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Culture

Doit-on retirer d’Internet les 15 millions de casiers judiciaires américains ?

Paolo Cirio lance une pétition et bizute les sites qui se font du fric sur les photos d’identité de prisonniers.
Obscurity installation images. Images courtesy the artist

Il y a une petite industrie de sites internet qui publient des photos d’identité de prisonniers (mugshots en anglais) et fait de l’argent avec en faisant payer la demande de retrait de la photo ou en plaçant des publicités à côté des listes de données. Les sites de mugshots peuvent facturer plusieurs centaines de dollars pour le retrait d’une photo, sans prise en compte de la nature du crime ou du délit, du temps d’incarcération ou si les charges ont été depuis abandonnées. Certains mugshots peuvent représenter des tueurs en série, des violeurs ou des petits délinquants, comme des individus ayant conduit sans permis ou surpris en possession de substances illicites. L’artiste italien Paolo Cirio, qui a fait des collages des photos Facebook des boss de l’espionnage américain et « libéré » 60 000 articles payants d’un journal en ligne, s’attaque maintenant à ces sites de mugshots.

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Son projet, Obscurity, entre art et justice, utilise un algorithme pour choper les 15 000 000 mugshots de personnes arrêtées aux États-Unis et embrouiller les sites de mugshots en les clonant et en « mélangeant » leurs données. Les visiteurs des sites peuvent aussi participer au projet en jugeant un individu arrêté et en décidant de garder ou virer ses données du site en question.

« Au-delà de l’utilisation de dossiers judiciaires pour une expérience sociale et le piratage, les œuvres font la promotion d’un droit au retrait légal d’informations personnelles des moteurs de recherche », explique Cirio sur le site d’Obscurity. « Le travail d’Obscurity déploie des stratégies qui sont orientées pour des solutions comme forme de pratique artistique sociale sur Internet. L’installation montre des tirages de mugshots pour des cas d’incarcération lourde, comme les prisonniers les plus jeunes et les plus vieux de la base de données. »

Cirio raconte à The Creators Project que l’algorithme créé pour brouiller les données est fait pour que le nom de l’individu et la photo ne soient jamais associés avec la personne véritablement arrêtée. Il scanne les individus de même genre, âge, race et lieu et mélange ensuite leur prénom et leur nom de famille en même temps que leur portrait. L’algorithme saisit également des détails tels que les motifs d’inculpation et le lieu d’arrestation.

L’algorithme de Cirio republie ces données sur le web en utilisant un moteur de recherche optimisé (SEO) pour faire remonter les classements de recherche des sites clonés et mettre en avant les versions avec les fichiers mélangés. Un site comme MugShots.com se fait donc remplacer par Mug-Shots.us, l’un des six sites-clones de Cirio.

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« J’ai toujours voulu faire un projet sur le droit à l’oubli », dit encore Cirio. « La publication de mugshots paraissaient être une bonne façon d’en parler, et en même temps il pouvait documenter un abus sur les conséquences de l’incarcération de masse. » « Je me suis aussi beaucoup intéressé aux sites de mugshots quand j’ai remarqué qu’ils militent pour garder le public informé pour connaître la vérité, le droit de savoir et l’accès aux informations pour la sécurité publique », ajoute-t-il. « Parfois ça produit un conflit très intéressant avec le droit à la vie privée et la monétisation d’informations sensibles. »

Si Google a supprimé ses sites de son moteur de recherches, une recherche de mots clefs avec le prénom et le nom d’une personne avec un casier judiciaire va faire apparaître ce casier et une photo. Le directeur de Google, Eric Schmidt a exprimé publiquement son désaccord avec la loi européenne de « droit à l’oubli ». Cirio commente : « Les États-Unis sont loin derrière sur la notion de vie privée — [et] seulement dans un état, la Californie, il y a une loi qui permet de supprimer les données des mineurs publiées sur Internet. » « Nous ne devons pas oublier que Google est le plus gros lobby sur le congrès américain, plus encore que Wall Street ou les compagnies pétrolières. Donc j’avoue que ma tentative de lancer une pétition pour le droit au retrait de données personnelles des moteurs de recherche sera probablement vaine. »

The Creators Project a contacté quelques sites de mugshots pour avoir un commentaire. À suivre, donc.

Cliquez ici pour voir d’autres travaux de Paolo Cirio.