Et si la vie venait vraiment de l’espace ?
Image : Flickr/Beth Scupham

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Et si la vie venait vraiment de l’espace ?

On s’est demandé si l’hypothèse de la panspermie était toujours marginale dans la communauté scientifique, ou si elle avait gagné en crédibilité.

D'où vient la vie ? Cette question, si simple au demeurant, demeure l'une des énigmes les plus épineuses de la biologie. Elle passionne les savants depuis plusieurs siècles, et malgré le raffinement croissant de nos théories scientifiques, elle n'a jamais été résolue.

Le problème, pour le décrire simplement, est que l'univers a fait ses débuts sous la forme d'une sympathique soupe cosmique de matière inanimée, d'où a finalement émergé une multitude de formes de vie très diverses. Puisque la Terre est le seul endroit dans l'univers où nous savons avec certitude que la vie existe, la recherche de ses origines s'est historiquement limitée à étudier notre propre planète.

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Pourtant, depuis quelques décennies, les biologistes ont tourné le regard vers le cosmos, et ont envisagé le plus sérieusement du monde que la vie puisse provenir de l'espace extra-atmosphérique, comme certains savants le proposaient déjà il y a plusieurs siècles.

Cette idée a été baptisée "hypothèse de la panspermie". Elle a été théorisée pour la première fois selon les standards de la science moderne en 1974 par Chandra Wickramasinghe. Depuis Aristote au moins, l'idée selon laquelle la vie doit avoir émergé sur Terre était consensuelle au sein des communautés savantes, jusqu'à ce que Wickramasinghe propose l'hypothèse selon laquelle certains types de poussière présents dans l'espace interstellaire contiendraient des composés carbonés, la base de toute structure organique. Cette théorie sera confirmée plus tard par différentes observations.

"Dans un premier temps, on a opposé des contre-arguments ridicules à mon hypothèse. Certains disaient, par exemple, que l'existence même de molécules complexes dans le milieu interstellaire était théoriquement impossible en raison de l'exposition au rayonnement cosmique", m'explique Wickramasinghe par courrier électronique. "Mais ces dernières années il est devenu impossible de nier l'existence de molécules organiques complexes en-dehors de la Terre, dans les nuages interstellaires et au coeur des comètes. La majorité des scientifiques continue néanmoins à soutenir que la vie doit avoir émergé sur Terre ; c'est l'hypothèse la plus consensuelle."

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Il faut noter que les molécules organiques cosmiques que Wickramasinghe a contribué à découvrir ne sont pas considérées comme "du vivant" à part entières. Ce sont seulement des "briques", des éléments organiques de base qui ont rendu la vie possible : par exemple, des nucléotides à base d'azote qui peuvent être combinés pour former des biomolécules plus grandes telles que l'ADN et l'ARN, les principaux systèmes supports de la reproduction et de l'évolution des êtres vivants.

"La preuve la plus probante en faveur de l'hypothèse de la panspermie, c'est la complexité de la vie elle-même."

Dans les années qui ont suivi la proposition théorique de Wickramasinghe, un certain nombre de théories alternatives de la panspermie ont émergé. L'astrophysicien Thomas Gold, par exemple, n'a pas hésité à avancer - en ne plaisantant qu'à moitié - que nous aurions peut-être été abandonnés sur la planète Terre par une race alien avancée, ce qui ferait des êtres vivants terrestres des "déchets cosmiques" oubliés négligemment dans un coin. La version la plus sérieuse de l'hypothèse de Wickramasinghe est connue sous le nom de lithopanspermie : elle soutient que les composés organiques ont traversé l'espace à l'aide d'un petit véhicule de transport en commun - comme une comète ou un astéroïde - avant de s'écraser sur Terre.

"La preuve la plus probante en faveur de l'hypothèse de la panspermie, c'est la complexité de la vie elle-même", explique Wickramasinghe. "Le contenu de n'importe quelle cellule vivante, aussi simple soit-elle, est caractérisé par des informations extrêmement spécifiques stockées en quantités astronomiques. Cela montre qu'en terme d'organisation, il existe un système d'échelle qui dépasse l'échelle de notre planète, celle de notre système solaire, de notre galaxie et peut-être au-delà."

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L'idée que toute vie sur Terre puisse avoir une origine extraterrestre est séduisante, bien évidemment. Mais avant de pouvoir la prendre au sérieux, il faut répondre à de nombreuses questions. Les composés organiques présents sur Terre peuvent-ils survivre à l'environnement spatial ? Comment se sont-ils formées dans l'espace en premier lieu? Seraient-ils capables de résister à l'entrée dans l'atmosphère terrestre?

