Comment mourir à cause d'une appli d'identification de champignons
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Comment mourir à cause d'une appli d'identification de champignons

Répétez après moi : "l'usage non critique des technologies est mauvais pour la santé."

Déambuler dans les bois et forêts est la meilleure occupation du monde. Fraises sauvages, cèpes, châtaignes, notre environnement recèle de trésors gustatifs pour le promeneur hardi qui ne se laisse pas impressionner par les orties, les tiques et les sangliers. Mais parce que nous vivons plus volontiers dans les villes qu'autrefois, nos compétences en identification d'espèces ne sont plus ce qu'elles étaient. Le niveau a baissé, comme on dit dans l'Éducation nationale. Si vous êtes un millenial tout frétillant, il y a de grandes chances que vous soyez plus habile pour trouver le filtre parfait sur Snapchat que pour distinguer une amanite rougissante d'un coprin chevelu.

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Comme notre papi n'est pas toujours là pour nous éviter de croquer dans un cortinaire des montagnes et que le Manuel des Castors Juniors n'est plus aussi populaire qu'auparavant, la technologie est venue à notre rescousse - sous la forme d'une application d'identification complètement con qui fait hurler tous les mycologues professionnels et amateurs.

Mushroom, l'application en question, utilise l'intelligence artificielle et la technologie de reconnaissance d'image afin d'identifier les champignons que vous croisez sur votre chemin. Son créateur, Nicholas Sheriff, est product designer dans la Silicon Valley et estime que son appli peut devenir "la Bible des chasseurs de champignons". Cependant, cet outil n'a qu'un but consultatif, comme une encyclopédie ou une clé d'identification destinée aux aventuriers des bois. En aucun cas il ne devrait être utilisé comme un filtre permettant de discriminer les champignons comestibles des champignons toxiques, surtout entre les mains d'un jeune fou qui a très envie de manger bio et local et qui pense que la Silicon Valley va changer le monde.

N'oubliez pas : pour chaque problème, il existe une application pire que le problème lui-même.

"Personne n'est capable de mémoriser toutes les espèces de champignons du monde, même un génie", explique Sheriff. "Pourtant, les gens veulent apprendre. Il y a un aspect éducatif à tout cela."

Sheriff note que les amanites phalloïdes, aussi connues sous le nom très imagé de "calices de la mort", sont de plus en plus communes dans nos forêts. Or, on peut les confondre aisément avec d'autres variétés de champignons comestibles. Le mois dernier, les médecins ont rapporté une série d'empoisonnements sans précédent aux amanites phalloïdes en Californie du nord. 14 personnes sont tombées gravement malades, et trois ont requis une greffe de foie. Sheriff est persuadé que son application pourrait permettre aux gens d'éviter des accidents malheureux, puisqu'elle est censément plus "commode" qu'un guide sous forme papier.

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Le problème, c'est qu'aucune application de reconnaissance d'image n'est infaillible, et certainement pas celle-ci, reconnait Sheriff. Il m'a expliqué que son appli était encore au stade bêta, et qu'il y travaillait de manière bénévole quand il avait un peu de temps, à côté de son activité principale. Je l'ai téléchargée sur mon smartphone moyennant 4,20€, et j'ai été faire un petit tour dans le jardin de Munchies situé dans les bureaux VICE de Brooklyn.

J'ai alors scanné de bêtes champignons shiitakes, que l'application a été incapable d'identifier.

L'application Mushroom peine à identifier un simple shiitake. Image : Kaleigh Rogers/Motherboard

Que se passerait-il si l'appli étiquetait un champignon comme comestible, alors qu'il ne l'était pas ? C'est la principale crainte des mycologues qui critiquent sévèrement ce type d'usage des techniques d'identification d'espèces dans la nature. Or, Google Trends montre que les termes de recherche les plus populaires liés à "l'identification de champignons" sont "comestibles" et "magiques". En d'autres mots, quand les gens veulent collecter des informations sur les champignons, c'est soit parce qu'ils veulent se faire une petite poêlée, soit parce qu'ils vont passer une soirée hautement récréative à mâcher des filaments.

Image : Capture d'écran Google Trends

Sheriff explique que plus son application sera populaire, plus la base de données utilisée par l'IA sera précise et fournie - ce qui évitera les erreurs. De bien belles promesses, mais nous restons sur nos positions : ne mettez jamais dans votre bouche quelque chose dont la nature vous est incertaine.