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Crime

Après le bombardement d'un hôpital, Alep est au bord d'un désastre humanitaire

La directrice de la mission de la Croix Rouge en Syrie demande aux belligérants de ne pas cibler les civils et les hôpitaux pour éviter une nouvelle aggravation de la situation.
Une capture d'écran d'une vidéo des Casques blancs. Des gens devant les gravats à Alep après des frappes aériennes. Photo via AP

Au moins 14 patients et médecins ont été tués ce mercredi par une frappe aérienne sur un hôpital d'Alep soutenu par Médecins sans frontières (MSF) et le Comité international de la Croix Rouge. Dans le même temps, les Nations unies ont appelé la Russie et les États-Unis à éviter l'échec des négociations de paix.

L'attaque a touché l'hôpital d'Al-Quds situé dans le quartier d'Al-Sukkari (sud d'Alep). Du personnel médical et trois enfants font partie des victimes, dont le Dr Wasem Maaz, l'un des derniers pédiatres présents dans la partie de la ville tenue par les rebelles.

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Un docteur qui connaissait Maaz a expliqué à VICE News qu'il était très gentil et sympathique, ajoutant que son frère est chirurgien orthopédiste à Alep.

MSF a indiqué sur son compte Twitter qu'au moins 14 individus ont été tués, mais que le bilan pourrait encore s'alourdir. La branche d'Alep du Syrian Civil Defense — un groupe de secouristes bénévoles surnommées les « Casques blancs » — assure de son côté que 30 personnes ont été tuées, dont un pédiatre, un dentiste, une infirmière et trois bénévoles. Dix personnes étaient encore sous les décombres au moment où les Casques blancs ont communiqué. 60 autres seraient blessées.

Des vidéos et des photos prises après l'attaque montrent des corps couverts de sang et calcinés en train d'être extirpés des gravats.

Une nouvelle vague de bombardements a eu lieu ce jeudi contre les quartiers tenus par les rebelles à Alep. Au moins 30 nouveaux civils ont été tués selon un secouriste. L'Observatoire syrien des Droits de l'Homme (OSDH) évoque un bilan d'au moins 20 morts.

Dans les zones tenues par le gouvernement, les obus ont tué au moins 14 personnes, d'après l'OSDH et SANA, l'agence de presse officielle du gouvernement syrien.

Les frappes menées par le gouvernement syrien et des tirs d'artillerie des groupes armées ont tué des dizaines de civils à Alep au cours des derniers jours, d'après des groupes de surveillance de la situation syrienne et des secouristes. Selon l'OSDH, les frappes aériennes contre les quartiers de rebelles à Alep ont fait 91 victimes parmi les civils au cours des 6 derniers jours. Les obus tirés par les rebelles ont tué 49 personnes.

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L'escalade de la violence a réduit en miettes un accord de cessation des hostilités et survient après l'échec des négociations de paix menées la semaine dernière à Genève sous l'égide de l'ONU.

« Peu importe où vous êtes, vous pouvez entendre les explosions des mortiers, des obus et le bruit des avions de chasse, » indique dans un communiqué Valter Gros, le directeur de la Croix Rouge à Alep.

« Aucun quartier de la ville n'a été épargné. Les gens vivent sur la brèche. Tout le monde craint pour sa vie et personne ne sait ce qui va se passer, » ajoute Gros.

Dans le même communiqué, la directrice de la mission de la Croix Rouge en Syrie, Marianne Gasser, demande aux belligérants de ne pas cibler les civils. « N'attaquez pas les hôpitaux, n'utilisez pas des armes qui causent d'importants dommages. Sinon Alep va se retrouver au bord d'un désastre humanitaire. »

Ce jeudi, le médiateur de l'ONU a appelé les leaders américain et russe à sauver l' « agonisant » accord de cessez-le-feu, signé il y a deux mois, et de relancer le processus de paix qui a débuté en février.

L'Envoyé Spécial de l'ONU, Staffan de Mistura, s'est dit fortement préoccupé par l'effondrement de la trêve à Alep et dans au moins trois autres « hotspots ». En revanche, il a indiqué que le gouvernement et l'opposition parviennent à s'entendre sur certains points en vue d'une transition politique.

« C'est pourquoi j'appelle une urgente initiative américano-russe au plus haut niveau, parce que l'héritage des présidents Obama et Poutine est lié au succès de cette initiative singulière qui avait bien commencé. Maintenant cela doit bien se finir, » a indiqué Staffande Mistura lors d'une conférence de presse.

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Les États-Unis et la Russie doivent organiser une rencontre de toutes les puissances régionales et grandes puissances qui composent le Groupe international de soutien à la Syrie (GISS), demande Staffande Mistura. Puisque les deux pays ont autant investi politiquement dans le règlement de la crise syrienne, et puisqu'ils ont un intérêt commun à faire stopper les affrontements en Syrie, ils devraient pouvoir relancer le processus de paix qu'ils ont créé. Un processus qui est « toujours vivant mais agonisant, » a précisé l'Envoyé Spécial.

Le principal groupe d'opposition présent à Genève, le Haut Comité des Négociations (HCN), s'est retiré des discussions la semaine dernière pour protester contre la recrudescence des combats et la lenteur de l'arrivée de l'aide humanitaire.

« Comment est-ce que vous pouvez avoir des discussions constructives quand vous n'entendez parler que de bombardements et d'obus ? Pour moi déjà c'est compliqué, alors imaginez pour les Syriens, » a dit Staffande Mistura, ajoutant qu'il comptait relancer les discussions courant mai — sans donner de date plus précise.

Les négociations de paix avaient favorisé la mise en place d'une pause d'envergure — bien qu'incomplète — des conflits, après l'adoption d'une cessation des hostilités le 26 février. Mais depuis, les violences ont repris de plus belle.

Les Casques blancs avaient annoncé ce mercredi qu'au moins 89 civils avaient été tués à Alep depuis le 22 avril — soit avant les dernières frappes de mercredi et jeudi.

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À lire : La violence monte encore d'un cran en Syrie

Difficile de savoir qui a mené ces frappes aériennes : les avions du gouvernement syrien ou ceux de leurs alliés russes, qui bombardent les zones tenues par les rebelles depuis septembre dernier. Des groupes rebelles et des factions de groupes islamistes pilonnent aussi des quartiers tenus par le régime.

Un chirurgien présent à Alep pour soigner les victimes des frappes a confié à VICE News qu'il y avait eu de nombreux bombardements cette semaine, et ce, dans de nombreux quartiers. La plupart des frappes ont eu lieu en fin de matinée, nous a expliqué le chirurgien. Ainsi, chaque jour son équipe et lui passent des heures à soigner des victimes.

HRW indique que les frappes ne semblaient pas cibler des objectifs militaires — ce qui pourrait donc constituer un crime de guerre. L'ONG appelle la communauté internationale à s'activer pour protéger les civils syriens.

« Avec le nombre de civils tués qui augmente et les centaines de milliers de personnes qui fuient le pays, les grandes puissances doivent se concentrer sur la protection des civils dans toute la Syrie, » explique Nadim Houry, le directeur du département Moyen-Orient à HRW. « Les grandes puissances, particulièrement celles qui siègent au Conseil de sécurité [des Nations unies], peuvent prendre des mesures décisives pour améliorer la protection des civils et dissuader les groupes les plus violents. »


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