génétiquement modifiés pour détecter les navires ennemis

Selon les opposants à la militarisation de la vie marine, le problème que pose ce nouveau programme de la DARPA est avant tout moral.
Un technicien de l'armée américaine entraîne un grand dauphin à déminer les fonds marins. Image : US Navy

L'armée américaine souhaiterait utiliser des animaux marins afin de détecter les sous-marins ennemis dans les eaux internationales. Ce programme de recherche, baptisé Persistent Aquatic Living Sensors (PALS), est encore extrêmement spéculatif. Il pourrait néanmoins conduire à la modification génétique de plusieurs espèces afin d’en faire des espions ultra efficaces au service de l'US Army. Le projet rencontre déjà une forte opposition chez les militants écologistes américains.

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La Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), l’aile de recherche et développement du Pentagone, a annoncé le lancement du PALS plus tôt ce mois-ci. Le programme « étudiera des organismes naturels et modifiés afin de déterminer lesquels pourraient embarquer les systèmes de détection de mouvement de véhicules sous-marins habités et inhabités », a déclaré la DARPA sur son site.

L'idée de base de ce programme est que la vie marine – de la bactérie au plancton, en passant par les coraux, les poissons et les mammifères – détecte le passage de sous-marins dans son environnement et réagit en conséquence. Pour la DARPA, la réaction de ces organismes à l'incursion d'engins militaires dans leur milieu naturel pourrait être source de précieuses données. « Le programme prévoit simplement d'observer les comportements et les réactions propres à chaque organisme marin en présence de cibles d'intérêt, et de traiter ces données afin de développer un système d'alerte hybride », m'explique Jared Adams, un porte-parole de la DARPA, par email.

Si l'armée américaine parvenait à adapter un tel système à grande échelle, elle pourrait en théorie surveiller tous les océans du monde pour surveiller les activités ennemies – et ce, à moindre coût et de manière plus efficace qu'avec des capteurs classiques. « Au-delà d’une surveillance généralisée, les systèmes de capteurs construits autour des organismes vivants offriraient bien plus d'avantages que l’utilisation d’un matériel seul », a déclaré la DARPA.

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En effet, la vie marine se perpétue et se nourrit d'elle-même, de sorte que l'armée n'aurait pas à entretenir un matériel qui se dégrade, se rouille ou tombe en panne. De plus, les organismes perçoivent leur environnement de différentes façons, ce qui pourrait donner aux analystes militaires une vision plus complète des océans.

« L'évolution a donné aux organismes marins la capacité de traiter des stimuli très divers – tactiles, électriques, acoustiques, magnétiques, chimiques et optiques », explique la DARPA. « Même une luminosité extrêmement faible n'empêchera certains organismes de chasser et fuir dans l’obscurité. »

L’art conceptuel du PALS. Image : DARPA

Nous ne savons pas exactement comment le PALS serait mis en pratique, ni même si le projet est réalisable. Pour l’instant, la DARPA le considère comme un « programme de recherche fondamentale », selon Adams. Les scientifiques militaires devront trouver comment capter et enregistrer à grande distance les réactions des animaux face aux navires voisins, sur un territoire sous-marin immense, puis imaginer un moyen de traiter et formater ces données brutes pour qu'elles soient utiles au renseignement.

Outre ce défi technique majeur, la DARPA rencontre un autre obstacle : la réaction des individus et organisations opposés à la militarisation des créatures marines. « Il est déjà assez pénible de savoir que les militaires effectuent régulièrement des exercices qui nuisent aux baleines et aux dauphins, mais aujourd’hui, en plus d’en faire des victimes, ils veulent exploiter les mammifères marins de manière directe », m'a déclaré par mail John Hocevar, militant chez Greenpeace USA.

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Selon Adams, la DARPA ne prévoit pas d’inclure les espèces menacées et les « mammifères intelligents » dans le programme PALS. La question est maintenant de savoir comment l'agence définit les « mammifères intelligents ». La marine américaine utilise déjà des dauphins et des lions de mer pour trouver des mines sous-marines et autres objets. La DARPA n'a pas non plus expliqué la façon dont elle compte distinguer les données fournies, par exemple, par une espèce de thon en voie de disparition d'un input similaire provenant d'espèces de thonidés qui ne sont pas menacées.

Tout aussi inquiétant, la DARPA propose de modifier certaines espèces afin d'augmenter l'efficacité des sens qui leur permettent de détecter des objets d'origine humaine. Or, ces organismes génétiquement modifiés, une fois introduits dans un nouveau milieu, pourraient perturber les écosystèmes existants.

Selon Adams, la DARPA crée et teste des espèces génétiquement modifiées au sein « d'installations confinées et biosécurisées ». Mais pour exploiter ces dernières, les militaires devront les introduire dans la nature, où elles sont susceptibles de chasser les espèces non modifiées, s'accaparer leurs ressources ou se reproduire avec elles.

Pour Sea Shepherd, le problème du PALS est plus moral que pratique. La porte-parole Heather Stimmler m'a affirmé par mail que le danger pour la vie marine était, selon lui, inexistant à l'heure actuelle. « Les mammifères marins doivent être laissés en paix dans leur milieu d'origine, et non utilisés à des fins diverses. »

Pour l'instant, la DARPA poursuit son programme de recherche sans être inquiétée. L'agence tiendra une réunion en Virginie le 2 mars prochain pour les chercheurs intéressés.