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On en sait un peu plus sur le mystérieux einsteinium

L'einsteinium se désintègre si vite qu'il est difficile à étudier. Des chercheurs américains ont quand même réussi à lui tirer quelques informations.
Einsteinium
Le champignon atomique d'Ivy Mike. Image : Wikimedia Commons

Pour la première fois, des chercheurs du Lawrence Berkeley National Laboratory à l’université de Californie ont pu étudier les propriétés chimiques d’un élément extrêmement lourd connu sous le nom d’einsteinium. Leurs conclusions ont été publiées mercredi 3 février dans la revue Nature.

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L’einsteinium a été découvert de façon relativement « primitive » en 1952 grâce au premier test réussi d’une bombe à hydrogène. La détonation d’Ivy Mike, un engin assez puissant pour détruire une bonne partie de l’Île-de-France, a soulevé un champignon de débris haut d’une quarantaine de kilomètres. Envoyés dans ce tourbillon de poussières radioactives, des avions ont récolté diverses particules sur des bandes de papier collant – cela peut paraître étrange et dangereux, mais cette méthode était répandue en ce temps-là. L’einsteinium faisait partie du butin. Contexte militaire oblige, sa découverte ne sera officiellement annoncée que l’année suivante.

L’einsteinium n’existe pas à l’état naturel et doit être fabriqué en laboratoire à l’aide de techniques complexes, notamment par bombardement de plutonium avec des neutrons. Ses propriétés le placent tout au fond du tableau périodique des éléments, dans la famille des actinides : c’est un métal mou aux reflets argentés qui s’enflamme spontanément à l’air libre. Surtout, toutes les « variantes » ou isotopes de l’einsteinium dégagent des rayons gamma en quantité telles qu’ils désintègrent rapidement l’élément : l’Einsteinium-254 de l’université de Californie dure 276 jours, quand l’einsteinium-253 de l’opération Ivy ne tenait qu’une vingtaine de jours. 

Cette synthèse compliquée, cette radioactivité intense et cette demi-vie relativement courte compliquent méchamment l’étude de l’einsteinium. Les chercheurs du Lawrence Berkeley National Laboratory en ont fabriqué 223 nanogrammes, qu’ils conservent dans un réceptacle spécialement imprimé en 3D pour les protéger des rayonnements. Comme leur échantillon durement synthétisé perd 7,2% de sa masse chaque mois, ils doivent tout de même travailler dessus aussi souvent que possible… Ce que la pandémie et ses restrictions les ont évidemment empêché de faire. Par bonheur, les expériences qu’ils ont pu effectuer entre deux confinements leur ont quand même beaucoup appris sur les propriétés chimiques de l’élément. 

Désormais, nous connaissons ainsi la longueur de liaison de l’einsteinium, c’est-à-dire la distance moyenne entre ses atomes lorsqu’ils sont liés chimiquement. Du propre aveu de Rebecca Abergel, l’un des auteurs du papier, cette information « peut sembler inintéressante » mais elle va peut-être permettre à la communauté scientifique de mieux prédire les interactions de l’einsteinium avec d’autres éléments. Exposé à la lumière, l’einsteinium émet aussi un rayonnement différent de celui des autres actinides. Enfin, les travaux des chercheurs californien pourraient ouvrir la voie à une simplification de la synthèse de l’einsteinium. Comme toujours, des travaux supplémentaires sont requis. 

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