FYI.

This story is over 5 years old.

Culture

La mort (et la renaissance) de Robert Nelson

«Si les gens s’attendent à retrouver ce que je fais dans mes autres projets, mais en format solo, c’est pas du tout ce qu’ils trouveront.»
Photo Robert Nelson_Crédit Emmanuel Lajoie-Blouin et Gabrielle Laïla Tittley

Il est parfois difficile de sizer Ogden Ridjanovic, alias Robert Nelson, puisqu’il est compliqué de savoir lorsqu’il blague ou pas, tant son sourire reste accroché à ses lèvres, peu importe la situation. Pour ceux qui l’ont connu avec ses projets de groupe, Alaclair Ensemble et Rednext Level, c’est un tout autre Robert Nelson, moins gouailleur et plus introspectif, qu’ils retrouveront sur Nul n’est roé en son royaume, son premier album solo qui sort vendredi chez 7ième Ciel.

Publicité

Tout au long de l’album, les thèmes de la mort et de la renaissance servent de fil narratif. Malgré les sujets sérieux abordés, Nelson parsème tout de même le projet de punchlines marrantes et de ses fameux triolets distinctifs. Le rappeur prouve sur cet album qu’il maîtrise l’art de rendre une chanson rap attrayante et même, à certains moments entraînante, malgré son sujet lourd, comme sur « MA », où il parle des petites déceptions de la vie avec un flow qui file à vive allure, ou sur « Chimie », où il détaille sa difficulté à gérer la mort d’un proche.

On s’est entretenu avec Nelson pour une conversation qui nous a amenés à parler aussi bien des bienfaits de la nature que de son attachement à Robert Nelson en tant que personnage historique.

Salut Robert! J’imagine que si tu sors un album solo, c’est pour faire quelque chose de distinct de tes autres projets; quelle sera la différence la plus choquante, pour les auditeurs?

Robert Nelson:

C’est que c’est pas dans la même veine. Ça demeure du rap, mais c’est pas du tout comme Alaclair ou Rednext, dans la mesure où c’est pas de la musique festive, ou humoristique. Ça peut arriver qu’il y ait un deuxième degré un peu comique, mais c’est surtout un album qui parle de ma vraie vie. Je suis pas dans le personnage que j’utilise souvent dans Alaclair et Rednext. Si les gens s’attendent à retrouver ce que je fais dans mes autres projets mais en format solo, c’est pas du tout ce qu’ils trouveront.

Publicité

Ça faisait longtemps que tu songeais à faire un album solo?
Ouais! Je faisais des trucs solo avant d’embarquer dans Alaclair Ensemble, mais cette époque-là est pas vraiment publique. C’est un peu un retour à mes sources, c’est comme remettre de vieilles pantoufles. J’étais vraiment enchanté par l’idée de faire de la musique en équipe. Mais j’attendais le bon moment. Je suis content d’avoir fait ce move-là, mais avec le bagage que j’ai aujourd’hui.

Qu’est-ce que ça t’a apporté d’écrire les paroles dans le bois, chez toi?
La paix d’esprit et l’espace pour faire tout ça dans le silence. De la guérison, aussi, par rapport à ces thèmes-là. Quand on est en solitude dans le bois de façon prolongée, il y a plein d’affaires qui se passent. On revisite, il y a un côté mélancolique, mais aussi quelque chose qui fait vraiment du bien, au sens d’être en contact avec la vie sous cette forme-là, comme si ça te rappelle que la vie continue peu importe ce qui t’arrive, peu importe ta perception des choses. Cet esprit-là m’a vraiment habité.

Tu parles aussi sur l’album de la vie d’artiste et des inconvénients que ça peut avoir. C’est quoi la partie la plus difficile de ce mode de vie?
Les tournées. Parce que quand on y pense réellement, on est des musiciens, à la base. Ce qu’on fait avant tout, c’est de la musique, pas des spectacles. Mais au bout du compte, notre gagne-pain, c’est pas faire de la musique, c’est faire des spectacles.

