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Le cryptojacking peut-il débarrasser le web de la publicité ?

Ou comment le minage de cryptomonnaies pourrait financer la création de contenu web à la place de la publicité.
Comment le minage de cryptomonnaies pourrait financer la création de contenu web à la place de la publicité.
Illustration : François Dettwiller

La ruée vers l’or immatériel continue. Un rapport publié par la Cyber Threat Alliance fait état d’une augmentation de 459% des attaques dites de « cryptojacking » entre 2017 et 2018. Cette pratique cybercriminelle consiste à exploiter la puissance de calcul d’ordinateurs tiers pour miner des cryptomonnaies.

Pour rappel, le terme « mining » désigne les calculs qui permettent de vérifier les transactions en monnaies virtuelles et de les consigner dans un registre public, la blockchain. Le mining est un procédé long, coûteux en ressources informatiques et néanmoins indispensable. De ce fait, ceux qui s'en acquittent peuvent toucher une récompense financière sous la forme de nouvelles unités de cryptomonnaie.

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Suivant ce principe, la recette des cryptojackers est simple : en insérant quelques lignes de code malveillant (CoinHive, par exemple) sur un site web, ils peuvent s’approprier les ressources informatiques des visiteurs à leur insu pour miner. Difficile pour les internautes d’identifier cette spoliation : le seul signe visible est un léger ralentissement de leur machine. En septembre, Europol a décrit cette pratique comme « la nouvelle tendance en matière de cybercrime. »

Adieu publicité, contenu sponsorisé, liens d'affiliation ?

L'année dernière, le cours du Bitcoin a frôlé les 16 000 euros avant de retomber aux alentours de 5 400 euros. Toute ponctuelle qu'elle soit, cette envolée a sans doute attiré l'attention des pirates. « À l’heure actuelle, c’est plutôt le minage de Monero qui est rentable » estime néanmoins Rafal Zgoda, ingénieur en informatique et détenteur d’une start-up spécialisée dans le minage. Mais le cryptojacking vaut-il le coup pour autant ? Pas tellement, affirme une récente étude menée par quatre chercheurs de l’université de Brunswick. D'après leurs estimations, « un mineur gagne environ 5,8$ [un peu plus de 5 euros, ndlr] par jour et par site web en moyenne », soit un « profit limité. » Mais les gains sont variables et peuvent aller « de quelques centimes à 340$ [presque 300 euros, ndlr] » en seulement 24h « suivant le cours des différentes crypto-monnaies. »

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Les universitaires allemands évoquent plus loin une possibilité intéressante. « Le minage sur le web peut certainement être utilisé légalement et constituer une alternative à la monétisation par la publicité. » En d’autres termes, l’argent généré par un système de cryptojacking légal pourrait peut-être financer le web. Adieu publicité, contenu sponsorisé, liens d'affiliation ?

Si les utilisateurs sont informés de la mise à contribution d’une partie de leurs ressources informatiques, cette pratique n’est plus illégale. The Pirate Bay, plateforme de partage de fichiers en peer-to-peer, figure parmi sites les plus connus pour avoir mis ce modèle économique en application. « Le problème, c’est qu’ils se sont mis à utiliser 60 à 80% de la puissance des chaque ordinateur, ce qui a donné mauvaise presse à cette pratique », rappelle Rafal Zgoda. « Mais en réalité, on pourrait n’utiliser que 30% de la capacité de calcul sur un temps limité. » Ainsi, le site d’information américain Salon propose déjà la solution cryptojacking à ses lecteurs, au même titre que de nombreux sites de streaming.

Pour Denis Jacopini, ingénieur expert en cybercriminalité, ce modèle économique à grande échelle sur le web est « parfaitement envisageable : c’est un mode de fonctionnement qui est amené à se généraliser. » Il insiste en revanche sur la nécessité de penser la dimension éthique de cette pratique. Tout site qui envisagerait de rétribuer ses créateurs grâce au minage doit avant tout faire preuve de transparence vis-à-vis de ses utilisateurs.

Membre salarié de La Quadrature du Net, association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, Ohkin nuance ce point de vue. « Le cours du Bitcoin, par exemple, est très instable, il est difficile d’imaginer un modèle viable fondé sur le mining de devises volatiles. » Le hacktiviste estime : « On doit aussi prendre en compte le fait que tous les ordinateurs n’ont pas la même puissance de calcul, cela peut générer des inégalités. » Autre paramètre non négligeable : le coût environnemental exorbitant de ces pratiques. Ainsi, si le minage de cryptomonnaies commence à se présenter comme un mode de financement crédible pour les contenus numériques, les bannières et autres habillages ont encore de beaux jours devant eux.

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