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Toutes les photos sont de Gauthier Digoutte.
Culture

Chez les derniers païens du Pakistan, la mort fait vivre une culture à l’agonie

L’origine des Kalash reste à ce jour encore un mystère. Une légende raconte qu’ils seraient les descendants de troupes d’Alexandre le Grand qui auraient désertées lors des campagnes Indienne, trouvant alors refuge dans ces montagnes.

En plein territoire Pachtoune, au Nord-Ouest du Pakistan près de la frontière Afghane, réside le dernier peuple animiste du pays, les Kalash. Originellement répartis sur le territoire afghan et pakistanais, ils ont été longtemps réprimés, chassés et réduits à l’esclavage lors d’invasions multiples perpétrées par les musulmans et les talibans. L’usure de ces exactions répétées les ont contraints à se réfugier côté pakistanais, dans trois vallées isolées (Bumburet, Rumbur et Birir) perchés à environ 2500 mètres d’altitude, dans la chaine de montagnes de l’Hindou Kush. Les musulmans nommèrent leur territoire le Kafiristan, qui signifie « terres des infidèles ». Cet isolement forcé dans ces zones reculées à l’accès difficile leurs ont cependant permis de préserver, non sans mal, leur typicité ethnique, leurs coutumes et leur rites millénaire datant d’environs 2300 ans.

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L’origine des Kalash reste à ce jour encore un mystère. Une légende raconterait qu’ils seraient les descendants de troupes d’Alexandre le Grand qui auraient désertées lors des campagnes Indienne, trouvant alors refuge dans ces montagnes. Ce mythe justifierait les traits étonnements caucasiens de ces derniers, à la peau blanche, aux cheveux parfois claires et aux yeux souvent translucides. Ils pratiquent une religion polythéiste unique empreint de paganisme préislamique. Leurs festivités sont étroitement liées aux saisons, aux astres et aux éléments naturels.

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Dans une société pakistanaise aux valeurs patriarcales fortes, les traditions quasi égalitaires de cette peuplade feraient d’eux des hérétiques auprès des musulmans les plus conservateurs. En effet les hommes côtoient librement des femmes dévoilées, aux robes ornées de broderies aux motifs éclatants, coiffées de plumes flamboyantes et aux parures de bijoux multicolores. Ces dernières peuvent choisir leur partenaire et ont également le droit de divorcer et de se remarier. Ils célèbrent régulièrement ensemble leurs divinités autour de grands feux de joie par la musique et la danse sous l’ivresse d’alcool vinifié et distillé par leurs soins. L’alcool étant interdit sur le territoire Pakistanais, une tolérance y est établie pour les Kalash, rameutant par ailleurs certains musulmans en quête d’ébriété.

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Les Kalash ont le sens de la cérémonie festive et portent une attention toute particulière et unique à leurs rites funéraires qui en font un événement communautaire immanquable. Lorsqu’une personne de la communauté décède, l’ensemble des trois vallées est tenu au courant. Le corps est placé au milieu du temple du village et l’entièreté de la société Kalash converge vers le lieux saint pour y célébrer la vie du défunt durant trois jours et deux nuits sans discontinu.

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Le temple se remplie jour après jours. La lumière transperce le plafond d’une ouverture destinée à évacuer la fumée des buchés brulants aux quatre coins de la pièce. Le corps du défunt est posé sur un charpoy (lit en bois tressé), recouvert d'un voile de velours rouge, éclairé de cette unique source de lumière divine. Les femmes proches du défunt, vêtues de longs châles funèbres couvrant leur tête, chantent à l’unisson, dans un mouvement de balancier, des requiems profonds autour du corps. Les proches endeuillés parlent au défunt pour le guider dans son voyage vers l’au-delà. Les autres femmes de l’assemblé, coiffées de leurs couvre chefs d’apparats aux motifs foisonnants, dansent avec les hommes dans des états de transe au rythme des tambours dans une atmosphère de fumée épaisse.

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Le corps n’est jamais laissé seul durant ces 3 jours. Une quarantaine de chèvres est sacrifiée pour préparer un festin de ragout de viande et de fromage accompagné d'alcool local pour les venants des 3 Vallées. La dernière matinée s'emplie d’une ambiance unique et électrique. Le temple bondé, les villageois dansent, chantent et gémissent une dernière fois en communion, brandissant haches, drapeaux et grigris dans un mouvement circulaire autour du corps. Lorsqu’il est emmené hors du temple pour la mise en bière il est salué par des tirs de fusils. Il est ensuite déposé au cimetière dans un cercueil en bois accompagné de ses biens les plus précieux. 

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Cette tradition est établie pour chaque membre de la communauté, tous statuts confondus. La célébration peu alors couter des millions de roupies. L’importance de ces rites pousse certaines familles à devoir s’endetter et s’appauvrir pour pouvoir offrir une cérémonie funéraire digne de la tradition à leurs proches disparus.

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Au début du XIXème siècle on ne dénombrait pas moins de 100 000 Kalash. Ils seraient aujourd’hui environ 4 000, faisant d’eux la plus petite minorité du Pakistan. Leur population diminue progressivement due à une assimilation au model Pakistanais induits par le biais de l’école et de l’apprentissage du coran, annihilant peu à peu leur religion et faisant oublier leur culture auprès des jeunes générations. Les relations actuelles entre communautés Kalash et musulmanes restent toutefois relativement bonnes. Dans les vallées Kalash, les musulmans seraient aujourd’hui majoritaires, notamment à cause des nombreuses conversions dûs aux mariages intercommunautaires.

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En 2018, L’UNESCO a inscrit la culture Kalash et plus spécifiquement l’une de leur tradition, le Suri Jagerk qui est une pratique météorologique et astronomique transmise oralement, sur la liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. L’approbation du Suri Jagek par l’organisation est une étape importante pour la visibilité de ce peuple et la préservation de son héritage folklorique. Malgré cette constante et insidieuse acculturation, les anciens de la communauté continuent à faire perdurer leur patrimoine ethnique par la pratique de ces rites anciens tout en faisant fi des dires de certains qui ne leur donneraient plus que quelques décennies avant leur extinction.

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