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Grâce à une ONG, les jeunes nigérianes envisagent une carrière scientifique

Dans un pays où la pression familiale et la guerre peuvent détourner les jeunes filles de l’école, les clubs de sciences parascolaires ont un rôle à jouer.
Image: Stella Uzochukwu/Odyssey Educational Foundation

Après avoir travaillé comme ingénieur pendant neuf ans, Stella Uzochukwu a quitté un poste bien rémunéré dans une entreprise de télécommunications nigérienne afin de créer un club de sciences pour les jeunes filles. Son but était d'atténuer, à sa petite échelle, les conséquences des problèmes de sécurité et d'inégalités hommes/femmes au Nigéria.

« Les inégalités entre les sexes sont criantes dans le domaine des sciences et technologies au Nigéria, » explique Uzochukwu, qui a fondé l'ONG Odyssey Educational Foundation.

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Selon elles, ces inégalités sont un symptôme de graves problèmes sociaux dans le pays. « Au Nigéria, certaines familles veulent marier leurs filles à 13 ou 14, et d'autres ne les envoient même pas à l'école, » explique-t-elle.

Selon Uzochukwu, certains parents perçoivent les filles comme des travailleuses avant tout, qui pourraient les aider à vendre leurs marchandises. Parfois même, elles constituent un investissement à part entière. « Les filles sont une sorte de monnaie d'échange. Si elles sont mariées suffisamment tôt, elles seront à la charge de leur belle-famille tandis que leur famille d'origine fera des économies, » ajoute-t-elle.

Un cours de programmation dans l'une des écoles partenaires de la Odyssey Educational Foundation. Image: Stella Uzochukwu/Odyssey Educational Foundation

Outre la pressions sociale et familiale exercée sur les filles, depuis que l'organisation islamiste Boko Haram a lancé une insurrection au Nigéria en 2009, des rapports ont fait état de la destruction d'écoles, de meurtres de masse, et de l'enlèvement de 276 jeunes filles le 14 avril 2014 à Chibok, au nord-est du pays. Ces événements ont dissuadé les investisseurs de s'intéresser au pays, et Uzochukwu a bien du mal à convaincre les ONG ou les institutions qui pourraient la soutenir, comme l'UNICEF ou l'Ambassade américaine, de s'associer à son travail.

« Même pour envoyer une simple lettre, il faut passer par plusieurs barrières de sécurité, aller dans tel ou tel bureau, passer par telle ou telle personne. C'est un véritable enfer bureaucratique, et parfois, il est impossible de s'en sortir, » explique-t-elle.

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En dépit de ces contraintes, Uzochukwu a créé en 2013 l'Odyssey Educational Foundation basée à Abuja, la capitale du Nigéria. L'ONG doit se contenter d'un budget très restreint pour mener sa mission, à savoir apprendre aux enfants, et en particulier aux filles, les bases d'un enseignement scientifique et technique afin de leur offrir l'opportunité de développer leurs connaissances et leurs capacités. Uzochukwu a eu cette idée lorsqu'elle a quitté son travail dans les télécommunications pour étudier en Inde.

« En suivant mon master de management en Inde, j'ai pu voir à quel point les cours parascolaires pouvaient développer les compétences pratiques des enfants en ingénierie et en informatique. Ils savent construire des robots, par exemple, » explique Uzochukwu. « Au Nigéria, il n'y a rien de tout cela. La plupart des élèves se contentent d'apprendre leurs cours dans les livres afin de réussir un examen. Je voulais changer ce système. »

Un groupe de filles préparant la présentation orale de leur projet. Image: Stella Uzochukwu/Odyssey Educational Foundation

Depuis 2013, 500 filles ont assisté aux cours de l'ONG. Même si le gouvernement nigérien encourage l'éducation et l'autonomisation des femmes, les rapports (ainsi qu'Uzochukwu elle-même) affirment que l'accès à l'éducation, à la représentation politique et au pouvoir économique est largement inégalitaire entre les sexes.

Le Nigéria possède un programme national visant à combattre les pratiques discriminatoires à l'encontre des femmes, mais le problème possède de profondes racines culturelles, traditionnelles et religieuses. Même si 53% des filles en moyenne suivront au moins l'enseignement secondaire, ce pourcentage s'effondre dans certaines régions. L'État de Borno, où les enlèvements ont eu lieu, voit seulement 29% des filles aller à l'école. Le pays compte pourtant une riche histoire politique où les femmes tiennent un rôle important. Hélas, cinq mois après l'établissement du gouvernement actuel, on ne compte que 16% de femmes ministres.

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« C'est un rude combat, mais lorsque vous éduquez une fille, vous éduquez une nation entière. »

Dans le but de donner du pouvoir aux femmes et de changer progressivement les mentalités, Uzochukwu et les 15 membres de son équipe se déplacent régulièrement dans les zones rurales autour d'Abuja afin de parler aux femmes. Leur but est de les convaincre d'envoyer leurs enfants à l'école plutôt que de les pousser à travailler très tôt dans les petites entreprises familiales.

En dépit de toutes les difficultés que doivent affronter les femmes aux Nigéria, Uzochukwu a eu la chance dans la vie : sa famille l'a encouragée à faire des sciences, et elle voulait être ingénieur depuis sa plus tendre enfance.

« Comme j'aimais jouer avec les composants électroniques que je trouvais dans la maison et réparer toutes sortes de choses, j'ai su très tôt que je voulais faire des études scientifiques et techniques », explique Uzochukwu. Même si elle était la seule femme du cursus d'ingénieur de l'Université d'Ilorin, Uzochukwu était convaincue que « ce qu'un homme peut faire, une femme peut le faire aussi. » Elle a alors travaillé dans le génie électrique, participant à toutes sortes de travaux électriques alors qu'elle était encore étudiante.

Uzochukwu au travail en compagnie de ses élèves. Image: Stella Uzochukwu/Odyssey Educational Foundation

Il sera nécessaire de trouver des ressources et des professeurs pour aider les enfants à se constituer un réseau social pour l'avenir. C'est parfois difficile de convaincre de potentiels mentors d'allouer un peu de temps libre à cette activité sans contrepartie financière.

« Si je suis une femme, que je viens dans une classe, que j'annonce que je suis ingénieur et que je gagne tant par mois, et bien les élèves peuvent se dire 'oh, c'est normal qu'il y ait des femmes ingénieurs, et moi aussi je peux le faire' » explique Uzochukwu.

Malgré les difficultés, Uzochukwu est bien déterminée à développer son activité.

« Une fois qu'elles ont suivi nos cours, les filles envisagent leur futur différemment. Maintenant, une grande partie d'entre elles veulent devenir scientifiques, alors qu'il n'y a pas si longtemps cela leur paraissait évident de retourner vivre à la maison après avoir terminé l'enseignement secondaire. Enfin, elle se mariaient, » ajoute-t-elle. « C'est un rude combat, mais lorsque vous éduquez une fille, vous éduquez une nation entière. »