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On sait enfin (peut-être) pourquoi les tardigrades sont indestructibles

Les tardigrades sont d'authentiques thugs de la nature : épisode 132.
Un tardigrade, mignon comme jamais. Image: NPG Press/YouTube

Les tardigrades sont de petites créatures du genre costaud. Ces bestioles minuscules, qui font en moyenne moins d'un millimètre de long et sont également connues sous le nom d'oursons d'eau, sont capables de se déshydrater presque totalement (et de vivre dix ans sans eau), mais aussi de survivre dans les environnements les plus rigoureux qui soient, y compris dans le vide de l'espace. Yep.

Pour l'essentiel, la façon dont ces micro-animaux parviennent à survivre dans des conditions où presque toutes les autres créatures terrestres mourraient rapidement demeure un mystère, et la question a même fait l'objet de controverses ces derniers temps alors que plusieurs groupes de chercheurs tentent d'y répondre en séquençant le génome du tardigrade.

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L'une de ces tentatives de séquençage, détaillée dans la revue Nature Communications, a identifié une protéine dont les chercheurs affirment qu'elle protège l'ADN du tardigrade contre les radiations. Les scientifiques pensent même qu'elle pourrait un jour être utilisée pour développer de nouveaux mécanismes de protection pour d'autres animaux, et ont montré qu'il était possible de transférer son effet protecteur à des cellules humaines.

Takekazu Kunieda, biologiste à l'université de Tokyo et auteur principal de l'article, m'a expliqué par téléphone que, si ce type de tolérance pouvait être transférée à d'autres animaux - ce qui relève "presque de la science fiction", dit-il - alors "nous pourrions étendre les frontières de notre habitat naturel, y compris jusque dans l'espace."

Dans leur étude, les chercheurs ont analysé le génome d'une espèce de tardigrade baptisée Ramazzottius varieornatus, l'une des plus résistantes. Ils cherchaient avant tout à identifier des gènes spécifiques aux tardigrades, susceptibles d'expliquer leur capacité à tolérer des conditions extrêmes. Ils ont découvert de nombreuses protéines uniquement présentes chez les tardigrades, écrivent-ils, dont une - associée à l'ADN - qu'ils appellent Dsup, ou "Damage suppressor".

"Nous avons fait l'hypothèse que l'association des protéines Dsup avec l'ADN nucléaire aidait à protéger l'ADN du stress généré par les radiations", expliquent les chercheurs dans leur article. Pour tester cette hypothèse, ils ont implanté la protéine Dsup dans des cellules humaines cultivées en laboratoire avant de les exposer à des rayons X, qui endommagent l'ADN. Ils ont alors découvert que l'ADN de ces cellules avait moins souffert que celui des cellules de contrôle.

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Un tardigrade vu de près. Image: Tanaka S, Sagara H, Kunieda

"Quand la Dsup s'exprime dans les cellules humaines cultivées, les cellules subissent 50% de dommages en moins après avoir été irradiées", explique Kunieda.

Les chercheurs en concluent que ces protéines spécifiques aux tardigrades, comme la Dsup, pourraient expliquer leur résistance dans des environnements extrêmes.

Ce n'est pas la première fois qu'un génome de tardigrade est séquencé, mais c'est la première fois pour cette espèce précise, qui est particulièrement hardcore. Cette nouvelle analyse apporte également de nouveaux éléments dans le cadre des débats qui ont agité dernièrement la communauté des chercheurs concernant la résistance de ces animaux.

L'année dernière, des chercheurs américains avaient séquencé le génome de l'espèce Hypsibius dujardin, et découvert des quantités extraordinaires d'ADN étranger, ce qui suggérait un taux très élevé de transfert horizontal de gènes (quand des gènes passent d'un organisme à un autre). Mais un autre groupe de chercheurs a ensuite séquencé à son tour le génome de la même espèce, et a obtenu des résultats différents ; ils en ont conclu que les résultats de la première équipe pouvaient être dus à la contamination.

La nouvelle étude n'a pour sa part pas identifié de transfert horizontal de gènes chez les tardigrades. Même s'il s'agissait d'une espèce différente, Kunieda souligne que, vu que l'espèce R. varieornatus est particulièrement résistante, les résultats de son équipe indiquent que le transfert horizontal de gènes n'expliquent probablement pas la souplesse exceptionnelle des tardigrades.

Le gène spécifiquement associé à la Dsup n'a pour l'heure été découvert dans aucune autre espèce. "L'espèce que nous avons étudiée est l'une des plus radio-tolérantes parmi les espèces de tardigrades, et cette protéine pourrait donc être à l'origine de la différence de résistance entre les tardigrades", suppose Kunieda.

Il va désormais s'atteler à identifier d'autres gènes intéressants dans le génome des tardigrades susceptibles d'expliquer leur résistance extraordinaire.