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« Brûlez leurs maisons ! » : des groupes WhatsApp israéliens organisent des attaques

« Les choses vont trop lentement. Il y a des groupes WhatsApp qui sont encore actifs alors qu’ils ont été à l’origine de lynchages un an plus tôt. Ils sont toujours là. »
Israeli security forces detain a Palestinian man
Des forces de sécurité israéliennes arrêtent un Palestinien devant la Porte de Damas, dans le centre historique de Jérusalem, le 3 avril dernier. Image : Hazem Bader / AFP

En Israël, plusieurs groupes WhatsApp et Telegram, dont certains sont actifs depuis l’intensification des violences voici un an, appellent à nouveau ouvertement à la violence contre les Palestinien·nes vivant sur le territoire israélien et organisent les opérations, notamment en proposant des fusils et des grenades à la vente et en prônant leur utilisation.

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Les appels à la violence lancés par les Israélien·nes sur les réseaux sociaux font suite à une vague d'attentats terroristes perpétrés à l'arme à feu et à l'arme blanche, pour un bilan de 11 morts en 10 jours en Israël.

« Les amis, il faut secouer le pays », s’enflamme un membre du groupe WhatsApp baptisé « Love Israel », actif depuis avril 2021. L’intéressé appelle les autres membres à se rassembler à une heure et en un lieu précis en Cisjordanie, où beaucoup de Palestinien·nes transitent pour se rendre au travail en Israël. « Si le gouvernement ne veut pas foutre le bordel, on s’en occupera ! »

Ces derniers jours, le même message a circulé dans plusieurs groupes WhatsApp et Telegram, comme le Motherboard a pu constater au moyen de captures d’écran.

« Amenez des couteaux, des poings américains, des bâtons et des pierres », peut-on lire dans une réaction postée dans un groupe Telegram. « Et des cocktails Molotov ! »

« Nous sommes déjà 17, dont certains armés », se targue un autre internaute.

« Prêt pour ce soir », écrit un membre du groupe WhatsApp dénommé "We will not be silent" en légende d'une photo où il s’affiche, deux grenades en mains. Ynet rapporte que la police a identifié, interrogé et relâché l’auteur de la publication, un jeune de 13 ans qui a dérobé les grenades à son grand frère, soldat au sein de l’armée israélienne.

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 « Il faut brûler leurs maisons », peut-on lire dans la même conversation, où circulent également des photos de fusils d’assaut AK-47 et M-16, armes qui sont proposées à la vente.

Des membres du groupe en question l’expriment sans détour : il faut réitérer les actes de violence orchestrés sur WhatsApp en mai 2021. Dans la foulée, des citoyens israéliens s’en sont violemment pris à des Arabes, détruisant notamment le commerce d’un glacier dans la ville de Bat Yam.

Les messages d’incitation à la violence publiés sur WhatsApp et Telegram par des Israéliens ont été recueillis par FakeReporter, groupe qui traque et signale la désinformation ainsi les contenus extrémistes en ligne, et par Democratic Bloc, une organisation de défense de la démocratie en Israël. Ils ont ensuite été partagés avec le Motherboard. Des médias israéliens ont également relayé des publications. 

Achiya Schatz, directeur de FakeReporter, indique au Motherboard que, par rapport à l'année dernière, la police israélienne s’est montrée plus réactive face à de telles publications, ce qui a permis, selon lui, d'éviter au moins quelques incidents. Il précise néanmoins que, contrairement à Telegram, WhatsApp - propriété de Facebook - est crypté de bout en bout, ce qui signifie que l'entreprise ne peut pas examiner activement les propos des utilisateur·ices, et elle n’est d’ailleurs pas censée le faire (les utilisateur·ices de WhatsApp peuvent toujours signaler du contenu à l'entreprise, qui reçoit alors les cinq derniers messages envoyés à l'utilisateur·ice par le compte signalé, ainsi que l'identifiant de l'utilisateur·ice ou du groupe visé). Cependant, M. Schatz fait remarquer que la réactivité des entreprises de médias sociaux après des signalements internes ou externes n’a, quant à elle, pas significativement augmenté depuis l’année dernière.

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« Je n’attends pas de ces entreprises qu’elles assurent un suivi systématique de ces groupes, mais il convient d’avoir un mode d’action qui soit clair », plaide Achiya Schatz. « Les choses vont trop lentement. Il y a des groupes WhatsApp qui sont encore actifs alors qu’ils ont été à l’origine de lynchages un an plus tôt. Ils sont toujours là. Le système et les signalements ne tournent pas rond ».

Un porte-parole de WhatsApp s’explique : « En tant que service de messagerie privée, nous n'avons pas accès au contenu des chats personnels des utilisateurs. Nous mettons des outils de signalement simples à leur disposition, et nous donnons suite aux demandes légalement valables des forces de l’ordre. »

Telegram n’a pas souhaité réagir.

Achiya Schatz constate que la plupart de ces groupes sont fortement influencés par le « kahanisme », courant de pensée dont ils font la propagande. Il s’agit d’une idéologie extrémiste juive développée par Meir Kahane qui considère tou·tes les Arabes vivant en Israël comme des ennemi·es d'un État théocratique juif.

« L’écrasante majorité des citoyens israéliens vit la situation comme un traumatisme », nuance le directeur de FakeReporter. « Mais il y a une minorité qui s’en réjouit. Pour les kahanistes d’extrême droite, c’est l’opportunité idéale pour recruter des adeptes. Comme s’ils voulaient que la rue soit gagnée par la violence. Selon eux, l’action kahaniste s’inscrit dans un contexte de guerres de religions. Or la plupart du temps, les individus qui rejoignent ces groupes ne sont pas du tout religieux. Il s’agit de marginaux, d’adolescents issus de ménages à faibles revenus. Et ce mouvement leur offre une solution sur un plateau. » 

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