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Après Las Vegas, la course au sang synthétique continue

Le massacre du Route 91 Harvest Festival a rappelé que les dons de sang ne suffisaient pas en cas de besoin soudain et massif de transfusions.
Image : Ethan Miller/Getty Images

Des centaines de personnes se sont présentées dans les centres de don du sang de Las Vegas dans les heures qui ont suivi la fusillade du Route 91 Harvest Festival, dimanche 1er octobre. Ces volontaires ont apporté beaucoup de réconfort : ils voulaient aider, de quelque manière que ce soit. Mais si la science arrive à tenir une vieille promesse, ce genre d'effort sera un jour obsolète.

Les chercheurs s'échinent à concevoir du sang synthétique depuis de nombreuses années. Leur objectif est de créer une substance plus facile à conserver que le sang humain, qui ne peut être réfrigéré que 42 jours, et capable d'être conditionné et stocké pour une utilisation en urgence. Si ces buts sont atteints, des milliers de vies pourraient être sauvées chaque année.

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"La demande est trop pressante : les gens ne peuvent pas arriver assez vite et les machines ne peuvent pas prendre leur sang assez vite, explique Allan Doctor, médecin généraliste et chercheur à la Washington University de Saint Louis. Le Pulse d'Orlando, le marathon de Boston et maintenant Vegas… Dans chaque cas, les professionnels de santé font face à un besoin de transfusion massif, soudain et impossible à prévoir."

Le laboratoire du docteur Doctor essaye de créer un substitut sanguin appelé ErythroMer, un mélange d'hémoglobine humaine tirée de globules rouges venus de dons de sang périmés et d'un polymère de synthèse. Ce sang artificiel se présente sous la forme d'une poudre : une fois mis au point, il pourra être conservé pendant des années et facilement transporté. Doctor prévoit de le conditionner avec une bouteille d'eau purifiée, ce qui permettrait aux docteurs et aux urgentistes de faire le mélange dès que nécessaire.

ErythroMer en est encore à l'étape de planification. Des tests sur les animaux ont déjà été effectués et Doctor prédit que l'équipe pourra organiser des essais humains d'ici trois à cinq ans. Ensuite, le sang en poudre devra recevoir le feu de la Food and Drug Administration. Cette étape franchie, les professionnels ne santé devront être entraînés à l'utiliser correctement, c'est-à-dire sans déclencher d'infection.

"Il est important pour nous que le système d'administration soit impeccable", explique Doctor, qui prédit que l'ErythroMer sera disponible d'ici six à dix ans si les essais sont réussis et qu'ils parviennent à rendre leur produit intéressant financièrement.

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Il y a plusieurs manières d'approcher la conception de sang synthétique, qui n'est techniquement qu'un fluide chargé de transporter l'oxygène dans le corps humain. En 2013, une équipe roumaine a annoncé qu'elle était en concevait à l'aide d'albumine, une protéine du foie, et d'hémérythrine, une protéine extraite de vers. Au Royaume-Uni, les scientifiques du National Health Service travaillent sur des globules rouges nés en laboratoire.

Les résultats de ces projets pourraient changer la médecine et la gestion des urgences. Après l'attaque de Las Vegas, au cours de laquelle 58 personnes ont perdu la vie et des centaines d'autres ont été blessées, les hôpitaux ont été confrontés à des situations exceptionnelles. Des journalistes ont fait état de couloirs trempés de sang, de centres traumatologiques en manque d'équipement.

Et ce n'est pas beaucoup mieux au quotidien. Doctor affirme que 20 000 américains meurent chaque année parce qu'ils n'ont pas reçu de transfusion à temps et que 70% des morts militaires sont causées par une hémorragie.

Les pénuries de sang ne sont pas inhabituelles aux États-Unis. Au mois de septembre dernier, la Croix rouge a lancé un appel aux dons pour remplir ses stocks devenus anormalement bas. Plusieurs opérations chirurgicales de moindre importance ont même dû être annulées. Les dons aident, mais ils sont irréguliers. Le sang synthétique pourrait aider à limiter le risque d'infection ou de réponse immunitaire au sang transfusé. L'équipe de Doctor est prête à utiliser de l'hémoglobine non-humaine, mais le médecin affirme que les globules rouges déjà disponibles pourraient alimenter ErythroMer pendant des années.

En dépit des efforts des médecins, le public ne semble pas prêt à accepter l'idée du sang synthétique. L'annnée dernière, une étude effectuée sur 4 700 personnes par le Pew Research Center a rapporté que 63% des Américains se méfiaient de l'idée.

Cette méfiance ne doit pas faire oublier que le sang synthétique aurait pu sauver certaines victimes de la fusillade de Las Vegas et que dans d'autres parties du monde, notamment l'Afrique subsaharienne, les pénuries de sang sont souvent quotidiennes. Cela devrait suffire à convaincre les sceptiques de faire confiance à Doctor et ses co-équipiers.