Le ballon dirigeable a-t-il encore un avenir ?
Image : Jim O'Connell/Flickr

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Le ballon dirigeable a-t-il encore un avenir ?

Quatre-vingts ans après le crash spectaculaire du Hindenburg, le dirigeable serait sur le point de s’offrir une seconde jeunesse. C’est du moins l’avis de quelques industriels.

Et si l'avenir du transport était le ballon dirigeable ? Certes, dans l'imaginaire collectif, cet engin est associé à l'univers steampunk, aux mondes fictifs rétrofuturistes peuplés de machines à vapeur extravagantes, de véhicules caparaçonnés de cuivre et de laiton, d'immeubles gigantesques enchevêtrés de pistons et de tuyaux multicolores. Mais le zeppelin évoque aussi des images plus dramatiques, comme celle du Hindenburg s'embrasant dans le ciel de New Jersey.

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Au mieux ringard, au pire dangereux, le dirigeable pourrait avoir meilleure presse. Pourtant, Philippe Boissat, président de 3i3s, organisation à but non lucratif consacrée à l'univers aéronautique et spatial, en est convaincu : le dirigeable aura bientôt de nouveau le vent en poupe. Selon lui, ce mode de transport possède de nombreux atouts, susceptibles de le propulser de nouveau sur le devant de la scène. « La consommation énergétique, très faible, l'absence de nuisance sonore, les coûts de maintenance, bien moins élevés que pour l'hélicoptère ou l'avion, la charge qu'il peut transporter (jusqu'à soixante tonnes, pour certains modèles)… En outre, le dirigeable ne requiert aucune infrastructure particulière : il peut aller n'importe où, là où d'autres ne peuvent pas accéder. » explique Philippe Boissat.

Crédit : Thales Alenia Space/Master Image Programmes

Il est convaincu que, depuis le crash du Hindenburg, en 1937, qui marqua la fin de l'âge d'or du dirigeable, nous avons fait suffisamment de progrès pour qu'il constitue aujourd'hui un mode de transport sûr, capable d'exprimer tout son potentiel. « Technologiquement, nous avons fait des progrès extraordinaires sur trois axes : notre maîtrise des gaz (hélium, hydrogène), nos prévisions météorologiques, qui sont de plus en plus précises, et enfin la puissance des moteurs et la maîtrise de l'énergie électrique. » Historiquement, le dirigeable a souffert du potentiel inflammable de l'hydrogène - qui rendait les accidents à la fois probables et potentiellement dramatiques - de sa vulnérabilité en cas de conditions climatiques défavorables, et de sa faible vitesse. Aujourd'hui, l'utilisation de l'hélium plutôt que de l'hydrogène, les meilleures prédictions météorologiques assorties à des matériaux plus résistants et l'usage de techniques de propulsion hybrides permettent de pallier ces défauts constitutifs.

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Crédit : Lockheed Martin

Les habits neufs du dirigeable

Si le dirigeable revient un jour, ce serait sous une forme différente de celle que nous avons connue par le passé. Ainsi, l'entreprise britannique Hybrid Air Vehicle a mis au point un dirigeable embarquant des technologies de pointe, le Airlander 10. Explications de Philippa Murrey, chargée de communication de l'entreprise : « Le Airlander combine la technologie du dirigeable avec les meilleures composantes de l'avion et de l'hélicoptère. Il est ainsi moins bruyant, moins polluant, possède une empreinte carbone plus faible, une meilleure endurance et une meilleure capacité de portage que n'importe quel autre véhicule volant. Il peut atterrir sur n'importe quelle surface plate, y compris sur l'eau. » affirme-t-elle. Ce zeppelin-là est ainsi plus robuste et plus rapide que ses ancêtres. « L'usage de carbone composite dans la construction le rend plus résistant aux hasards météorologiques : l'appareil est ainsi capable d'encaisser la foudre. En outre, les technologies GPS modernes nous permettent de repérer les orages et de les éviter. Contrairement aux dirigeables traditionnels, il est enfin capable de voler jusqu'à quatre-vingts noeuds sous un vent violent. » Cela grâce à la combinaison de l'hélium et de techniques de propulsion moteur. L'entreprise étudie également l'usage de l'énergie photovoltaïque pour obtenir un appareil encore plus écologique.

