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La peur et le sexe se vendent très bien ensemble

Les articles sur « comment bien sucer à genoux avec un masque de cheval sur la tête et du vernis pas sec sur les ongles d’orteils » abondent dans la presse féminine et sont moqués, de moins en moins pris au sérieux.

Par contre, les articles sur « les dangereuses et nouvelles tendances sexuelles » sont aussi très populaires et diffusent panique et indignation, plutôt que des réflexions sur la façon d'aborder la sexualité dans les médias.

Rainbow parties : l'art à la mode de se partager une queue

Il y a 15 ans, quand j'étais au cégep, tout le monde était perturbé par les rainbow parties. Richard Martineau avait écrit une chronique sur le sujet dans le Voir. Ma mère était persuadée que les toilettes des écoles secondaires étaient utilisées pour des gang bang entre mecs satisfaits de se faire barbouiller la queue par des filles qui ont plus de tubes de rouge à lèvres que j'ai de dents cariées.

Les rainbow parties seraient des fêtes où sept filles, chacune arborant une couleur différente de l'arc-en-ciel sur les lèvres, suçaient à tour de rôle un mec.

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Meg Meeker, une pédiatre américaine, serait la première à avoir révélé cette tendance/légende urbaine. En 2002, dans son livre Epidemic: How Teen Sex Is Killing Our Kids, elle assurait que d'avoir des activités sexuelles à un jeune âge avait de terribles conséquences : cancer, stérilité, infections chroniques sévères et grossesses non désirées, entre autres. Elle donnait la parole à une jeune fille témoignant de sa participation à un rainbow party.

En 2003, Oprah Winfrey en avait parlé et c'est ce qui a déclenché véritablement l'idée que cette activité était populaire et devenait le jeu de la bouteille de la jeunesse perdue du nouveau millénaire.

Joel Best et Kathleen A. Bogle, les auteurs de Kids Gone Wild: From Rainbow Parties to Sexting, indiquent que la peur des parents de voir leurs enfants se transformer en jeunes adultes obsédés avec une gonorrhée au fond de la gorge avait été exploitée par les médias. Ceux-ci s'en étaient donné à cœur joie, privilégiant l'aspect scandaleux de ces célébrations hormonales plutôt que les données véritables.

Les chercheurs sur la sexualité et des professionnels de la santé ne trouvaient aucune preuve de l'existence des rainbow parties et s'opposaient aux rumeurs d'épidémie, indiquant que la stigmatisation entourant l'activité sexuelle des adolescents était trop importante pour qu'une activité de groupe et de partage soit ouvertement encouragée.

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Pénétration de tampons à la vodka

À la suite des cas documentés d'hospitalisations dues à des consommations abusives d'alcool lors de pyjamades, des experts ont tenté de faire croire que les adolescents étaient prêts à n'importe quoi pour se saouler, même si ça impliquait des pénétrations dangereuses. Faire peur aux parents d'adolescents et de jeunes adultes est une occupation à plein temps pour certains gourous de la catastrophe. C'est dans ce contexte que des experts ont déclaré que les tampons imbibés à la vodka étaient un accessoire aussi prisé qu'un chemisier de chez Ardène. Les experts soutenaient que les jeunes filles se rentraient un tampon à la vodka dans le vagin et que les jeunes hommes participaient à des séances de butt chugging, une activité de groupe consistant à se nicher une pompe à bière dans le rectum. Ainsi, les adolescents pouvaient se saouler plus rapidement, mais aussi faire en sorte que leur haleine ne dévoile pas leurs comportements de canailles fantasmant aux médecins aux urgences.

Photos de son visage après l'orgasme #aftersex

Nerve, BuzzFeed, le Daily Mail, Jezebel, Slate, le Journal de Montréal et le Time se sont tous insurgés en 2014 à propos de la « trahison ultime de l'intimité » : les photos sur Instagram avec le mot-clé # aftersex, désignant des photos qui seraient publiées directement après une relation sexuelle. Toutefois, comme Cnet le révèle, le phénomène n'aurait pas dû prendre autant d'importance dans les médias. La majorité des photos # aftersex révèle surtout des blagues : « La plupart des contributions au hashtag étaient décevantes. Il y avait des photos de James Franco, Cam Newton, Miley Cyrus. Il y avait même la photo d'un homme et de son chien — je crois pouvoir affirmer qu'il s'agissait d'humour. En fait, parmi les photos qui peuvent vaguement suggérer une vraie pose post-coïtale (environ 10 % des photos, selon mes estimations), très peu montraient des personnes nues. » Prendre un selfie de soi après avoir eu une relation sexuelle n'a jamais été la « nouvelle cigarette post-coïtale », n'en déplaise à ceux qui parlent de tendance en souhaitant, inconsciemment peut-être, faire en sorte que ça en devienne véritablement une.

Photos de couilles et de fesses avec paysage de montagnes #nutscapes #cheekyexploit

Clancy Philbrick est en mission depuis 2007, comme instigateur du projet Nutscapes. Il trouvait les photos de paysage ennuyantes, alors il a entrepris, avec des amis, d'y ajouter une touche d'humour. Pour lui, révolutionner ce genre dépassé c'est y apposer ses couilles. En 2015, en ajoutant ses photos sur Instagram, Philbrick a créé la surprise. Les médias ont proclamé que c'était la nouvelle tendance en photo, comme si tout le monde, pas juste un groupe d'amis, posait les couilles à l'air devant la Grande Muraille de Chine. Un genre de photos semblable fait sensation dans les médias ces temps-ci : les selfies de fesses dévoilées devant un jardin, des montagnes ou à l'épicerie. Brain Magazine dicte que « la mode du self-cul est en train de tout ravager sur son passage », alors que les photos taguées # cheekyexploits sont plus nombreuses que celles pour les couilles, mais pas prêtes à se comparer aux photos de craques de seins et de chats mignons.

Le stealthing est une agression, pas une nouvelle mode

Stealthing est un terme utilisé par la communauté homosexuelle depuis au moins 2014 décrivant l'action d'un homme séropositif tentant d'infecter activement son partenaire, sans que celui-ci ne le sache ou n'y consente. Depuis deux semaines, à la suite de la publication d'une étude dans le Columbia Journal of Gender and Law, les médias s'emportent et discutent du stealthing comme si c'était la première fois de l'histoire de l'humanité que des hommes retiraient leur condom sans prévenir leur amante. Ce n'est pas la première fois de l'histoire de l'humanité. Et en parler comme d'une tendance, d'une mode ou d'un mouvement est pernicieux. Retirer son préservatif sans consentement n'est pas une nouvelle activité. C'est une agression. Que ce soit à propos des rainbow parties ou des photos de couilles, les médias s'emportent facilement et participent à la création d'une panique morale et réactionnaire. Toute activité sexuelle est ainsi vue comme une peur réelle et légitime. Exploitée pour son côté scandaleux, la sexualité semble trop souvent utilisée comme un outil de contrôle et comme clickbait.

Mélodie Nelson est sur Twitter.