Comment j'ai perdu la foi en Nintendo

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Comment j'ai perdu la foi en Nintendo

Ok, la Switch a l'air sympa. Mais comment, en 2017, peut-on encore attendre quelque chose de Nintendo ?

J'ai grandi comme peu d'enfants citadins pourraient le faire aujourd'hui : sans jeux vidéo chez moi. On était dans les années 80 et j'avais beau quémander à chaque Noël et à chaque anniversaire un Amstrad, un Atari, un Commodore ou un Amiga, ma mère était formelle : je devrais me contenter du Puckman que mon père m'avait rapporté du Japon. Cool à une époque, mais clairement obsolète alors que tous mes potes commençaient à jouer sur leur télé. Une frustration qui a fini par pouvoir s'épancher quand mon cousin, de 7 ans mon cadet et chez qui je passais mes mardis soirs et mes week-ends, s'est fait offrir une NES.

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De fait, bien au-delà de toutes formes de PC, pour moi, les jeux vidéo ont longtemps été synonymes de cartouches et de manettes. Surtout, en étant la première console à laquelle j'avais eu facilement accès, la NES - et Nintendo par extension - s'était assurée de conserver une place très particulière dans mon cœur.

J'ai préféré la Master System quand mon cousin a fini par s'en faire offrir une, mais la Mega Drive n'a jamais été à la hauteur de la Super NES à mes yeux, et quand la Playstation est sortie dans les années 90, je l'ai snobée sans scrupule. Pas de cartouche ? De la 3D ? Nique-toi, Sony ! J'ai attendu la Nintendo 64 pour me mettre à la 3D, et malgré la chute déjà entamée par Nintendo face à la concurrence qui laisserait Sega sur le tapis, je restais loyal, jusqu'à l'aveuglement, envers la marque qui m'avait offert mes premiers émois vidéoludiques. Bien que laissé un peu sur ma faim par la 64, j'avais adoré la Game Cube avant de la laisser lentement tomber au profit de la PS2 et de la Xbox.

Oui. Début 2000, le vent avait commencé à souffler dans mon salon. Mario commençait à ne plus trop m'exciter, et je considérais que Zelda ne pourrait jamais faire mieux que Wind Waker. Twilight Princess était dégueulasse et largement en deçà d'Okami, et le motion gaming de la Wii m'a rapidement découragé. Malgré quelques bons titres – Madworld, No More Heroes, Tatsunoko vs Capcom, j'en passe… - l'absence de HD et l'éternel retour de titres fatigués avaient fini par me lasser.

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Les années passant, en 2016, Nintendo restait dans mon cœur, mais plus dans mes mains. Fétichiste de la Game Boy, supporter de la DS, je n'ai allumé ma 3DS l'année dernière que pour le boulot, et malgré quelques bons jeux à sa sortie, ma Wii U a connu à peu près le même sort. Toute l'année dernière, la vue de la console m'a déprimé, son écran pourri m'a fait pester et à part pour tester quelques jeux, la console ne servait plus qu'à jouer à Minecraft à mon fils et ses potes. Et à m'offrir un constat de gâchis consternant. Mario Kart 8 est le dernier jeu auquel je me suis donné à fond. Splatoon est pourtant un super jeu. Xenoblade Chronicles, un jeu majestueux. Super Mario Maker une vraie proposition réussie. Mais mon amertume m'a poussé à y jouer 5 heures tout au plus. Une bien triste déchéance pour le fabricant que j'ai été l'un des derniers à défendre parmi mes divers contacts professionnels. L'année dernière, un truc était parfaitement limpide, et j'étais bien triste de le constater : j'avais fait mon deuil de Nintendo, et aucune annonce n'arrivait à raviver la flamme qui m'avait longtemps animé. Pire. Je commençais à les mépriser activement, probablement dégouté de les voir s'enliser dans un néant à la hauteur de Miitomo. Je ne supporte pas les Mii, putain… même quand ils parlent.

Le bon esprit porté en étendard par la marque et les pitreries de Shigeru Miyamoto ne m'amusaient plus. J'avais peut-être vieilli, mais Nintendo n'avait plus l'étincelle nécessaire pour piétiner les annonces et les sorties burnées de la concurrence.