Crédit : Hybrid Air Vehicle

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Admettons que le dirigeable soit désormais plus sûr que par le passé, soit. Mais quel usage en ferions-nous ? Selon ses défenseurs, les possibilités sont innombrables. Le dirigeable peut d'abord servir de plateforme de communication et d'observation. L'entreprise Thalès a ainsi conçu le Stratobus, un dirigeable chargé de différentes missions de surveillance : des frontières, des sites critiques (centrales nucléaires, plateformes pétrolières) et des risques environnementaux (feux de forêts, érosion des plages, marées noires, pollution atmosphérique…) mais aussi de plateforme Wi-Fi et 5G. Le dirigeable est également un formidable outil de transport de marchandises, puisqu'il peut déplacer des charges conséquentes, comme le mentionne Philippe Boissat. Il est également capable de transporter des personnes, comme dans nos rêves les plus fous : il peut servir de véhicule d'agrément, permettant aux voyageurs de survoler des sites touristiques à basse altitude et sans nuisances sonores pour les habitants. Durant l'été 2013, l'entreprise Airship Paris a ainsi proposé aux touristes de découvrir les joyaux de l'Hexagone depuis les airs, à bord de l'un de ses dirigeables. La société chinoise KuangChi Science, de son côté, développe un dirigeable conçu pour permettre aux passagers d'observer la Voie lactée lors de vols nocturnes.

Une alternative à l'horizon

Selon Philippe Boissat, le dirigeable pourrait même proposer une alternative viable aux autres modes de transport. « Si l'on prend en compte le temps de voyage utile, le dirigeable s'impose comme une excellente option. Ainsi, un trajet en ballon prendrait le même temps qu'un trajet en voiture, sauf que dans le premier cas, on peut utiliser le temps de trajet pour travailler, lire ou se reposer, on arrive à destination plus frais et dispo, et la sécurité est bien plus grande. De même, si l'avion est un mode de transport très efficace pour relier rapidement un point A à un point B, le temps consacré à l'embarquement, à la descente et aux contrôles est démesuré. En outre, le temps passé dans l'avion ne constitue pas non plus du temps utile, contrairement à celui passé dans le dirigeable, plus spacieux et confortable. L'absence de nuisance sonore et les maigres infrastructures nécessaires à son fonctionnement permettraient également de faire atterrir le dirigeable près des centre-villes, et donc de perdre moins de temps pour rejoindre et quitter l'aérodrome. » Le fait qu'il ne nécessite quasiment aucune infrastructure en fait également un moyen de transport intéressant pour les régions les plus défavorisées n'ayant pas les moyens d'investir massivement dans le financement d'un aéroport.

Enfin, le dirigeable pourrait également servir pour des missions de secourisme : « Actuellement, de nombreux migrants se noient en Méditerranée. Nous ne sommes pas en mesure de les sauver car les bateaux sont peu adaptés : soit ils sont suffisamment rapides, mais trop petits pour embarquer tous les survivants une fois arrivés sur les lieux, soit ils disposent d'une capacité d'embarquement suffisante mais sont alors trop lents pour arriver à temps. De même, les hélicoptères ne sont pas assez spacieux et ont un rayon d'action trop faible. Le dirigeable constituerait une excellente solution. Tout comme pour les secours en haute montagne. » détaille Philippe Boissat.

Crédit : Hybrid Air Vehicle

Malgré ces nombreuses qualités, quelques problèmes s'opposent toujours à l'adoption du dirigeable. Bien que plus résistant que ses ancêtres, il demeure tributaire des conditions météorologiques : la société Airship Paris a ainsi, en 2013, dû annuler plusieurs vols pour cause de conditions météorologiques défavorables. En outre, s'il est plus sûr que l'hydrogène, l'hélium a pour inconvénient d'être une ressource non renouvelable. Un problème qui n'en est pas vraiment un, pour Philippa Meyer : « Contrairement à une idée reçue, nous disposons de réserves d'hélium pour au moins 300 ans, sans compter que l'on tombe sans cesse sur de nouveaux gisements, dont une réserve de 54 milliards de mètres cubes récemment découverte en Tanzanie. » Selon Philippe Boissat, le principal obstacle à l'adoption massive du dirigeable serait donc l'image qu'il occupe toujours dans l'imaginaire collectif, assorti au manque de régulations en place. Il est néanmoins convaincu que les choses sont en train de changer : « De nombreuses entreprises commencent à se positionner sur ce créneau : Atlantic Air Industries, Hybrid Air Vehicle, Lockheed Martin, LTA Aérostructure. Le zeppelin reste aujourd'hui un moyen de transport dangereux dans l'imaginaire collectif, mais les choses peuvent changer très vite : qui aurait pensé que l'adoption des drones puisse se faire aussi rapidement ? Certains ont ri quand Elon Musk a lancé SpaceX… peut-être l'industrie du dirigeable attend-elle son milliardaire pour décoller ? »