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Pourquoi Super Mario Bros. 2 était-il si weird?

L’histoire allait beaucoup plus loin qu’une simple incursion dans le monde des rêves de notre plombier préféré.
Super Mario Bros 2
Images tirées de vgmuseum.com

Super Mario Bros. 2 fête son trentième anniversaire ce mois-ci; et si, comme moi, vous avez grandi manette à la main en revenant constamment à ce classique de l'ère 8 bits, vous vous êtes sans doute déjà demandé pourquoi il était aussi étrange. Il n'y a pas dix mille façons de le dire : c'est un peu fucké, comme jeu. Même à l'époque, du haut de notre sens critique d'enfants de six ans, on savait pertinemment bien que quelque chose clochait avec le deuxième Mario au NES. Comment ça se fait qu'on doit y arracher des légumes du sol pour les garrocher sur des méchants qui n'ont rien à voir avec ceux des autres Super Mario Bros? Veux-tu ben me dire pourquoi des fioles de jus rouge me permettent d'accéder à un « monde de l'ombre » qui se cache « derrière la surface » des niveaux normaux? Pis c'est qui, l'espèce de grosse grenouille qui a remplacé ce bon vieux Bowser comme boss de la fin?

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Naïvement, on se disait que Super Mario Bros. 2 était peut-être juste différent pour être différent; ou alors on ne s'en faisait pas trop avec ça, étant donné qu'on était occupé à essayer de « faire le tour de la cassette », comme le veut l'expression consacrée. Le jeu nous offrait évidemment un semblant d'explication afin d'en justifier le caractère insolite : l'aventure se déroulait supposément durant le sommeil de notre plombier préféré. Ben oui : « ce n'était qu'un rêve », comme dirait l'autre. Ou, comme le spécifie l'introduction : « when Mario opened a door after climbing a long stair in his dream, another world spread before him… » Mais force est d'admettre que ce n'est pas très convaincant, comme excuse. Il y a d'ailleurs une bonne raison à cela : Super Mario Bros. 2 n'est pas « vraiment » la suite du premier Super Mario Bros. Il s'agit en réalité d'une version modifiée du jeu japonais Yume Kōjō: Doki Doki Panic.

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De kossé? Yume Kōjō, qui se traduit par « usine à rêve », est le nom d'un festival organisé par Fuji Television en 1987 pour faire la promotion de sa programmation. Les Japonais ne font pas les choses à moitié : pour te donner une idée, c'est un peu comme si TVA organisait Expo 67 pour t'annoncer qu'ils vont diffuser La poule aux œufs d'or. Publié au Japon la même année, le jeu Doki Doki Panic mettait en vedette les quatre mascottes de l'événement; c'est d'ailleurs pour cette raison que l'on peut choisir son personnage dans Super Mario Bros. 2, une autre innovation qui avait à bien y penser des airs d'anomalie. Imajin deviendra Mario, Mama servira de modèle à Luigi, Lina sera convertie en princesse et ce bon vieux Toad est inspiré du personnage de Papa. Le reste du jeu est essentiellement le même, ce qui explique d'ailleurs pourquoi ce deuxième Mario se déroule dans un univers vaguement inspiré des Mille et Une Nuits.

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C'est ben beau, tout ça. Mais ça n'explique toujours pas pourquoi, pour citer Gerry Boulet, Nintendo « nous a monté un beau grand bateau ». Quel était, autrement dit, le problème avec le « vrai » Super Mario Bros. 2? Sortie au Japon en juin 1986, la vraie de vraie suite du premier Super Mario Bros. est un drôle de petit jeu dans lequel le légendaire concepteur Shigeru Miyamoto et son assistant Takashi Tezuka s'amusent aux dépens du joueur en trafiquant les règles établies dans le volet précédent de la série. Dans le premier jeu, par exemple, tu cognes une brique qui fait apparaître un champignon qui te fait grandir – pis tu te dis, après ça, que c'est bon les champignons. Mais dans Super Mario Bros. 2, il faut se méfier des champignons, parce que certains d'entre eux font rétrécir notre personnage. Pis c'est rien, ça : il faut aussi que tu sautes sur des blocs invisibles et que tu évites certaines warp zones qui te font reculer dans ta progression.

Au Japon, Super Mario Bros. 2 sera mis en marché comme étant « pour les super joueurs ». C'est une manière sympathique de dire que le jeu était crissement difficile, pis que t'étais aussi ben d'avoir terminé son prédécesseur une couple de fois avant de te lancer dans celui-là. Nintendo trouvait d'ailleurs qu'il était carrément trop dur pour les joueurs nord-américains. Ici, la compagnie a donc décidé de déguiser Yume Kōjō: Doki Doki Panic en jeu de Mario : au lieu de sortir quelque chose qui nous aurait donné le goût de garrocher notre manette à bout de bras avant de planter notre poing dans l'écran, en plus de nous forcer à demander de l'aide à notre grand frère pour passer ne serait-ce que le premier niveau. On oublie trop souvent que les grands frères, avec leur motricité fine plus développée que la nôtre, constituaient un atout essentiel quand venait le temps de terminer des niveaux qu'on n'était pas capables de faire tout seul.

Malgré son petit côté quelque peu incongru, Super Mario Bros. 2 connaîtra un succès phénoménal dès sa sortie en octobre 1988. Il s'en écoulera au total 7,4 millions d'exemplaires, ce qui en fait le quatrième meilleur vendeur de l'histoire de la console. C'est assez peu, quand on compare ça aux 17,2 millions d'exemplaires de Super Mario Bros. 3. Mais Super Mario Bros. 3 étant possiblement le meilleur jeu vidéo de tous les temps, c'est somme toute compréhensible. Plus tard, le Super Mario Bros. 2 nord-américain sera rebaptisé Super Mario USA avant d'être lancé au Japon en 1992 . Quant au Super Mario Bros. 2 japonais, il sortira aux États-Unis et au Canada sous le nom de Super Mario Bros: The Lost Levels. Mais pour tous ceux et celles qui sont nés dans les années 80, le « vrai » Super Mario Bros. 2 restera à jamais celui où Mario lance des navets sur une grenouille géante qui s'appelle Wart.

Alexandre Fontaine Rousseau est sur Twitter