FYI.

This story is over 5 years old.

Tech

Le moine bouddhiste qui utilisait l’espace pour son enseignement religieux

Ryo Kasuga a installé un planétarium près de son temple.
Stargaze while contemplating the teachings of Buddhism. Image: Ryo Kasuga

Ryo Kasuga a installé un planétarium près de son temple.

Dans une chambre noire, Ryo Kasuga parle de l'espace à son public tandis qu'au-dessus de moi, une simulation de système solaire tourne harmonieusement. Kasuga n'est pas un astronome. C'est un moine bouddhiste qui utilise les étoiles pour orienter l'intérêt de son public vers l'enseignement spirituel.

« Les Japonais ne s'intéressent pas au bouddhisme, et je pense que ce sera de pire en pire dans les années à venir » m'explique Kasuga dans le planétarium qui jouxte l'entrée de son temple.

Publicité

Le planétarium Gingaza, créé en 1996 et désormais rempli de dinosaures en plastique, de modèles réduits de bateaux et de photos d'astronautes japonais, ne ressemble pas vraiment à un observatoire ordinaire. L'équipement a été réuni grâce aux dons d'autres planétariums qui n'avaient plus usage de leur matériel.

Kasuga lui-même ressemble assez peu à un stéréotype de moine bouddhiste à la tête rasée et à l'habit orange. Pourtant, il est issu d'une tradition monastique et est lui-même à la tête du Temple Shoganji, caché au cœur d'une petite ville très tranquille à l'écart de Tokyo.

Le but de Kasuga est d'intéresser les gens à l'espace et au bouddhisme tout à la fois. Il se targue de proposer un enseignement absent des autres planétariums et à plus forte raison des temples bouddhistes conservateurs : la pensée critique

Il n'y a pas de lien direct entre l'espace et le bouddhisme, explique Kasuga. Le planétarium me sert simplement de medium pour piquer la curiosité des gens qui ne s'intéressent pas à la spiritualité d'ordinaire. « Plus personne ne visite les temples », soupire-t-il.

Ryo Kasuga expliquant le concept de son temple-planétarium. Image: Emiko Jozuka

Enfant, Kasuga voulait être astronome. Dès qu'il le pouvait, il se rendait dans un planétarium tokyoïte où dévorait des livres sur les sciences. Parallèlement à sa passion pour l'espace, il a reçu une éducation bouddhiste depuis l'âge de quatre ans, puis a été tenu d'abandonner ses hobbies lorsqu'il est rentré dans une université bouddhiste. Néanmoins, désapprouvant la manière dont le bouddhisme était enseigné et représenté au Japon, il a rapidement quitté le pays afin de poursuivre une carrière médicale en Italie.

Publicité

« Je trouvais le bouddhisme tout à fait fascinant, mais je ne pouvais pas accepter ce que les moines et les temples bouddhistes faisaient au Japon. À mon sens, ils ne s'embarrassaient pas de transmettre l'enseignement du Bouddha de la manière la plus juste possible. Ils se contentaient d'ânonner et de récolter de l'argent, » explique Kasuga, qui précise ce système n'est pas exactement du fait des moines eux-mêmes.

« Je pense que lorsque les gens sont fascinés par les étoiles, qu'ils passent un bon moment, ils sont plus disposés à m'écouter. »

Avant et pendant la Seconde Guerre Mondiale, la religion était étroitement liée au pouvoir politique au Japon. L'Empereur japonais faisait circuler l'idée selon laquelle il était un dieu parmi les hommes. Préoccupée par les conséquences de cette idéologie sur la population, l'administration américaine (ou plus précisément le Commandement suprême des forces alliées, actif entre 1945 et 1952) a supprimé l'enseignement religieux des écoles japonaises à la fin de la guerre, explique Kasuga.

La Directive Shinto a été publiée en 1945 afin de bannir l'enseignement shintoïste des écoles publiques, susceptibles de favoriser des comportements militaristes et ultra-nationalistes dans la population. Selon Kasuga, cela a eu des conséquences extrêmement néfastes : aujourd'hui, les japonais et même les chefs religieux se représentent mal ce que sont les religions en général.

Publicité

« Aux Etats-Unis ou en Europe, on enseigne aux enfants ce que contient la Bible ; cela fait partie de leur arrière-plan culturel. Mais au Japon, cela n'existe pas » précise-t-il.

Ryo Kasuga se tenant devant son temple. Image: Emiko Jozuka

Même si Kasuga était bien décidé à rester en Europe, la soudaine maladie de son père l'a obligé à retourner au Japon. Lorsqu'il est arrivé, son père venait de mourir. On l'a poussé à reprendre la place de celui-ci, 17e moine à la tête du temple Shoganji. « Le temple a financé mes études en partie, alors je me suis senti obligé d'accepter » ajoute Kasuga.

Néanmoins, Kasuga a accepté cette responsabilité à une condition : qu'il puisse réformer l'enseignement bouddhiste à sa convenance, au sein de son propre temple.

« Le planétarium permet de comprendre plus facilement de quoi parle le bouddhisme » ajoute Kasuga. J'ai pensé que lorsque les gens sont fascinés par les étoiles, qu'ils passent un bon moment, ils sont plus disposés à m'écouter. »

Kasuga explique qu'il n'y a pas de lien évident entre l'espace et le bouddhisme. Image: Ryo Kasuga

Une fois par mois, le planétarium est ouvert au public pour que Kasuga puisse donner une conférence. À chaque séance, il commence par décrire les constellations et les planètes, puis embraye avec des concepts bouddhistes. Ce mois-ci par exemple, il a parlé du rôle des chats dans le bouddhisme et a expliqué pourquoi les moines les avaient ramenés de Chine par le passé.

« Les gens qui viennent au planétarium ressemblent beaucoup aux visiteurs des zoos. Ils aiment les animaux, mais ne savent pas grand-chose sur eux » conclue Kasuga.