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« Filmer avec un portable, ça met tout le monde à égalité »

À la rencontre des jeunes lauréats du concours Toi-même tu filmes, organisé par YouTube.
Photo : Ici tout est calme/Youtube

Lancée en 2016, l’initiative “Toi-même tu filmes” a déjà fait pas mal de bruit. Et pour cause, chaque année, elle traverse la France pour y former des jeunes à la production de vidéos courtes et - surtout - de messages positifs visant à lutter contre la haine. Sur l’ensemble des deux éditions, près de 10 000 personnes ont ainsi pu participer aux ateliers proposés par le géant mondial de la vidéo YouTube, échanger sur leur vision de leur époque et apprendre les techniques d’écriture, de réalisation et de montage auprès de professionnels du secteur. À la clé : six prix des billets d’avion pour aller voir le Youtube Space de Los Angeles.

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Cette année, le concours de production vidéo qui conclut chaque édition de “Toi- même tu filmes” portait sur la fraternité. Un thème à la fois actuel et intemporel qui a inspiré la réalisation de plus de 250 vidéos. Le jury, composé de Jamel Debbouze, du créateur Youtube Maxime Musqua, d’Aurélie Chesné,conseillère de programmes au pôle court-métrage de France Télévisions, de Josza Anjembe, réalisatrice et lauréate de la bourse Talents en Court du Comedy Club, ainsi que du duo de rappeur Big Flo & Oli, a dû trancher parmi les 140 courts-métrages de 90 secondes réalisés avec un portable. C’est finalement Ici tout est calme de Sacha Garcia et Ami qualité de Louanne Carmona qui ont remporté le Grand Prix du Jury avec deux productions aussi différentes que le sont leurs créateurs. On leur a d’ailleurs demandé de nous raconter leur histoire.

Le reste du palmarès - meilleur scénario, meilleurs acteurs homme et femme, etc. - est à retrouver par ici .

Photo : Ami Qualité/Youtube

*Louanne Carmdona, 18 ans*

VICE : Salut Louanne, tu es étudiante en 1ère année d'Infocom à Chambéry. pourquoi as-tu décidé de participer au concours “Toi-même tu filmes” ?
Louane : J’ai vu passer ça sur Youtube. J’ai vu que cinq jeunes étaient partis à Los Angeles et ça m’a intrigué. En cliquant, j’ai découvert qu’on pouvait participer au concours et donc j’ai foncé.

J’ai fait un BAC L option cinéma et j’ai une chaîne Youtube ( LouanneManShow :
65.000 abonnés, NDLR) donc les caméras, les vidéos, tout ça, ça me connaît. Mais là, c’était l’occasion de faire quelque chose de plus qualitatif, sur un thème plus sérieux que ce que je fais d’habitude. Ca fait deux ans que je fais des vidéos et d’habitude je fais surtout dans l’humour. Là, le défi était vraiment différent pour moi.

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On sent nettement les influences de la web culture des créateurs Youtube dans la réalisation de ton film. A ton avis, est-ce le meilleur moyen de communiquer avec la jeunesse ?
Carrément ! Les jeunes de ma génération se dirigent beaucoup plus vers internet que vers les médias traditionnels comme la télé ou les journaux. Avec une vidéo comme ça, qui véhicule aussi beaucoup de positivité, c’est vachement plus simple de s’identifier et de s’intéresser.

Et puis on voulait vraiment mettre de l’humour dans tout ça. Pour moi, ça passe par le montage, la post-production et ce genre de choses. Si t’es tout seul face caméra, t’as rien, c’est tout plat. Alors que s’il y a des choses qui “popent” à l’écran, que ça va vite, c’est tout de suite hyper dynamique. Et c’est exactement ce qu’on voulait.

Quelles sont tes influences cinématographiques et vidéos ?
Ça a d’abord été Norman et Natoo sur Youtube. Ensuite, je crois que je dirais Disney, même si ça n’a pas grand-chose à voir. Et puis progressivement, j’ai découvert beaucoup d’autres créateurs comme Casey Neistat. Et bien sûr, je trouve très inspirants tous ceux qui ont su passer de Youtube à la scène ou au cinéma comme Norman ou Pierre Croce.

J’ai vraiment commencé à m’intéresser à tout ça quand j’avais 15 ans, je voyais des youtubeurs faire des vidéos marrantes et je me suis dit pourquoi pas moi. Je me suis lancée à faire des sketchs, c’était assez ridicule mais au moins j’y suis allée. Et puis je me suis passionnée pour ça, j’aime vraiment trop créer des contenus, des vidéos, etc. De toute façon, j’ai toujours été la meuf qui faisait des blagues en classe. Les profs m’adoraient ou me détestaient pour cette même raison, il n’y avait pas de juste milieu.