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Puis la Switch a été annoncée. Si les 20 minutes que j'avais passées sur Breath of the Wild sur Wii U l'été dernier m'avaient laissé un goût agréable, l'annonce d'une nouvelle console, doublée d'un nouveau concept, ne m'avait pas ému plus que ça, malgré l'excitation générale qu'elle avait suscitée, surtout chez mon beau-frère, qui, lui, n'a jamais baissé les bras. Bon gars, il a bien essayé de me communiquer son enthousiasme et son impatience de pouvoir poser la main sur la console hybride de Nintendo, mais je ne voyais que du noir. Une autonomie de chiotte, des jeux sans intérêt, des manettes fatigantes et un concept mort-né. Une approche pour le moins blasée confirmée à la fin de l'année par la sortie de Super Mario Run sur téléphone portable. Intérêt : néant. Si la Switch devait s'avérer aussi définitive que l'arrivée de Mario sur iPhone, j'envisageais le destin de la console de manière aussi brillante que celui qui avait fini par toucher ma Wii, ma Wii U et ma 3DS… sous la poussière et la crasse laissée par les doigts des enfants qui étaient les seuls à s'amuser encore devant Splatoon, Mario Kart et consorts.

Hier matin cependant, à 6h48, je suis tombé sur l'annonce de Super Mario Odyssey… et j'ai versé une larme. C'était peut-être l'effet du réveil précoce. Qu'est-ce qui m'a ému dans ces 2 minutes ? Le sentiment, peut-être, que Nintendo avait encore des envies. Des idées de gameplay, je ne sais pas, mais des envies. Je n'aurais jamais imaginé voir Mario courir entre les gens et les bagnoles dans un environnement urbain. Ça m'a fait un choc. Et je n'ai eu qu'une envie : jouer à ce putain de jeu. Faire courir Mario dans New York dans ce qui ressemble à un open world…

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Et l'annonce d'Arms m'a fait dresser un sourcil. Si Nintendo arrivait à insuffler un peu de la folie de Splatoon au VS Fighting, mes doigts recommenceraient peut-être à gigoter sur des manettes ridicules. Coup de bol, j'allais pouvoir les poser sur le jeu l'après-midi même. Sur le jeu, et sur la console tant attendue. Ses manettes, et son écran.

Quand je suis arrivé à la présentation de la console au Grand Palais, l'assemblée était principalement affairée sur Zelda, Splatoon 2 et Mario Kart, qui permettaient pour les deux derniers de jouer à la Switch en mode nomade. Arms, lui, était plutôt déserté et possédait une borne libre. J'y suis allé. Première impression plutôt positive : en termes purement cosmétiques, la Switch est mignonne, et ses petits sticks sont agréables en main. Ils ont des boutons dans tous les sens, la majorité étant parfaitement inutiles pour jouer à Arms, qui comme je l'imaginais, est un VS Fighting made in Nintendo. Un design pas trop moche – contrairement à Splatoon – et un gameplay jamais vu. Imaginez un combat au lance-roquette dans une arène où les roquettes seraient remplacées par vos poings montés sur ressort. Je me suis pris au jeu et je me suis imaginé jouer dessus quelque temps pour peu que le contenu suive, mais ça ne m'étonnerait pas que Nintendo offre à Arms le même destin que Splatoon, c'est à dire, du contenu régulier et gratos.

Je me suis dit ok. Le problème, c'est que j'avais déjà joué à à peu près tous les autres jeux présentés. Les mini-jeux de la démo technique 1-2-Switch sont complètement cons, avec une palme spéciale pour le jeu de traite de vaches qui demande au joueur de branler une longue bite invisible pour faire gicler le pis affiché à l'écran. Evidemment, le jeu le plus spectaculaire de la journée, d'autant qu'il était présenté par une hôtesse très mignonne. Outre son aspect technique– ses putains de 32 gigas ridicules, ses accessoires hors de prix et son autonomie – qui devra se frotter aux affres du quotidien, Nintendo a fabriqué une jolie machine qui va permettre aux fans de Mario Kart de renouveler un peu leurs réunions hebdomadaires dans un bar de Châtelet.

