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Des scientifiques canadiens redéfinissent actuellement ce qu'est un kilogramme

Malheureusement, il n'est pas possible d'utiliser une balance du watt pour vérifier que le fromager n'est pas en train de vous arnaquer.

Dans un laboratoire de pointe à proximité du centre-ville d'Ottawa, une équipe de scientifiques travaille sur un objet exceptionnel. Un objet qui permettra de connecter toute l'humanité à un système unique. Non pas une religion ou une croyance, non, mais à un système unique et uniforme de poids et mesures.

Vendredi, j'ai eu la chance de leur rendre une petite visite.

Au milieu du Conseil national de recherches Canada (CNRC), dans un laboratoire souterrain rempli de divers instruments de mesure, trône une machine aussi grande qu'un homme, et ressemblant à une balance ultra sophistiquée. Elle est devenue d'autant plus mystérieuse que, quand je me suis approché d'elle, mon badge de visiteur s'est mis à flotter devant moi, attiré par le puissant aimant dissimulé à l'intérieur.

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La balance du watt

mesure une masse en termes de courant et de tension. En outre, elle a été conçue pour répondre à

un besoin urgent

dans le domaine des sciences de la mesure. Barry Wood, chercheur au CNRC, m'a expliqué quelques jours plus tôt lors d'un congrès de métrologie local que la balance déterminait « une équivalence entre des normes électriques et des normes de masse. » En d'autres termes, cet homme est capable de nous dire en terme objectifs et précis ce qu'est un kilogramme, et ce qu'il signifie vraiment.

Il n'y a rien de plus important que la façon dont nous mesurons les choses, et les normes que nous utilisons pour cela. Les unités de mesure fondamentales ont permis d'unir des sociétés dans le monde entier, permettant de s'assurer que lorsque les ressources, le temps, le savoir, les biens de consommation sont échangés, ils le sont de manière exacte et consentie. (Ces unités de mesure permettent également d'attraper des Pokémon, ne l'oublions pas.) Tout cela dépend de la science de la métrologie.

L'un des buts de la métrologie est de garantir que nos unités de mesure sont constantes, et que leur nature demeure la même quel que soit l'endroit de l'univers où elles s'appliquent. Par exemple, l'unité de base du temps, la seconde, correspond en réalité à 9 192 631 770 oscillations de l'atome de césium (comptées à l'aide d'une horloge atomique). Le mètre, quant à lui, correspond à la distance parcourue par la lumière en une fraction de seconde spécifique. Ni le mètre ni la seconde ne varieront jamais, à quelque endroit de l'univers que vous vous situiez.

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Mais qu'en est-il du kilogramme ?

Carlos Sanchez vérifie la balance du watt. Photo : National Research Council of Canada

Croyez-le ou non, mais notre mesure actuelle du kilogramme est basée sur… un morceau de métal. Plus précisément, le Prototype international du Kilogramme (PIK), un cylindre de platine et d'iridium, est le dernier standard sous forme physique que nous possédons. Or, il n'a pas très bien résisté aux deux dernières décennies.

À la fin des années 1980, durant l'une des rares opérations de calibrage qu'a subi le prototype, ce dernier s'est révélé légèrement plus léger que ses copies, réparties dans le monde entier. C'était, pour le moins, un problème de taille.

« Le PIK est vulnérable à l'érosion. Comme tout objet en métal, il se corrompt, il peut fondre. Il change sans arrêt, » explique Wood. Nous devions donc définir le kilogramme de telle manière qu'il soit absolument stable, et ceci pour l'éternité. C'est à cette tâche que se sont attelés les scientifiques, accompagnés de leur étrange balance.

Reposant sur un socle relié au sous-sol de la ville afin de limiter les vibrations de l'objet, la balance du watt a un aspect assez fascinant. D'un côté est placé un poids sur un support en Pyrex entouré de fils de cuivre de couleur et prolongé par une bobine de cuivre afin de créer un effet de traction.

La balance du watt effectue des mesures d'une manière très similaire à une balance à plateaux classique (elle compare deux forces différentes), à la différence près qu'elle remplace la force de la gravité par la force de l'électromagnétisme. Cet outil a été inventé en 1975 par Bryan Kibble du National Physical Laboratory au Royaume-Uni. Kibble est décédé cette année, hélas avant d'avoir pu voir le résultat de près de quatre décennies de travail.

Tous ces efforts pour dompter le kilogramme ont eu des effets inattendus et particulièrement intéressant, explique Wood : grâce au kilo, les scientifiques ont pu redéfinir la constante de Planck. En effet, les physiciens travaillent à la réduction de l'incertitude de cette valeur, et la balance du watt canadienne s'est avérée la plus précise dans la réalisation de cette tâche en 2014. Après deux ans de réajustements, la balance a été soigneusement démontée, remontée, et est désormais capable produire des valeurs d'une précision encore supérieure.

« Les chiffres définitifs seront déterminés le 1er juillet 2017, » déclare Wood. « J'espère que nous aurons une nouvelle définition de la constante de Planck d'ici 2018, après normalisation des valeurs des constantes fondamentales. »

Quant au kilogramme, Wood explique que si tout se déroule à la perfection, personne ne devrait remarquer l'établissement du nouveau standard : 1 kg sera toujours 1 kg, mais désormais, nous saurons que ce sera le même kilo éternellement.