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Quel est le message que tu as voulu faire passer dans ta vidéo ?
L’idée c’était vraiment montrer que même un thème très sérieux peut être abordé avec humour. On se doutait que tous les autres allaient faire des trucs un peu dramatiques parce que le sujet est grave. Et ben justement, on a voulu prendre le contrepied de ça, parce qu’on a besoin de parler de sujets importants avec plus de positivité.

Penses-tu vraiment que ce genre d’initiative peut changer quelque chose à la haine qui nous entoure ?
Oui, chacun de nous à son échelle peut réduire la haine. Ne serait-ce qu’en arrêtant de faire la gueule le matin et en prenant la vie de manière positive. Souriez à la vie quoi !

Gagner ce concours, ça t’as donné envie de faire de la vidéo ton métier ?
Carrément ! Bon, moi ça fait déjà longtemps que je veux faire ça mais là, avec le concours, c’est vraiment hyper motivant ! On a rencontré plein de gens hyper inspirants et rien que d’aller à Paris, c’était fou pour moi. Alors aller au Youtube Space à LA, j’aurais jamais pu y croire même dans mes rêves les plus fous. Et du coup, ça me renforce encore dans cette volonté de bosser dans la vidéo.

Photo : Ici tout est calme/Youtube

Sacha Garcia, 18 ans

VICE : Salut Sacha, tu es étudiant en 1ère année à l'École Nationale Supérieur d'Art Paris-Cergy. Pourquoi as-tu décidé de participer à ce concours ?
Sacha : C’était vraiment par hasard. Je traînais sur YouTube et je suis tombé sur des spots de pub qui parlaient de ce concours. En parallèle, j’en ai discuté avec ma prof de théâtre d’improvisation qui m’a dit que je devrais m’y inscrire si ça me tentait. Du coup, je me suis lancé. Et puis la période tombait bien, je venais d’avoir mon bac, j’avais du temps libre devant moi.

Mais je crois que ce qui m’a vraiment plu, c’est l’idée de devoir filmer avec un portable, ça met tout le monde à égalité, j’aime bien cette idée. Bon et puis, y a le thème de la fraternité, très lié à l’actu, dont j’avais vraiment envie de parler.

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Ca a été difficile pour toi d’écrire et de réaliser ce film ?
J’avais déjà réalisé quelques courts-métrages pour m’amuser avec des potes mais l’écriture a quand même été difficile. Sur un thème comme ça, on ne voulait pas faire d’erreur, on voulait parler de quelque chose de vrai sans mettre trop de pathos. Du coup, l’écriture, ça nous a pris deux semaines et le reste environ deux jours. On a tout fait sur le portable sans exception mais on a filmé sans vraiment avoir de plan précis.

Qu’est-ce qui t’inspire en réalisation, en cinéma ou en vidéo ?
Pour ce film, j’aurais dû mal à identifier une influence particulière mais globalement je suis très inspiré par la façon de filmer de Terrence Malick. J’aime aussi beaucoup Woody Allen et le cinéma de fiction en général, américain comme français. En France, ce sont plutôt les films dramatiques que les comédies qui m’inspirent. Du côté des réalisateurs, il y a clairement Jacques Audiard et Claude Hazanavicius qui, parmi d’autres, me tiennent vraiment à coeur.

Quel est le message que tu as voulu faire passer dans ta vidéo ?
J’avais envie de faire réagir les gens à ce qui se passe autour de nous, notamment la question des migrants qui nous concerne tous.

Si on en comprend clairement le thème, tu as décidé de ne jamais le nommer dans ton film. Pourquoi ce choix ?
Notre idée, c’était de ne pas tomber dans le trash, surtout parce que le format est très rapide. On a plutôt voulu amener quelque chose de poétique, pour que les gens réagissent autrement à ce sujet dont on entend beaucoup parler d’autres manières.

Gagner ce concours t’as donné envie de continuer à faire des vidéos ? D’en faire ton métier ?
Oui, clairement, c’est quelque chose qui me travaille beaucoup depuis que j’ai gagné le concours. J’ai beau savoir que c’est un milieu très difficile d’accès, de voir tous ces gens bienveillants autour de nous, ça renforce mon envie d’aller vers la réalisation. Pour moi, ça a toujours été comme un rêve, une idée à laquelle je pense depuis que je suis tout petit sans vraiment en avoir conscience. Avant le concours, je me disais juste qu’on verrait bien si ça marcherait. Mais là, c’est devenu un peu différent.

Qu’est-ce que tu as tiré de cette expérience ?
J’ai appris qu’un projet peut naître tout seul mais qu’il ne peut vraiment se développer et aboutir qu’avec des coups de main et l’aide de pas mal de monde. C’est cette importance du collectif et de l’entraide que j’ai vraiment découverte. Et que grâce à ça, peu importe d’où tu viens, tu peux y arriver avec de la volonté.