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Société

Au Népal, l’enfer des « huttes de menstruation »

Une tradition séculaire connue sous le nom de « chaupadi » oblige les femmes à quitter leur foyer quand elles ont leurs règles.
Gavin Butler
Melbourne, AU
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
une femme dans une "hutte de menstruation"

Plus tôt cette année, Amba Bohara, une Népalaise de 35 ans, et ses deux jeunes enfants, ont été retrouvés morts dans une étable sans fenêtre. Amba avait ses règles, et tous les trois s'étaient barricadés à l'intérieur de la hutte pour respecter le chaupadi, une tradition séculaire qui subsiste dans certaines parties de l'ouest du Népal. Selon cette tradition, une femme est considérée comme sale et impure quand elle a ses règles, et est donc bannie de son domicile familial. On pense qu'Amba et ses enfants sont morts étouffés après avoir allumé un feu pendant une nuit froide d’hiver. Quelques semaines plus tard, Parbati Bogati, 21 ans, est décédée dans des circonstances similaires.

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La tradition controversée du chaupadi – qui a été interdite par la Cour suprême en 2005 et pénalisée par le gouvernement l’année dernière – dicte la vie des femmes : où elles doivent dormir, ce qu’elles peuvent manger et avec qui elles ont le droit d’échanger pendant leurs règles, rapporte The Guardian. Tous les mois, dans des villages népalais, des femmes sont séquestrées dans des « huttes de menstruation », de peur que leurs divinités les punissent si elles ne quittent pas le domicile familial. Là-bas, elles sont exposées au risque de morsures de serpent, d'inhalation de fumée, de maladie et d'abus sexuel.

Dhami Jakari, chaman et guérisseur népalais, a déclaré en 2016 au Guardian que « si elles [les femmes, ndlr] entrent dans la cuisine avant la fin de leurs règles, elles seront possédées. Vos dieux chrétiens se moquent de savoir si vous avez vos règles ou si vous êtes sale, mais pas nos dieux hindous ». Dechen Lama, avocate au Forum pour la femme, le droit et le développement, explique que « le chaupadi est respecté depuis le tout début, depuis leurs ancêtres. Par conséquent, s'ils cessent ce type de rituel, ils craignent que leur dieu les punisse. » Une étude réalisée en 2010 par le Bureau de la démocratie, des droits de l'homme et du travail a révélé qu'une femme sur cinq au Népal pratiquait la tradition, tandis que dans les régions du centre ouest et de l'extrême ouest, ce nombre était plus proche d'une femme sur deux.

Désormais, ceux qui imposent encore le chaupadi sont passibles d’une amende de 3 000 roupies (environ 23 euros) et d’une peine de trois mois de prison. Le gouvernement a également menacé de retirer l'aide alimentaire fournie par l'État dans certains cas, poussant les gens à détruire leurs huttes de menstruation et à abandonner cette pratique. Mais les défenseurs des droits des femmes affirment que les modifications apportées à la loi ont eu peu d'impact, selon le New York Times, car de nombreux pratiquants ont du mal à abandonner la tradition face aux normes de la société, à la religion et au tabou qui règne autour de la menstruation dans certaines régions du pays.

Femmes et enfants continuent de mourir, mais personne n’a encore été inculpé pour avoir suivi le chaupadi.

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