Publicité

C’est difficile, dans la mesure où dans une journée de tournée, tu fais un show qui dure une heure, mais le reste de ta journée est passée en déplacements. Ça rend difficile la routine, surtout si tu as une famille. Il y a aussi un aspect répétitif, parce que même si tu te donnes la liberté d’être créatif à chacun de tes shows, au final, t’es toujours en train d’un peu visiter les mêmes affaires. Mais c’est aussi hyper gratifiant, d’aller à la rencontre du public, de rencontrer et apprendre à connaître les gens, de voir la musique prendre vie. Il y a quelque chose là-dedans de très viscéral. C’est un peu le nerf de la guerre.

Qu’est ce que Robert Nelson le rappeur a en commun avec le Robert Nelson historique?
Un côté radical et dilettante! Semi avoir le moyen de ses ambitions, tout en marquant finalement quand même l’histoire.

Pour moi le personnage du Robert Nelson historique est à la fois impressionnant et un peu pathétique, dans le sens où il a fait tellement de trucs nice, mais sa révolution fut un échec flagrant parce qu’elle était un peu impulsive. La deuxième tentative était mieux menée, avec les frères chasseurs, mais on sent un dilettantisme dans le côté révolutionnaire.

Quand on y pense, peut-être que si Papineau avait eu un peu plus de ce dilettantisme en lui, ces affaires auraient fonctionné aussi. C’est pour ça que mon alter ego, quand je rentre dans le personnage vraiment, avec la voix nasillarde et tout, a un côté surconfiant et un peu ridicule que j’aime beaucoup, autant dans le personnage historique que le clown que j’en fais.

Publicité

Tu es d’origine bosniaque; est-ce qu’un côté indépendantiste bosniaque a nourri ton indépendantisme québécois?
Je dirais pas particulièrement, vu que c’est deux situations très différentes. Je dirais plutôt que c’est le fait d’être né ici, de parents bosniaques. Je pense que tout enfant d’immigrants a ce sentiment de ne provenir intégralement d’aucune culture à 100%. C’est pas comme si on me le répétait toute ma vie, mais il y a ce truc où ici je suis le Bosniaque, mais en Bosnie je suis le Québécois.

C’est pour ça que je suis attaché au Bas-Canada et Robert Nelson. Robert Nelson c’est quand même intéressant, parce que quand on y pense, le premier révolutionnaire radical de l’histoire du Québec, c’est un anglophone! Moi, ça, ça m’a vraiment fasciné, et je me suis identifié à ça non pas parce que je suis moi-même anglophone, mais parce que je suis pas Québécois d’origine française catholique francophone. Donc c’est venu un peu légitimer mon sentiment de vouloir exprimer mon unicité.

Pour plus d'articles comme celui-ci, inscrivez-vous à notre infolettre.

Cette idée-là me parle beaucoup, parce qu’elle est inclusive dans son approche de la célébration de l’identité culturelle d’ici, versus le mouvement souverainiste contemporain qui a beaucoup insisté sur la dimension ethnolinguistique de la culture franco-catholique. Et malheureusement, c’est pas un narratif qui convient à toute personne qui est pas franco-catholique. C’est comme si je voulais en même temps célébrer l’identité culturelle et politique unique à ici, mais que les codes que je trouvais étaient insuffisants.

Donc en dehors d’être une blague, je suis assez sérieux. Je me considère réellement plus Bas-Canadien que Québécois.

Crois-tu que Robert Nelson serait fan de ta musique?
Probablement pas! Il comprendrait rien à tout ça, étant un homme du 18e siècle (rires). Mais, si on avait un traducteur culturel très sophistiqué, qui réussirait de lui faire comprendre réellement ce que je fais, je serais super curieux de voir sa réaction. Est-ce qu’il serait surtout insulté? Est ce qu’il aurait voulu qu’on le traite avec plus de gants blancs, versus la joke qu’on en a fait?

Oui, il y a de la dérision, mais j’aurais tendance à dire qu’il aurait de bonnes raisons d’être fier de tout ça. Parce qu’en même temps, le nom de Robert Nelson et le concept du Bas-Canada en tant que république, n’a jamais été aussi connu depuis l’époque des patriotes, que depuis que nous, on fait l’usage de ces symboles-là. Donc mine de rien, c’est bon pour son legacy!

Billy Eff est sur internet ici et .