Le télescope spatial à rayons X Hitomi, disparu en mars dernier, n'est pas mort pour rien. Au cours des cinq semaines qu'il a passées dans l'espace avant sa tragique disparition, Hitomi a accompli un travail remarquable sur le plan scientifique.Les images qu'il a prises avant de s'éteindre sont pour le moins spectaculaires : on y voit l'amas de Persée, un enchevêtrement de galaxies liées entre elles par la gravité, à quelque 240 millions d'années-lumière de nous. C'est l'une des plus grandes structures de l'Univers connu, dont la taille dépasse l'entendement humain.« Persée était une cible idéale, et les données scientifiques transmises par Hitomi sont exquises », dit Brian McNamara, professeur d'astrophysique à l'université de Waterloo et auteur d'un article publié mercredi dans Nature qui détaille les premiers résultats fournis par Hitomi. Grâce à ces données, on pourrait mieux comprendre comment les trous noirs supermassifs régulent leur environnement galactique.Persée n'est pas seulement constitué de galaxies. Il possède une « atmosphère » de plasma chaud dont la température atteint plusieurs dizaines de millions de degrés ainsi qu'un halo invisible de matière noire, m'a expliqué McNamara. Le plasma est imperceptible par l'œil humain (et les télescopes optiques), mais grâce à ses instruments ultra-sensibles, Hitomi a pu détecter les rayons X qu'il émet.Et le plasma chaud est extrêmement important. En termes de masse, il y en a davantage « qu'il n'y a d'étoiles dans toute les galaxies », dit McNamara. « Il y en a absolument partout. » Le plasma contient aussi tous les ingrédients nécessaires à la naissance d'étoiles, de galaxies, de planètes, et donc de tous les êtres vivants.Alors, pourquoi tout ce gaz n'a-t-il pas refroidi, pour créer plus de tout cela ?Il semblerait que l'on ait affaire à une sorte de boucle de rétroaction. Quand le trou noir supermassif se gave de la matière qui l'entoure, il dégage d'énormes quantités d'énergie. De la chaleur sort du trou noir, « créant ainsi des bulles qui flottent à travers le gaz, qui reste donc chaud », explique McNamara. Celles-ci parcourent le plasma chaud à la manière de bulles de champagne, et l'empêchent de refroidir pour former de nouvelles galaxies.Autrement dit, le trou noir supermassif agit comme une sorte de grand régulateur galactique. Au fil des millions d'années suivantes, le plasma chaud va engendrer la prochaine génération d'étoiles et de planètes, mais la vitesse à laquelle tout cela se produit dépend du trou noir.Quant au triste sort d'Hitomi, ces découvertes « soulignent la tragédie » de l'avoir perdu si vite et brutalement, déplore McNamara. Alors que les scientifiques s'étaient d'abord montrés peu loquaces à ce sujet dans les jours suivant sa disparition, ils avouent désormais que le satellite a sans doute été victime d'une erreur humaine, et qu'une mauvaise commande l'a condamné.Mais tout n'est pas perdu. McNamara affirme que 10 à 15 articles supplémentaires pourraient être publiés grâce à cette mission. « Malgré le peu de temps d'activité d'Hitomi, nous en avons tiré une quantité d'informations incroyable, dit-il. Il va nous falloir beaucoup de temps pour saisir ce que tout cela signifie. »
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