L'astronaute Edgar Mitchell, la sixième personne à avoir marché sur la Lune, était un type plutôt grande gueule qui n'avait pas l'habitude de garder ses opinions pour lui. Sa virulence vis-à-vis des hommes politiques de son temps a d'ailleurs contribué à lui forger une réputation d'astronaute turbulent.« Depuis la Lune, la politique internationale semble ridicule, insignifiante, » explique Mitchell (qui est décédé l'an dernier à l'âge de 85 ans) lors d'un entretien où il a raconté son expérience dans l'espace. « Ça donne envie de saisir un homme politique par la peau du cou, de le traîner à 400 000 km de là et de lui dire : Regarde ça, fils de pute. »Les hommes et les femmes du Réseau d'agence spatiales autonomes (ASAN - c'est-à-dire « NASA » à l'envers), une petite communauté spatiale éparpillée de par le monde qui fait la promotion de missions spatiales locales, indépendantes et DIY, ont décidé de réutiliser les mots irrévérencieux de Mitchell dans le contexte du monde de 2017.Mercredi, l'ASAN a donc organisé ce qu'elle a baptisé « la première manif spatiale » afin de protester contre les agissements du président Trump. Un bien bel exemple de dissidence suborbitale.L'équipe d'ASAN a imprimé un tweet géant depuis son compte Twitter, mentionnant le compte officiel du président, @realDonaldTrump, qu'il gère lui-même une partie du temps. On peut ainsi lire un magnifique « REGARDE-ÇA, FILS DE PUTE ! » écrit en majuscules, la mise en forme préférée de Trump. Le tweet a été accroché à un ballon météo flottant à une altitude de 90 000 pieds. Il n'est pas donc exactement situé dans l'espace, mais juste au-dessus de ligne de Kármán, à 100 km au-dessus de la surface de la Terre. « Manif quasi-spatiale » serait donc un terme plus approprié.Pourquoi Trump est-il la seule et unique cible de cette manifestation ? On imagine que l'ASAN fait ici référence à l'indifférence du président américain vis-à-vis de l'avenir de notre planète. Depuis qu'il a pris ses fonctions, Trump a résolu de sabrer le programme de sciences de la Terre de la NASA, encouragé une attitude climato-sceptique au sein même de la Maison Blanche, et affiché ouvertement son hostilité pour les organismes fédéraux chargés de préserver les normes environnementales aux États-Unis, garantissant aux Américains l'accès à un air pur, à une eau propre et à des espaces verts.En bref, Trump aurait sans doute besoin d'une bonne dose d'overview effect, cette prise de conscience brutale de la vulnérabilité et de la beauté de la Terre dont font l'expérience les astronautes qui observent notre planète depuis l'orbite basse terrestre. Ce tweet flottant est certes symbolique, mais tous les moyens sont bons pour tenter de rappeler le président américain à la triste réalité.
Publicité