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On a posé des questions à un spécialiste de la remontée testiculaire

Pourquoi et comment se coincer la peau des bourses contre la verge quinze heures par jour.
Remontée testiculaire
Deux noix dans leur capsule. Getty Images.

« Les hommes sont fertiles 365 jours par an contre quelques jours par mois seulement pour leurs partenaires féminines - c’est pourtant à ces dernières que revient majoritairement la responsabilité de la contraception dans notre société ». Cette phrase entendue dans une yourte au fin fond de la Corrèze dans le cadre d’un festival sur le féminisme et les sexualités m'a mis face à mon détachement de la question de l'équité contraceptive et ouvert les yeux sur mon ignorance des dispositifs de contraception masculin autre que le préservatif.

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Sans parler de vasectomie (une opération qui consiste à sectionner ou bloquer les canaux déférents qui transportent les spermatozoïdes), la méthode de contraception masculine la plus répandue dans le monde qui a pourtant tendance à faire frissonner dans notre pays (1 % des Français y ont recours contre 19 % de la population masculine en Nouvelle-Zélande et 16 % au Royaume-Uni), il existe aujourd'hui tout un panel de méthodes contraceptives réversibles qui n'impliquent aucune prise d'hormones ni d'intervention chirurgicale. 

Anneau en silicone, slip chauffant, jockstrap, remonte-couilles toulousain... Autant de jolis noms synonymes de contraception thermique via remontée testiculaire. Le principe ? Rentrer les testicules vers le bas ventre afin d’augmenter leur température des quelques degrés nécessaires pour empêcher la production de spermatozoïdes.

Au bout de 2 à 5 mois de port de l'un de ces dispositifs à raison de quinze heures par jour, le nombre de spermatozoïdes par millilitre de sperme passe en dessous du million - le seuil à partir duquel l’homme est considéré infertile. Boudée par les pouvoirs publics malgré d'encourageants essais cliniques (tel que le slip chauffant ou « remonte-couilles-toulousain » du Dr Mieusset), la contraception thermique est aujourd'hui portée dans plusieurs grandes villes du pays par des collectifs comme zéromillion, GARCON, les amourettes ou treizeticules. Rencontre avec l'un des pionniers de cette communauté d’expérimentateurs, Erwan Taverne.

VICE : quand et pourquoi as-tu décidé de prendre en charge ta propre contraception ?
Erwan Taverne :
Il y a sept ans, j'entamais une relation avec une personne qui ne prenait pas de contraception et on utilisait la méthode du retrait. Je n'avais pas envie de me contenter de ça car j'avais déjà eu l'expérience d'une interruption volontaire de grossesse. J'étais sur Toulouse et je suis allé voir le docteur Mieusset - qui a développé le slip thermique pendant des années mais qui est aujourd'hui à la retraite. Je l'ai porté pendant trois ans avant de fabriquer mon propre jockstrap.

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J'ai testé l'anneau contraceptif avec l'andro-switch mais j'ai vite compris qu'il n'était pas adapté à ma morphologie. Avec les mouvements de la marche et des vêtements le maintien n'était pas bon et il faut faire attention car l'effet contraceptif n'est alors pas forcement au rendez-vous. J'utilise l'anneau très ponctuellement, il peut m'aider à obtenir mes quinze heures : je l'ai sur ma table de chevet et si je me réveille tôt avec la possibilité de somnoler encore un moment, je l'enfile pour une heure ou deux. Je le retire au moment où je me lève pour mettre le jockstrap qui offre un meilleur maintien. Ce sont des dispositifs qui se complètent.

Pourquoi tu n'utilises plus de slip-chauffant ?
Je n'aime pas parler de slip chauffant parce qu'il existe carrément un boxer avec une batterie et une résistance électrique pour réchauffer les testicules sans les remonter. Pour éviter la confusion avec ce dernier je préfère parler de slip contraceptif. En termes de confort et de maintien, et parce qu'il est beaucoup plus facile à fabriquer et à reproduire en plusieurs exemplaires identiques, je trouve le jockstrap plus intéressant que le slip. Depuis ce que je vois avec mon association GARCON  (groupe d'action et de recherche pour la contraception), quand on commence à s’intéresser à la contraception masculine la première approche c'est généralement l'anneau en silicone - un dispositif qu'on achète en trois clics sur internet. Il y a des gens pour qui ça ne marche pas et qui se tournent alors vers des structures comme la notre qui proposent des ateliers pour fabriquer des jockstrap – plus adaptés à la morphologie de chacun.

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On voit pas mal de néo-utilisateurs de l'anneau qui ont tendance à prendre des modèles trop compressifs - ce qui peut avoir des répercussions très dommageable comme des rétrécissements du canal de l'urètre ou des dysfonctions érectiles. Il existe des contre-indications absolues à la remontée testiculaire comme l'orchidopexie. On voit aussi des grossesses non-désirés du à des manques d'accompagnement où parce que des gens interprètent leurs spermogrammes (ndlr : examen pour mesurer son taux de fertilité) sans médecins. 

Qu'est-ce que tu conseillerais en terme d'accompagnement ?
À Toulouse, ça fait trois ans qu'on propose un rendez-vous hebdomadaire pour accompagner les gens dans leurs démarches. On est le seul endroit en France et dans le monde où ça se fait à cette fréquence. Il faut bien être conscient que comme tout cela est expérimental ça continu d'évoluer et que la qualité des informations qui circulent n'est pas toujours de très bonne qualité. Il y a des connaissances que l'on obtiendra que par l'expérience. C'est tout le temps le cas pour la contraception proposée aux femmes : les méthodes arrivent sur le marché et c'est à force de les utiliser pendant plusieurs années qu'on peut avoir plus d'informations. La certification des dispositifs et des méthodes ; ce qui permettra d'avancer sur la formation des professionnels de santé, on sait que ça n'arrivera pas tout de suite. Il y a des médecins qui essayent de faire valider différentes méthodes thermiques mais ça demande des fonds.

La demande est de toute façon déjà là et plusieurs collectifs essayent d'y répondre dans une approche de réduction des risques. Il vaut mieux faire quelque chose d'expérimental plutôt que de laisser les gens se débrouiller avec des choses qui ne fonctionnent pas bien. Quand la sexualité ne peut pas être vécue de manière épanouissante à cause d'une peur de grossesse ou de méthodes subies en raison de gros effets indésirables, on voit bien tous les impacts psychologiques et les problèmes que ça peut amener dans les relations. Ce qui est terrible c'est de voir qu'on ne manque pas de savoirs et de savoirs-faire mais juste de moyens financiers et humains.

Combien de français utilisent la remontée testiculaire comme moyen de contraception?
La société qui commercialise l'anneau contraceptif andro-switch affirme en avoir vendu 10 milles en deux ans avant que la police sanitaire de l'ANSM prenne la décision d'en interdire la vente (ndlr : depuis cette interdiction les anneaux sont dorénavant vendus comme des « talismans décoratifs »). A savoir qu'il existe aussi une version DIY fabriquée par imprimante 3D sur Paris. Sur le jockstrap on a moins de recul car les gens peuvent se débrouiller plus facilement pour fabriquer leur propre dispositif via des tutos internet etc. mais c'est plus engageant donc il y a moins d'utilisateurs que sur l'anneau. On peut estimer qu'on a quelques centaines et sans doute moins de mille utilisateurs du jockstrap en France.

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