Un essai clinique commencé aux États-Unis, poursuivi en Russie et en Ukraine
Souvent le seul moyen d'avoir accès à des soins
Moins de risques d'interférences entre médicaments chez ces patients
Les 15 pays les plus attractifs pour un essai clinique
« On y fait la recherche que d'autres ne veulent pas faire »
Avec la Chine, l'Europe de l'Est est également une région où on peut contourner certaines normes. Une chercheuse canadienne évoque le cas d'un collègue qui réalise des tests en Pologne, où il est plus facile d'obtenir des cellules souches.Les conditions de cette délocalisation comportent un risque important de faire des populations de ces pays des cobayes humains. L'anthropologue Adriana Petryna évoque dans son livre un cas ne respectant pas les règles éthiques. Il concernait des tests précliniques où l'injection de nanoparticules expérimentales aurait été réalisée sur plusieurs groupes recrutés dans le sud de l'Inde pour en tester la toxicité initiale, avant les essais de phase 1.« Il y a beaucoup d'interdits qui n'existent pas dans certaines zones géographiques. On y fait la recherche que d'autres ne veulent pas faire. Comme avec les paradis fiscaux, il y a des "paradis" de la recherche où les gens peuvent faire à peu près ce qu'ils veulent. Il y a plusieurs pays comme ça. »
« Ils étaient prêts à faire des essais cliniques immédiatement sur leurs soldats. Je ne sais pas si cela se serait vraiment fait, mais au téléphone on me disait qu'ils étaient prêts à tester les échantillons. Du point de vue éthique, c'est inacceptable. [Ici] c'est un laboratoire universitaire. J'ai des collègues qui travaillent sur d'autres pathogènes. Je ne peux pas garantir un niveau de qualité GMP [ good manufacturing practice, une bonne pratique de fabrication concernant les médicaments à usage humain], c'est absolument impossible. On ne peut injecter à des humains des produits comme ceux-là. On fait des essais sur les souris dans notre laboratoire, mais pas sur l'humain. »
En Chine, « un fonctionnement beaucoup plus souple »
Les différentes sources citées plus haut rendent compte d'une dynamique de délocalisation des essais cliniques très active à l'échelle mondiale. Ce phénomène pose, a minima, la question du respect des normes scientifiques, juridiques et éthiques des essais cliniques et des règles encadrant la recherche biomédicale.« À l'époque, il y a plusieurs années, on n'était pas prêt à faire des tests in vivo sur les humains. On avait fait quelques expériences sur un porc. Je leur ai expliqué que la technologie n'était pas au point. Mais cela ne semblait pas poser problème. Ils étaient prêts à tester notre technologie sur des patients en phase terminale. Ça donne une idée du fonctionnement là-bas, c'est beaucoup plus souple. »
Mathieu Noury est sociologue, conseiller à la recherche, et chercheur à l'Université du Québec en Abitibi-TémiscamingueLa version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.