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Quand les étoiles se font mettre en pièces

Trous noirs, assassins !
Image : Chandra/Harvard

Les trous noirs ne se contentent pas de happer de manière cataclysmique tout objet qui passerait à leur proximité grâce à leur singularité gravitationnelle. Si le disque d'accrétion d'un trou noir constitue son yin, alors les puissants jets relativistes qui s'en échappent parfois, s'étirant sur des millions d'années-lumière, en sont le yang.

Vendredi dernier, un article publié dans le journal Sciencea révélé une nouvelle découverte concernant ces jets de matière. Une étoile infortunée s'étant retrouvée sur le passage d'un quasar (soit un trou noir supermassif, soit un trou noir binaire) a été détectée par des chercheurs du programme polonais All-Sky Automated Survey for Supernovae (ASAS-SN). L'événement a été enregistré sous le code ASASSN-14li.

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L'étoile en question a été rapidement déchiquetée lors d'une poussée par effet de marée gravitationnelle (TDF), durant laquelle ses restes ont été aspirés par le trou noir avant d'être éjectés dans l'espace par l'énergie d'un jet. Un événement de type TDF se produit environ une fois tous les 100 000 ans tout au plus dans une galaxie donnée. Ils sont très rares et très recherchés par les astronomes, car ils pourraient permettre d'expliquer l'équilibre accrétion/éjection des trous noirs. Le défi est de taille : les processus à observer se déroulent à des échelles de temps beaucoup plus longues que la durée d'une vie humaine.

Cependant, les TDFs se déroulent sur un temps plus court lorsqu'ils adviennent dans des trous noirs supermassifs, ce qui permet d'observer cette fameuse alternance accrétion/éjection. « Lorsqu'une étoile passe à proximité d'un trou noir super massif, créant des perturbations gravitationnelles, alors il y a une chance de voir apparaître un TDF » explique l'astrophysicien Geoffrey C. Bower dans l'article de Science, au titre très réussi : « Les hurlements d'une étoile déchiquetée. » « Si l'étoile passe assez près du trou noir pour subir sa force de marée, alors la différence de force gravitationnelle entre le trou noir et l'étoile va provoquer la destruction de cette dernière. »

« Tandis que les restes de l'étoile s'approchent de l'horizon du trou noir, écrit Bower, leur énergie potentielle gravitationnelle est convertie en chaleur par effet de viscosité. Le flot d'accrétion pourra atteindre une température de -170°C, et sera visible pendant une centaine de jours grâce à l'émission de rayons lumineux, ultraviolets, et de rayons X. »

La force d'attraction gravitationnelle des trous noirs est telle que les débris d'objets célestes aspirés en leur sein se fracassent les uns contre les autres, ce qui génère des quantités d'énergie énormes par friction. Tout ce qui est happé dans un trou noir ne sombre pas dans le vide, loin de là. En l'occurrence, c'est cette matière résiduelle qui forme les jets dont nous parlons, et que nous avons observés lors de l'événement ASASSN-14li.

Ce n'est pas la première fois que l'on identifie un TDF, expliquent les chercheurs. Mais ASASSN-14li est le premier événement de ce genre à avoir été observé 30 jours seulement après son apogée. La plupart des TDFs ne sont détectés que des années plus tard. Dans le cas présent, les chercheurs ont réussi à distinguer les jets alimentés par les phénomènes d'accrétion habituels car l'un d'entre eux a jailli avant de s'éteindre brusquement. Il y a encore beaucoup à apprendre sur les TDFs et les jets de trous noirs en général.

Selon Bower, cette découverte « suggère que de nouvelles découvertes pourraient être faites grâce à une radiosurveillance à grande échelle. Des radiotélescopes puissants tels que le Très Grand Réseau (Very Large Array, VLA), l'Australian Square Kilometer Array Pathfinder, ou MeerKAT en Afrique du sud seront probablement associés à la recherche future sur les TDFs. »