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Il faut arrêter de traiter les naturopathes comme de vrais médecins

Après la mort d'un bébé canadien que ses parents avaient tenté de soigner avec des smoothies, il est temps de dire les choses très clairement.
Image : Prayers for Ezekiel/Facebook

Le 26 avril, David et Collet Stephan, ce couple de Canadiens qui avaient « soigné » leur fils malade en ne lui donnant que des smoothies aux légumes (raifort et oignons notamment) pendant deux semaines, ont été jugés coupables de ne pas avoir fourni des soins adéquats à l'enfant de 18 mois, un crime qui pourrait leur valoir jusqu'à cinq ans de prison ferme. Leur fils, Ezekiel, était mort d'une méningite en 2012.

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C'est une histoire tragique, d'autant que personne ne doute que David et Collet Stephan aimaient leur enfant. Ils n'ont donc pas agi par malveillance ; il semble plutôt qu'ils aient sincèrement crues que des thérapies « alternatives », y compris de l'essence d'échinacée achetée chez un naturopathe, l'aideraient à guérir plus rapidement. Mais le jeune enfant finit par cesser de respirer, et ses parents durent appeler la police. Ezekiel mourut peu après à l'hôpital (les parents expliquèrent au procès qu'ils pensaient qu'il avait la grippe, même si une amie infirmière avait suggéré qu'il souffrait peut-être d'une méningite).

Les médecins, le gouvernement et l'industrie des médecines alternatives ont tous le devoir de faire mieux. Le raifort et l'échinacée ne sont en aucun cas des substituts à la médecine véritable, fondée sur la recherche scientifique. Les patients doivent pouvoir accéder plus facilement à des médecins généralistes, et oublier les naturopathes.

« J'espère que cette affaire aidera à montrer ce que sont vraiment ces médecines dites alternatives, m'a expliqué Tim Caulfield, qui travaille sur les politiques de santé à l'Université de l'Alberta. J'espère surtout que cela incitera le gouvernement canadien à revoir la façon dont ces thérapies sont intégrées à nos services de santé. »

Les thérapies alternatives, y compris les naturopathes, sont très populaires. On comprend facilement pourquoi : au Canada, qui souffre comme de nombreuses zones rurales françaises d'une pénurie de médecins, il peut s'avérer difficile – voire impossible – de trouver un médecin généraliste. Et même si vous parvenez à en trouver un, il est souvent débordé. À l'inverse, les naturopathes prennent souvent plus d'une demi-heure pour chaque patient, étudiant chaque petit détail de leur santé. La plupart du temps, leurs services se résument à donner des conseils « lifestyle », c'est-à-dire à recommander des régimes ou des exercices physiques, ce que les médecins traditionnels ne font généralement pas, faute de temps.

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Au Canada, les naturopathes ont le droit de s'autoréguler, ce qui leur donne les atours du professionnalisme. Mais il faut être très clair : leurs services et prescriptions ne s'appuient sur aucune base scientifique. Dans une étude menée en 2011 dans l'Alberta, Caulfield a montré que l'homéopathie, la détoxification et l'hydrothérapie faisaient partie des traitements les plus souvent prescrits par les naturopathes. « Scientifiquement, rien n'indique que ces traitements aient la moindre efficacité », souligne-t-il.

La « détox », par exemple, ne sert absolument à rien ; cela a été prouvé à de nombreuses reprises. Mais des gens continuent à payer pour ça.

La défiance à l'encontre de la médecine traditionnelle et la progression de la pseudoscience sont des problèmes auxquels nous devons tous faire face. Toujours au Canada, depuis 2015, les « nosodes » (des traitements homéopathiques) doivent comporter une mention sur l'emballage indiquant clairement qu'ils n'ont rien à voir avec de véritables vaccins. C'est un bon premier pas.

Mais clairement, les thérapies alternatives bénéficient toujours d'une certaine confusion. En novembre, un nouveau procès s'ouvrira dans l'Alberta concernant la mort de Ryan Lovett, un garçon de 7 ans que sa mère avait tenté de soigner avec des traitements « holistiques ». On retrouve des cas similaires jusqu'aux années 60.

Depuis mon premier article sur Ezekiel Stephan, j'ai eu affaire à de nombreux naturopathes qui insistent sur le fait qu'ils sont des professionnels certifiés, qui font tout leur possible pour protéger leurs patients. Je suis certaine que c'est vrai. Mais il faut vraiment insister sur le fait que ces traitements ne sont pas une alternative crédible à la médecine traditionnelle, fondée sur des connaissances scientifiques. Les naturopathes font tout pour occulter ce fait, alors qu'ils ont un rôle à jouer dans la protection des patients.

Le naturopathe qui a fourni les « traitements » aux parents d'Ezekizl fait actuellement l'objet d'une enquête. Quant à David et Collet Stephan, les observateurs doutent qu'ils reçoivent une peine de 5 ans de prison.

« Ces praticiens alternatifs ne devraient pas être votre médecin de référence », dit Caulfield. Après tout, si un adulte veut vraiment payer pour une détox ou un autre type de traitement alternatif, c'est son problème. « Mais nous ne devrions en aucun cas imposer nos idéologies en matière de santé à nos enfants. »