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Mais évidemment, c'est autre chose qui se joue pour Nintendo, qui doit continuer d'imposer sa patte unique - largement érodée - sur l'industrie avec sa nouvelle console. La Switch servira-t-elle d'exemple aux constructeurs comme la Wii l'avait fait en son temps ? Et la NES et la Super NES au leur ? J'estime qu'il y a peu de chances…

J'ai beau avoir été charmé par la machine, je me suis demandé comment, en 2017, on pouvait encore attendre quelque chose de Nintendo ? Qui plus est, avec une machine proposée à 330 € à sa sortie avec 2 jeux day one – dont une démo technique… Qui serait prêt à payer un abonnement mensuel pour jouer à Splatoon et Mario Kart en ligne à part les fans hardcore de la marque ?

J'ai toujours méprisé la course à la puissance, la question ne se pose donc pas à ce niveau. Que la Switch soit moins puissante qu'une autre, aujourd'hui, ça importe exclusivement à une frange de joueurs demeurés. En revanche, la présence de jeux intéressants, stimulants, mémorables au point de marquer une vie de joueur ? Voilà ce que j'attendrais de Nintendo. Le catalogue annoncé de la Switch est pour le moment composé de redites, de reprises, de résurrections incohérentes – qui veut encore jouer à Ultra Street Fighter II sur une nouvelle console ? C'est super de pouvoir jouer à un nouveau Bomberman, sauf qu'aujourd'hui, TowerFall Ascension a pris la relève. Arms a bien l'air cool, mais est-ce que je me vois mourir avec comme ça pourrait être le cas avec Titanfall ? Non. Breath of the Wild est magnifique, mais est-ce qu'il va me marquer autant que Skyrim ou un autre Zelda ? Non, parce que j'y ai déjà joué.

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Aujourd'hui, j'aimerais qu'on m'enterre avec ma PS4 pour pouvoir continuer de jouer à Thumper ou Titanfall 2 après ma mort, et si j'ai appris à aimer la Playstation – alors que c'était très mal barré – j'aimerais que Nintendo me redonne foi en eux. J'aimerais pouvoir les défendre à corps et à cri comme à l'époque où mes connards de potes avaient commencé à ne jurer que par la PS1 parce qu'elle permettait de jouer à Resident Evil et Final Fantasy VII. J'aimerais pouvoir défendre leur nouvelle console avec passion. Mais l'annonce de la Switch et sa présentation ne m'ont pas fait assez d'effet pour effacer l'ennui que m'a inspiré Nintendo ces dernières années.

Si j'étais un gamin de 15 ans assez attardé ou engagé pour ne pas vouloir m'adonner à la violence salvatrice d'un FPS guerrier, ou trop branleur pour plonger dans un MOBA, j'aurais tué père et mère pour avoir une Switch. La console est cool, elle permet de jouer facilement avec ses potes, on peut la transporter partout, mes parents me paieraient l'abonnement pour jouer en ligne, je serais au paradis. Mais aujourd'hui, j'ai un peu peur qu'un seul truc puisse sauver la console : que Nintendo lui offre un portage de League of Legends ou arrive à sortir une IP aussi addictive et marquante. Ras le cul de Mario Kart et Zelda, même si la plateforme permet de les redécouvrir. Et aussi cool qu'ait l'air Arms, je ne le vois pas trop marquer d'autres consciences que la mienne et celle de mon pote Etienne.

Je comprends le désir du constructeur de se tenir à son héritage en faisant différemment des autres. Mais aujourd'hui, le conservatisme ultra japonais inhérent à Nintendo – qui leur permet aussi d'insuffler le meilleur esprit du monde à leurs jeux et leurs machines, aussi boiteuses soient-elles – a permis aux autres d'inverser la vapeur. L'esprit Megadrive a gagné. Others do what Nintendon't.

Les autres fabricants font des consoles lambda, mais arrivent à les étoffer d'un catalogue tellement vaste et varié que les plus sombres merdes arrivent à y côtoyer des bijoux. Enfin… Sony y arrive en tout cas. Peut-être est-ce l'époque qui veut ça, mais les bons concepts de Nintendo ne suffisent plus aujourd'hui à stimuler un imaginaire régi par la puissance d'un processeur. Je sais en tout cas qu'ils auront besoin de plus qu'une jolie console pour me faire dire aujourd'hui, comme à une époque, que Nintencan what others can't. Je n'attends pourtant que ça.