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environnement

Les changements climatiques sont deux fois plus rapides au Canada

Des chercheurs de Concordia ont créé un application pour lutter contre la désinformation.
The effects of climate change impact Canada twice as much as global average
Photo via Shutterstock

Le Canada subit les effets mesurables des changements climatiques et du réchauffement planétaire deux fois plus vite que les autres pays. Des scientifiques d’un océan à l’autre, y compris les experts d’Environnement Canada, l’ont déclaré publiquement. Toutefois, beaucoup de Canadiens refusent encore d’y voir un danger.

En entrevue avec VICE, Ali Nazemi, spécialiste des changements climatiques à l’Université Concordia, a aussi noté que des régions du Canada se réchauffent deux fois plus vite que le reste du monde, et que beaucoup de gens n’en ont pas pris conscience. Le problème n’est pas le manque de données scientifiques, selon lui, c’est plutôt un dysfonctionnement profond qui apparaît quand on aborde le sujet — c’est un enjeu politique et clivant — même si c’est clair et basé sur des données. « Ça a atteint le niveau des croyances. Il n’est plus question de faits et de science, c’est comme une religion. On croit en Dieu ou on n’y croit pas. On croit aux changements climatiques ou on n’y croit pas », résume-t-il.

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Les scientifiques ne sont pas les seuls à avertir des effets des changements climatiques au Canada. L’industrie de l’assurance a rejoint le groupe, affirmant que la nouvelle réalité, ce sont des conditions météorologiques extrêmes plus fréquentes, et qu'il y aura par conséquent une augmentation du coût de l’assurance pour tout le monde. De leur côté, les communautés du Grand Nord voient des distorsions dans le ciel, causées par les changements atmosphériques, qui leur donnent l’impression que la lune et les étoiles ne sont pas là où elles sont censées être, et que le soleil ne se lève pas au bon endroit.

En plus du nombre croissant de voix crédibles, une multitude de données soutiennent ces affirmations. C’est pourquoi les chercheurs de l’Université Concordia ont passé six mois à concevoir une application et un site web (en anglais) : le Canadian Climate Data Accessibility Portal (CCDAP). Ali Nazemi, qui dirige le projet et étudie les changements climatiques depuis une décennie, espère que ça contribuera à combler ce qu’il appelle « une incompatibilité énorme » entre la perception du public et ce que la communauté scientifique a dit encore et encore : les changements climatiques sont à notre porte.

L’analyse de cette masse de données prend beaucoup de temps, même pour des scientifiques qui savent exactement ce qu’ils cherchent et comment l’obtenir. Selon Ali Nazemi, toutes les données recueillies par les agences gouvernementales, depuis les années 1800, existent, mais il n’était pas facile d’y accéder ni de les comprendre. Bien sûr, les chercheurs connaissent les sites web gouvernementaux et savent obtenir ce dont ils ont besoin, mais la population devait essayer de s’y retrouver sur des sites web peu conviviaux, qui mènent généralement des centaines, voire des milliers de fichiers. À son avis, ça n’a pas aidé à faire passer le message.

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Selon lui, il est important que les électeurs comprennent vraiment cet enjeu, parce qu’il y a plus qu’un réchauffement de la température. En fait, beaucoup de gens ne voient même pas le « réchauffement de la planète » comme une mauvaise chose. Après tout, qui ne veut pas que les étés s’allongent? « C’est très, très inquiétant, parce que ce n’est pas la question. Il s’agit de pergélisol qui dégèle, de perturbation du rythme de gel et de dégel, de la saison de croissance des végétaux, de l’accès à l’eau, c’est un changement de la période et de l’ampleur des inondations, les sécheresses qui sévissent au pays. »

Et on n’a peut-être pas encore le portrait complet de la situation, parce que, chaque décennie depuis le milieu des années 70, le nombre de stations climatologiques en activité au pays diminue. Un sommet a été atteint en 1975, alors qu’il y en avait 3000. Aujourd’hui, il y en a 1800. Oui, les stations collectent aujourd’hui une plus vaste gamme de données qu'auparavant — précipitations, humidité, pression atmosphérique, etc. — mais, étant moins nombreuses, elles sont plus éloignées les unes des autres. Surtout dans le Grand Nord, où on en a sans doute le plus besoin. Là-bas, 1000 kilomètres peuvent séparer deux stations.

Ce problème résulte d’un manque de financement, selon Ali Nazemi. Le fonctionnement jour et nuit de ces stations coûte cher. « Il faut y passer beaucoup de temps. Il faut en prendre soin pour qu’elles fonctionnent correctement. Les opérateurs doivent s’y rendre régulièrement. Vu la diminution constante du financement de la recherche en environnement et des ressources, c’est ce qu’on sacrifie en premier. »

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Les partis politiques de droite ont tendance à faire ces sacrifices au nom de la réduction du fardeau fiscal des contribuables, ce qui ne fait qu’exacerber le clivage gauche-droite au sujet des changements climatiques. « Il y a beaucoup de méfiance dans la population envers les politiciens, et les gens ne veulent pas entendre qu’ils devraient payer plus d'impôt. Pour moi, le débat sur les changements climatiques n’est pas de nature scientifique, mais de nature politique. »

À son avis, il s’agit beaucoup de lâcheté quand les politiciens refusent de présenter un plan fédéral de lutte contre les changements climatiques. Bien que l’enjeu affecte directement des régions plus que d’autres, il y a des conséquences partout au pays. Beaucoup ont exigé que le chef du Parti conservateur Andrew Scheer parle de son plan, mais, à ce jour, il ne l’a pas fait.

Sans nommer Andrew Scheer, Ali Nazemi estime que des politiciens de tous les paliers de gouvernement ont évité cet enjeu ou se sont traîné les pieds. « Je dirais que beaucoup de politiciens ont peur de parler de changements climatiques parce qu’ils craignent de perdre des partisans. » Il aimerait que les changements climatiques soient considérés comme un enjeu social et économique extrêmement grave et urgent, plutôt que comme un moyen de gagner des votes ou de faire dévier la controverse.

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Selon lui, la communauté scientifique a fait son travail en sonnant l’alarme au sujet de l’environnement et des changements climatiques, et le temps est venu pour la population de faire ses devoirs. « Dans les années 80, des gens avertissaient des conséquences du réchauffement, des gaz à effet de serre, du consumérisme qui dépend de la surproduction de gaz à effet de serre rejetés dans l’atmosphère. La communauté scientifique en parle beaucoup. Cependant, la façon dont la population perçoit les changements climatiques est très largement dictée par la politique. C’est le problème principal que beaucoup de mes collègues et moi constatons. »

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