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Ce que veulent les femmes ? Des pénis bioniques

Mohammed Abad est un homme heureux : l'an dernier, on l'a doté d'un pénis bionique qui marche super bien. Le problème, c'est qu'il est désormais assailli par des femmes avides de sa virilité à toute épreuve.

Pendant des années, les œuvres cyberpunks nous ont abreuvés de méditations philosophiques sur le corps biomécanique et sur les conséquences d'une intégration toujours plus étroite de dispositifs synthétiques à nos fonctions biologiques. Les mangas Gunnm et Ghost in the shell ont interrogé la persistance de l'essence humaine à travers le remplacement des organes. Les philosophes de la technologie ont pondu des pavés sur l'hybridité corporelle, les experts ont écrit des tribunes alarmistes sur les implants subcutanés, et enfin, des artistes cosplayés en Megatron se sont enfoncés des objets en métal dans des orifices inattendus. Les hackers ont hacké, les journalistes ont extrapolé, les comités d'éthique ont produit des rapports, bref, tout le monde a beaucoup réfléchi.

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Malgré tous ces efforts, le problème corps-esprit ne semble pas avoir avancé d'un iota. Mais tandis que les intellos s'empêtraient dans leurs ontologies comme dans des housses de couette, les pionniers de l'exploration des normes anatomiques, eux, s'attaquaient aux vrais problèmes.

L'un de ces héros, c'est Mohammed Abad, un Écossais de 44 ans qui a connu l'horreur : perdre son pénis et son testicule gauche dans un accident de voiture à l'âge de 6 ans. Après des années à composer avec la mélancolie du membre fantôme et un urètre exposé à tous les vents, Mohammed a décidé d'adopter une prothèse pénienne afin d'explorer les aspects les plus dynamiques de sa sexualité. En 2015, des chirurgiens de l'Université College London l'ont doté d'une prothèse gonflable à compartiments, qu'ils ont recouverte de peau en prélevant un greffon sur son bras. L'opération s'est étalée sur 3 ans et 119 interventions, dont une intervention finale de 11 heures pour un coût total de 70 000 £.

La patience d'Abad a pourtant été récompensée, car on ne s'est pas moqué de lui : le dispositif, baptisé du doux nom de Titan®Touch, mesure 20 centimètres, comprend deux tubes destinés à se remplir d'une solution saline en provenance d'un réservoir, une pompe, et un bouton permettant de déclencher une érection au moment opportun. « L'érection peut durer des jours, » précisait alors Mohammed, qui ne mesurera que plus tard les conséquences de ses paroles.

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Les prothèses péniennes à pompe ne sont pas si rares, puisqu'elles sont proposées aux hommes souffrant de dysfonction érectile (600 implants environ sont ainsi posés en France chaque année). Grâce à ce dispositif hydraulique, le sujet peut connaître une érection qui favorisera la pénétration ; si la prothèse n'a aucune incidence sur l'orgasme, les sensations sexuelles ou l'éjaculation, elle contribue grandement au confort psychologique du sujet, ainsi qu'à l'harmonie avec le ou la partenaire. On évoque rarement les avancées de l'urologie, et pourtant nous vivons une époque formidable remplie de sphincters artificiels, de pompes tactiles et de prothèses hydrophiles. Ces nouveaux héros de la région urogénitale font rire aujourd'hui les gus en bonne santé, mais ils les feront pleurer de soulagement demain, à l'âge du prolapsus et des couches senior, quand l'élan vital s'effondre en même temps que le plancher pelvien. Merci, le progrès.

Si Mohammed a fait les gros titres l'année de son opération, ce n'est donc pas parce qu'il avait été doté d'un dispositif inédit, mais bien parce que l'expression de « pénis bionique » employée par les médias avait échauffé les imaginations. Rien de bionique là-dedans, si ce n'est au sens strict, à savoir un dispositif intégré reproduisant une fonction biologique. Pour l'automatisation, les LED clignotantes et les bruits de moteur, on repassera : la réalité est souvent plus simple et plus efficace que l'imaginaire robotique.

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Peu de temps après avoir reçu son petit aide de camp mécanique, Mohammed perdait sa virginité avec Charlotte Rose, une jeune femme célèbre outre-Manche pour ses triples qualités : curieuse, enjouée et dominatrice. C'est à ce moment-là que la réputation de notre homme a fait le tour du monde, et que les normes sociales ont véritablement été enfoncées.

Récemment, ce merveilleux conte philosophique sur la néo-virilité a connu un nouveau rebondissement. En effet, loin d'être l'objet des moqueries et des quolibets, Mohammed a suscité l'attention nourrie de la gente féminine. Cette semaine, il a ainsi confié à un quotidien écossais qu'il avait « reçu de nombreux messages de femmes désirant avoir des relations sexuelles avec lui, » une cinquantaine au total. « Elles pensent que je peux faire l'amour pendant des heures, » affirme-t-il. Hélas, il n'a pas encore eu l'occasion de tester cette hypothèse. « Ce n'est pas que ces offres ne m'intéressent pas ; seulement, mon travail me prend beaucoup de temps. Je bosse 14 heures par jour et quand je rentre chez moi, je suis trop fatigué pour le sexe. »

Certaines femmes trouveraient donc attrayant le concept de pénis dont la vigueur ne varie pas en fonction des émotions du sujet et de la température de la pièce. On ne peut pas leur en vouloir. Jusque là, des études de qualité médiocre se contentaient de demander aux dames hétérosexuelles de hiérarchiser les qualités du membre érectile humain ou d'en élire une seule, comme si une qualité désirable pouvait en exclure une autre. Peut-être que tout ce temps-là, les femmes voulaient juste des pénis bioniques alliant le charme de l'étrangeté à la puissance de la fiabilité absolue ? Qui sait.

Certains argueront que la figure de l'amant bionique participe à durcir les injonctions à la virilité qui pèsent sur les hommes de ce monde, bla, bla, bla. Mohammed, qui profite maintenant d'une renommée mondiale, a bien mérité son Titan®Touch et son statut de héros. En touchant à une zone particulièrement intime du corps humain, son histoire a propulsé directement le concept d'interface biomécanique dans le domaine du socialement acceptable, ouvrant une nouvelle ère de l'imaginaire érectile. Prends-ça, le Comité National d'Éthique.