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La musique de No Man’s Sky est aussi innovante que le jeu lui-même

Pour composer la bande-son de l’univers virtuel le plus gigantesque jamais créé, les types de 65Daysofstatic ont appliqué la même méthode que les développeurs de No Man’s Sky : la génération procédurale.
Image : Hello Games

Pour composer la bande-son de l'univers virtuel le plus gigantesque jamais créé, les types de 65Daysofstatic ont appliqué la même méthode que les développeurs de No Man's Sky : la génération procédurale, qui permet de créér des morceaux uniques et éphémères pour chaque joueur.

Qu'est-ce qui fait une bonne musique de jeu vidéo ? Une liste de sons commerciaux balancés les uns après les autres avec la subtilité d'une moissonneuse-batteuse pour habiller des temps de chargement interminables, comme nous y a habitué (avec un certain nez, il faut bien le dire) EA Sports au fil de ses FIFA ? Non. La musique d'un jeu vidéo doit faire partie intégrante de l'expérience de gameplay, entrer en résonance avec le récit, contribuer à dessiner les différents personnages et marquer le rythme des péripéties.

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Fermez les yeux et rappelez-vous Tomb Raider—le premier—celui avec les gros pixels dégueulasses : la musique d'ambiance était à l'unisson avec l'apparition des ennemis, surgissant des enceintes sans prévenir comme dans un film de M.Night Shyamalan, vous indiquant un changement de chapitre, la proximité d'une énigme à résoudre ou, le plus souvent, l'imminence d'une rencontre avec un prédateur. Résultat : à la moindre note, le joueur mouillait sa couche, dégainait sa paire de flingues et se mettait à tourner fébrilement sur lui-même pour anticiper l'attaque en se mordillant la lèvre d'appréhension. On pourrait aussi citer, pour garnir le Hall of Fame des meilleures bandes-son de jeux vidéo, les ambiances sonores glaçantes de Silent Hill ou de Resident Evil, le thème épileptique de Super Mario ou les envolées stratosphériques des Final Fantasy.

Sans une musique spécifique, composée avec amour et dévotion, le jeu vidéo ne serait pas l'expérience audiovisuelle complète qui fait son succès. Et quand le groupe de noise rock britannique 65Daysofstatic (65DOS), « connu » pour ses morceaux de gloire instrumentaux, s'est retrouvé en charge de la bande-originale de No Man's Sky, ses membres ont probablement connu ce moment de panique vertigineux durant lequel on se demande comment on va réussir à boucler le boulot.

Image : Hello Games

Une approche algorithmique de la composition musicale

À moins que vous ne sortiez tout juste de trois ans de vacances dans une grotte auvergnate IRL, vous savez probablement que No Man's Sky n'est pas simplement un jeu vidéo. No Man's Sky est une promesse, immense, qui déploie lentement son incommensurable envergure sur le monde du jeu vidéo depuis ses premières présentations en 2013 : celle d'un univers créé par génération procédurale, qui permet au joueur d'explorer 2 puissance 64—ou 18 quintillions, si vous préférez—de planètes, chacune dotée d'une faune, d'une flore et d'un climat unique.

La sortie du jeu, le 10 août dernier, a changé la définition même de ce qu'est un univers virtuel, en lui attribuant désormais l'épithète « infini ». Et la bande-son est à la hauteur de la prouesse technique. Pourquoi ? Parce que les types de 65DOS se sont mis au niveau des développeurs, en inventant eux aussi une manière entièrement nouvelle de créer. Si la bande originale du jeu a bien été déclinée en album, Music for an Infinite Universe, sorti le 5 août chez Concord Jazz, vous n'entendrez jamais un seul de ses titres pendant vos missions d'exploration interplanétaires : dans No Man's Sky, chaque morceau est généré de manière aléatoire, spécifique à chaque joueur, unique et mouvant, en adéquation permanente avec votre comportement de jeu. Et ce que vous entendrez en orbite dans le cockpit de votre vaisseau n'aura rien à voir avec le son qui accompagnera vos balades en scaphandre sur un sol inconnu (et souvent hostile).

Si l'approche algorithmique est loin d'être inédite dans le monde de la musique (les ordinateurs se prennent pour Mozart depuis plusieurs décennies), le chemin emprunté par 65DOS pour donner corps à l'univers est assurément novateur. Car lorsque Sean Murray, l'un des pères fondateurs de No Man's Sky, a proposé au groupe de gérer la bande-son de son titre, il n'a été question ni d'algorithme ni de génération procédurale : tout ce que le groupe devait faire, c'était composer un album, point. Une fois la galette prête, les développeurs se chargeraient d'atomiser les titres et de les donner en pâture à l'algorithme.

Ce que les types de Hello Games ne savaient pas, c'est que 65DOS est un groupe de gros nerds. Qui ont décidé de construire eux-mêmes un nouveau logiciel de composition musicale à mi-chemin entre Ableton Live et le moteur de jeu vidéo Unity, qui leur a permis de coder et d'ajouter des applications de leur cru. Le but : créer un clone simplifié des algorithmes de génération procédurale du jeu, pour faire émerger une « musique procédurale » en adéquation avec la structure de l'univers virtuel. La chimère, baptisée Pulse, est décrite par Paul Wolinski, frontman de 65DOS, comme « un lecteur audio amélioré », qui « arrange simplement différents trucs. Mais nous avons lentement recréé la logique qui génère des règles pour parvenir à une approximation de ce qui, en théorie, se passerait dans le jeu. » Le tout sans jamais y jouer plus de quelques heures, 65DOS n'ayant pour tout matériau que les screenshots dévoilés par Hello Games au grand public.

Une fois l'algorithme créé et l'album terminé, le groupe a décomposé ce dernier en différentes boucles liées entre elles via des passerelles mélodiques, que le logiciel utilise pour transiter d'une boucle à l'autre tout en finesse. Résultat : une bande-son organique, viscérale, un assemblage fluide de textures dont les mutations semblent contrôlées par une logique invisible et supérieure. Grâce à 65DOS et Hello Games, No Man's Sky s'est doté d'un golem sonore, à la croisée de l'art et de la technologie. Il fallait bien ça pour habiller l'infini.