Comment prêcher la bonne parole m’a fait perdre toute foi en Dieu

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Comment prêcher la bonne parole m’a fait perdre toute foi en Dieu

Si vous estimez que votre vie étudiante était difficile, essayez de vous mettre dans la peau d'un puceau évangéliste de 17 ans.

Toutes les illustrations sont de Michael Dockery

Si vous estimez que vos premières années d'études étaient difficiles, essayez de vous mettre dans la peau d'un puceau de 17 ans qui prêche la parole de Dieu après s'être tout juste remis d'une rupture. J'avais découvert la religion il y a quelques mois, par le biais de mon ex-copine. Cette révélation m'avait poussé à ouvrir les portes de la seule église constituée de paroissiens de moins de 50 ans qui se trouvait dans ma ville. J'habitais dans une petite ville du sud de l'Australie, où se trouvait donc une église pentecôtiste. Au moment où j'entamais ma nouvelle vie estudiantine, j'étais à l'apogée de ma « période Jésus ».

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J'ai commencé l'université avec un petit acte de rébellion – j'ai séché la semaine d'intégration. Je m'étais dit que j'avais mieux à faire, comme relire l'intégralité de l'Ancien Testament. De plus, je m'étais dit qu'il y aurait peu d'étudiants chrétiens sur le campus – hormis ceux qui géraient le stand du Club des Étudiants Évangéliques, lesquels ressemblaient vraiment à des gens infréquentables. Je dois avouer que j'étais relativement prétentieux et distant par rapport à ma religion et ceux qui l'embrassaient. J'étais loin de me douter qu'un an plus tard, je ferai partie de ce club d'étudiants excessivement souriants qui cherchaient désespérément à inciter des passants innocents à « entamer une discussion sur notre Seigneur ».

Ma première année ne s'est pas très bien passée. Quand mes cours ont enfin commencé, j'ai fait l'erreur de me présenter au reste du monde comme « Mat, le Chrétien » et j'ai commencé à porter un T-shirt « J'aime Jésus » de ma confection. Peu de temps après, ma petite amie chrétienne m'a largué – je me suis retrouvé seul et en quête de contact humain. Je me suis donc tourné vers les seules personnes qui m'accepteraient : les tarés qui adoraient Jésus.

Les membres du club se réunissaient dans « l'oasis », le coin religieux de l'université – une pièce mal meublée qui dégageait une odeur de confessionnal poussiéreux. Deux canapés miteux se trouvaient à l'entrée, afin que chaque croyant puisse s'y asseoir pour feuilleter des livres sur la religion de son choix. La première fois que je me suis rendu à une réunion du club, nous avons lu la Bible et discuté de la théorie de l'évolution. À l'époque, c'était un sujet très important pour moi. En tant que chrétien, j'avais du mal à prendre la Genèse à la lettre et à accepter l'idée que Dieu avait créé le monde en sept jours – une chose bien entendu difficile à concilier avec la science. Mais le leader du groupe, un étudiant débraillé qui devait avoir le double de mon âge, était catégorique : pour lui, les principes de l'évolution (comme la Loi du plus fort) étaient incompatibles avec les voies du Seigneur. Je ne me suis pas particulièrement bien entendu avec les autres membres, même s'ils étaient généralement gentils et accueillants.

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Quelques semaines plus tard, j'étais en pleine discussion avec des gens normaux – et par là, j'entends des gens qui n'avaient pas l'air de freaks obsédés par Jésus. L'un d'eux s'est exclamé « Mon Dieu », et je lui ai demandé de ne plus jamais invoquer Son nom en vain. J'ai essuyé un regard dégoûté, et réalisé dans le même temps que les étudiants normaux ne m'accepteraient jamais. Beaucoup de personnes auraient changé d'attitude à ce stade – mais pas moi. J'ai choisi délibérément de m'enfoncer en demandant à mon prof de droit s'il était possible de me donner la parole avant le cours.

Devant une classe de cent élèves, je me suis levé et ai convié tout le monde à participer à notre groupe de discussion du mercredi – nous allions organiser un débat sur le thème « Y a-t-il des preuves de l'existence de Jésus ? », et je crois que je n'ai pas besoin de vous dire dans quel camp je me trouvais. Bien entendu, ça s'est très mal passé. Mon invitation s'est heurtée à un silence général et de nombreux regards gênés, et je me suis dirigé au fond de l'amphithéâtre sans rien dire.

Peu de temps après, une semaine spéciale sur la religion était organisée à la fac. Nous avions donc prévu de toucher l'intégralité du campus avec la merveilleuse parole de Dieu, et nous avons tout donné. Nous avions des posters, des stands, des débats et des réunions. Sans succès. Pour reprendre les paroles de Paul McCartney, « Personne n'a été sauvé ». Mais nous nous sommes accrochés à notre foi incommensurable en Dieu, avant de nous rassurer mutuellement – « On fera mieux l'année prochaine. »

Avec un optimisme absolument infondé (après tout, je parle ici de religion), je me suis porté volontaire pour diriger le stand du club lors de la prochaine semaine d'intégration. Mon but était donc d'attirer les nouveaux arrivants au cours de la semaine de pré-rentrée que j'avais moi-même séchée – la boucle était bouclée. Nous avons installé une petite table, sur laquelle nous avons déposé nos flyers. Vêtus de polos assortis et de sandales, nous avons hélé les étudiants et énuméré toutes les choses fantastiques qu'il y avait à dire sur Dieu – encore une fois, tout le monde s'en branlait. Chaque personne nous est passée sous le nez, certains nous évitant même comme la peste – en particulier le leader du Jeune Parti Travailliste, qui m'a fusillé du regard.

L'année suivante, je renonçais à ma religion. J'en ai fait un article pour VICE l'année dernière, mais si jamais vous avez la flemme de le lire, sachez que c'était un immense soulagement. Je n'avais plus besoin de forcer mes potentiels futurs amis à partager les mêmes croyances que moi, ni à me faire sentir coupable de ne pas parler suffisamment de Jésus. Fini les flyers et les stands ridicules. Bien sûr, j'étais déjà cramé au sein de mon université – mais au moins, j'avais touché le fond et je pouvais difficilement creuser plus.

Rejoindre un club universitaire n'était pas la meilleure expérience de ma vie. En réalité, c'est une des choses les plus humiliantes et démoralisantes que j'ai jamais faites. Ces souvenirs me hanteront pour toujours. Aujourd'hui, je me sens particulièrement mal pour les adorables personnes – sans doute en passe d'être désenchantées – qui travaillent sur ces stands. Mais je continue quand même d'éviter tout contact visuel avec elles.

Mat est sur Twitter.