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Des physiciens ont utilisé 12 horloges atomiques pour tester la théorie de la relativité générale

Leur expérience a duré 14 ans, quand même.

Lundi dernier, des physiciens du National Institute of Standards and Technology américain ont publié les résultats d’une étude basée sur l'observation de quelques-unes des horloges atomiques les plus précises du monde — pendant 14 ans. Le but de l'expérience : tester un principe fondamental de la théorie de la relativité générale. Les résultats, publiés dans Nature Physics, sont la confirmation la plus exacte de l’un des concepts de base de la théorie d’unification de l’espace-temps et de la gravité, le principe d’équivalence.

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L’étude repose sur des mesures relevées entre 1999 et 2014 sur douze horloges atomiques situées aux États-Unis, en Allemagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni. Selon la théorie de la relativité générale d’Einstein, la relation entre les mesures de ces horloges ne devrait pas varier en dépit du mouvement de la Terre autour du soleil. Et c’est précisément ce que les physiciens ont pu prouver à l'aide de plusieurs expériences réalisées au cours des dernières années.

L’ascenseur d’Einstein

Le principe d’équivalence est au cœur des travaux d’Einstein sur l’unification de l’espace-temps et de la gravité. Elle indique que dans les petits cadres de référence, la force de gravité est presque complètement inexistante. Cette réalisation a permis à Einstein de concilier sa théorie de la relativité restreinte, qui n’est logique que sans notion de gravité, avec la loi de la gravité formulée par Newton. Le résultat : une nouvelle théorie appelée relativité générale.

Pour expliquer le principe d’équivalence, Einstein a inventé une expérience de pensée. Imaginez que vous vous trouvez debout dans une boite sans fenêtre ressemblant à un ascenseur. Tout à coup, vous lâchez votre téléphone, qui tombe évidemment au sol. Pouvez-vous cependant déduire de cet évènement banal que vous vous trouvez dans un ascenseur sur Terre ? Pas nécessairement—vous pourriez également être dans une boite en forme d'ascenseur dans une fusée dans l’espace, loin de l’influence gravitationnelle de n’importe quelle planète. Dans ce cas, vous seriez capable de deviner que la fusée accélère de 9,81 mètres par seconde carrée — le taux d’accélération gravitationnelle près de la surface de la Terre — parce que le sol de l’ascenseur a accéléré vers votre téléphone de manière identique. De la perspective de votre boite sans fenêtre, il est impossible de faire la différence.

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Imaginez maintenant que vous êtes dans la même boite sans fenêtre, mais que vous flottez dans l’air. Vous pensez être dans l’espace, n’est-ce pas ? Encore une fois, pas nécessairement. Vous pourriez aussi être dans une cage d’ascenseur sur Terre dont les câbles ont été coupés. Techniquement, vous êtes en chute libre, mais il est impossible de la différencier de la microgravité depuis votre cadre de référence.

C’est la raison pour laquelle les astronautes de la Station Spatiale Internationale flottent, bien que l’intensité de la gravité de la Terre à 480 kilomètres au-dessus du sol est au moins 90% aussi forte que celle sur la surface de la Terre. L’ISS (International Space Station) est techniquement en chute libre constante, mais si vous bandez les yeux d’un astronaute alors qu’il monte dans une fusée en route pour l’ISS et masquez toutes les fenêtres en arrivant, ils seraient incapables de dire s’ils se trouvent juste au-dessus de la Terre ou proche de Mars selon la façon dont ils sont en apesanteur dans la station.

Un autre aspect de la théorie de relativité générale d’Einstein, appelé le principe d’invariance de position locale (LPI), énonce que les propriétés des objets mutuellement relatifs dans un ascenseur en chute libre restent identiques. Pour comprendre cela, imaginez que vous faites tomber votre téléphone et votre portefeuille au moment précis où le câble de l'ascenceur est coupé. Malgré la chute libre, les deux objets resteraient à la même distance l’un de l’autre pendant la dégringolade. Leur emplacement dans l’ascenseur n’affecte pas leurs propriétés.

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D’accord, mais quel est le rapport avec les horloges atomiques ?

L’expérience du NIST considère que la Terre entière représente l’ascenseur en chute libre et que les quelques horloges atomiques dispersées dans le monde sont l’équivalent du téléphone et du portefeuille. Dans cette perception des choses, la Terre est en chute libre autour du soleil et si la planète entière est considérée comme cadre de référence local, alors les relations entre les « tics » de l’horloge atomique — c’est-à-dire la transition d'un électron entre les niveaux d’énergie — devraient rester identiques au fil de l’orbite terrestre.

Les horloges atomiques mesurent le temps en mesurant la fréquence à laquelle les électrons passent d'un niveau d’énergie distinct à un autre. Les électrons « orbitent » autour du noyau d’un atome à certains niveaux d’énergie qui dépendent des propriétés électriques du noyau lui-même. Ces orbites peuvent être modifiées par ajout d’énergie dans le système, ce qui augmente temporairement le taux d’énergie des électrons, qui marquent cette transition en émettant un rayonnement électromagnétique. Différents types d’atomes sont capables d’absorber de l’énergie à différentes longueurs d’ondes.

Certaines des horloges atomiques les plus précises du NIST sont appelées « horloges atomiques à fontaine d'atomes de césium » parce qu’elles utilisent un isotope du césium, le césium-133, pour mesurer le temps. Le césium-133 absorbe naturellement l’énergie à une longueur d’onde de 3,2 centimètres. De ce fait, quand on le bombarde avec des ondes de cette longueur, son électron ultrapériphérique passe d'un état énergétique à un autre 9 192 631 770 fois par seconde. On pourrait donc considérer cette transition entre niveaux d’énergie comme un pendule qui balance plus de 9 millions de fois à chaque seconde marquée sur la face de l’horloge.

Bien que le principe d’invariance de position locale d’Einstein prédise une déviation nulle entre les propriétés des objets dans un ascenseur en chute libre, le nombre réel n’est pas zéro. Il reste néanmoins minuscule. Si petit que, concernant la relativité générale, on en revient à dire qu’il correspond à zéro. Pendant 14 années, les chercheurs du NIST ont découvert que la violation du principe d'invariance de position locale était égale à environ 0,00000022.

Cette confirmation de la théorie de relativité générale d’Einstein est la mesure la plus précise de la violation de ce principe jusqu’à maintenant — environ cinq fois plus précise qu’une mesure précédente dévoilée en 2007 après 7 années d’observation. Selon les physiciens, ces meilleurs résultats sont dûs à l'amélioration de la précision des horloges atomiques à fontaine d'atomes de césium et aux mesures plus fidèles de la position et de la vitesse de la Terre dans l'espace. Les chercheurs espèrent maintenant que des horloges atomiques encore plus exactes amélioreront encore davantage ce test de relativité générale à l'avenir.