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Pourquoi les chiens mangent-ils de la merde ?

Pour la même raison qui fait qu'on en mange aussi, pardi.

Vous vous souvenez quand vous étiez gosse et que vous matiez des chiens en train de manger de la merde ? Qu'est-ce qu'on se marrait, putain. C'est l'un des plus grands mystères de la biologie. Mais en général, les gens se contentent de dire un truc du genre : "Ficelle mange un étron ! Haha, il est con ce chien." Mais au fait, les chiens mangent-ils vraiment de la merde parce qu'ils sont débiles ? On peut en débattre, mais ce qui est sûr, c'est qu'ils ne sont pas les seuls à se repaître d'excréments dans le royaume animal.

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Hey, même les humains mangent de la merde. La coprophagie authentique est très rare, mais on passe notre temps à remplir notre ventre de ce qui ressemble très fortement à de la merde. Pour des raisons légales, je vais éviter de décrire les produits vendus par les chaînes de fast-food comme de la matière fécale, mais on voit tous de quoi je parle : une femme qui dévore à grandes bouchées des restes animaliers agglomérés et couverts d'une sorte de sauce chimique, ou un mec qui a bouffé tellement de saloperies "pour l'apéritif" que ses boyaux sont bouchés par une sorte de pâte orangeâtre et infâme.

Mais bref. La vraie question ici, c'est : pourquoi manger de la merde ? Certes, on ne peut pas tous manger des salades de quinoa ou du Purina One en permanence. Mais ça reste bizarre d'avoir envie de manger un truc pareil. Sans surprise, l'évolution joue un rôle dans cette histoire.

À cause des lois de la thermodynamique et de la bioénergétique, aucun système biologique ne peut être efficace à 100%, y compris le tube digestif. Concrètement, ça veut dire que parmi les nutriments qui pénètrent dans votre bouche, certains vont ressortir par l'arrière. Dans la nature, cela représente parfois beaucoup de nutriments. Par exemple, les hippopotames sont étudiés depuis longtemps en raison de la quantité de phosphore et de potassium qu'ils diffusent dans les fleuves et rivières africains. Chaque année, les troupeaux d'hippos déposent des tonnes de fertilisant naturel dans les cours d'eau, permettant ainsi à de nombreuses espèces d'y vivre.

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Sans la crotte des hippopotames, les fleuves africains mourraient. Ces gros pépères sont d'énormes machines à phosphore.

Autrement dit, même les trucs les plus répugnants - comme la merde - ont une certaine valeur nutritionnelle. Mais pourquoi certains organismes sont-ils attirés par ça plutôt que par des trucs meilleurs ? Sur le plan de l'évolution, cela tient au fait que nos papilles ont évolué beaucoup plus lentement que notre rapport à la nourriture. La révolution agricole du Néolithique, au cours de laquelle les humains sont passés du statut de chasseurs-cueilleurs à celui de fermiers et de bergers, ne s'est produite qu'il y a 12.000 ans. Cela ne fait que deux siècles (tout au plus) que nous mangeons comme nous le faisons actuellement, et notre alimentation a changé à une vitesse incroyable au cours des dernières décennies, notamment en raison de l'invention des systèmes de réfrigération.

Les humains et les chiens ont désormais accès à des quantités presque illimitées de nourriture (au moins dans les pays riches), mais notre langue, notre cerveau et tous nos récepteurs liés au goût n'ont pas eu beaucoup de temps pour évoluer par rapport à l'époque où la nourriture était rare. Quand vous passions nos journées à chercher de quoi manger, en tant qu'omnivores, nous mangions beaucoup de feuilles et de baies tout simplement parce qu'elles étaient plus faciles à trouver que la viande. Et parfois, on a des envies étranges, comme on peut le voir dans le cas des femmes enceintes. C'est comme si votre corps vous disait : "Le bébé a besoin de choucroute et de Sriracha. BOUFFE DEUX KILOS DE CHAQUE."

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Fondamentalement, ces pulsions ont été définies dans d'autres circonstances, il y a bien longtemps. À l'époque, le sel et la graisse riche en calories étaient rares, et donc précieux. Quand on en trouvait, on se gavait, comme le font parfois les prédateurs modernes. C'est un concept simple : si quelque chose est rare et essentiel, on en prend autant que possible, et notre goût évolue pour nous inciter à le faire.

Les historiens disent qu'à une époque, le sel valait autant que l'or. Nous avons besoin de sel pour vivre. Je sais que vous voulez ce burger.

Le chien qui mange ses propres crottes ne considère certainement pas que c'est dégoûtant. Pour lui, ce petit nugget de merde est comme un plat de restes, riche en nutriments. Dans la nature, il serait difficile de le snober. Évidemment, ça ne vaut pas pour tout le monde. Vous ne verrez jamais un zèbre manger de la merde de lion, alors que des espèces entières écument le fond des océans pour se régaler de déjections de poissons et de carcasses de baleines.

L'idée centrale, c'est que nos goûts ont évolué dans des contextes qui n'ont rien à voir avec notre condition actuelle. Si les chiens mangent tout ce qu'on leur présente, c'est par réflexe. Même chez les humains, il y a un certain plaisir à se gaver. Nous ne sommes pas tenus par nos goûts innés, comme le montrent chaque jour les végans et les chiens qui refusent de manger autre chose que de la pâtée hors de prix. Il y a aussi une dimension comportementale, dont nous reparlons une autre fois. En gros : si vous voyez votre mère manger de la merde, vous avez des chances de vous dire que c'est bon pour vous.

En même temps, il est difficile de dire non à un bon morceau de bouffe grasse et salée, surtout quand elle a été conçue pour répondre exactement à vos instincts les plus bas. Votre chien voit sans doute une grosse pile de merde de la même manière que vous voyez un cheeseburger : un tas de nutriments dont son corps a besoin. Aujourd'hui, rien ne nous force à nous précipiter sur un cheeseburger ; il y a plein d'autres options bien plus saines, qui devraient nous inciter à ignorer et mépriser la junk food. Pourtant, le désir est toujours là. C'est pareil.

L'évolution nous donne-t-elle une bonne excuse pour manger n'importe quoi ? Non, calmez-vous. Comme les chiens, nous n'avons jamais autant eu accès à de la bonne bouffe ; nous n'avons strictement aucune raison de manger de la merde. Et comme les chiens, nous prouvons tous les jours que nous sommes capables de modifier notre comportement pour nous adapter à notre situation. Nous ne sommes pas totalement contraints par l'évolution, en tout cas pas sur le plan comportemental. Mais cela ne change rien au fait que des millions d'années passés dans la nature ont façonné nos goûts.

La prochaine fois que vous vous retrouverez à baver devant de la merde, ne vous en voulez pas trop. C'est ce que l'évolution a fait de vous.