Afin d'y voir un peu plus clair, les astrobiologistes ont mené plusieurs expériences dans l'espace afin d'examiner la capacité du vivant à résister à un environnement extrême où l'oxygène est très rare, où l'exposition au rayonnement cosmique est permanente et où les températures extrêmement basses sont de mise.

La première tentative en ce sens a été menée en 1966, lorsque deux missions du programme Gemini ont exposé le bactériophage T1 (un type de virus qui se réplique au sein des bactéries) et le champignon Penicillium roqueforti au vide spatial pendant quelques heures. Ces échantillons ont été choisis parce qu'ils sont particulièrement communs sur Terre. Hélas, comme l'a montré l'expérience, les spécimens n'ont pas résisté longtemps aux conditions spatiales et sont devenus inactifs passé un certain seuil d'exposition aux UV.

La recherche sur la panspermie a connu un nouveau souffle dans les années 1990, lorsque l'Agence spatiale européenne a lancé sa mission Exobiology Radiation Assembly afin d'observer comment le rayonnement solaire affectait différents échantillons de spores. Comme l'a découvert l'ESA, il a causé la rupture de brins de l'ADN des spores, ce qui a induit des mutations génétiques et réduit considérablement la capacité des organismes à survivre. En outre, toutes les spores préalablement encastrées dans des météorites artificielles sont mortes. Si les spores enveloppées dans du glucose ont survécu plus longtemps que leurs congénères, elles ont succombé néanmoins.

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À la même époque, les Russes lançaient leur programme BIOPAN, qui consistait à exposer différents types d'organismes aux conditions spatiales pendant 17 jours consécutifs. Les chercheurs ont fait une découverte incroyable : certaines bactéries, spores, certains lichens et un animal (le tardigrade) étaient capables de survivre dans l'espace - d'où leur nom d'organismes extremophiles. Le tardigrade a, depuis, acquis une petite célébrité.

Les astrobiologistes ont par la suite trouvé d'autres formes de vie susceptibles de survivre là où on croyait toute vie impossible, bien qu'il s'agisse d'organismes beaucoup moins complexes que le tardigrade. En 2013, par exemple, des scientifiques ont découvert des centaines de microbes capables de vivre à 800 mètres sous les glaces de l'Antarctique. Comprendre comment ces êtres vivants survivent dans des conditions aussi hostiles ouvrira la voie à d'autres recherches sur des mondes couverts de glace, comme la lune de Jupiter, Europa.

Au cours de la dernière décennie, les activités de recherche autour de la panspermie se sont multipliées, et ont trouvé leur apogée avec la mission spatiale EXPOSE de 2008 à 2015. Au cours de cette mission, qui visait à reproduire le rayonnement sur Mars afin d'observer si des organismes pouvaient y survivre, les astronautes de l'ISS a exposé une variété des biomolécules et de microorganismes aux conditions extrêmes de l'espace durant plusieurs périodes d'un an et demi. À cette occasion, les chercheurs ont découvert que les algues vertes possédaient des capacités d'adaptation exceptionnelles que personne n'avait anticipées.

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L'année du lancement d'EXPOSE, des composés organiques trouvés sur la météorite Murchison (tombée en 1969) ont été analysés ; on a ainsi découvert qu'ils étaient d'origine extraterrestre. Cela signifie que nombre des composés organiques que nous tenons pour les briques fondamentales de la vie étaient présents dans le système solaire avant que la vie n'émerge sur Terre. Ils peuvent donc, de manière certaine, survivre à l'entrée dans l'atmosphère terrestre. Ces observations ont été appuyées par une étude de 2011 de la NASA, qui suggère que l'adénine et la guanine, des éléments de base de l'ADN, se seraient formés dans l'espace.

Parce que nos radiotélescopes sont de plus en plus perfectionnés, les astronomes ont pu prouver la présence d'éléments organiques dans l'espace à des distances inimaginables. En 2012, des chercheurs danois ont déclaré avoir trouvé du glycolaldéhyde - un sucre simple qui permet de fabriquer de l'ARN - dans un système stellaire situé à 400 années-lumière de nous.

L'année suivante, les chercheurs exploitant le Grand réseau d'antennes millimétrique de l'Atacama, un parc de radiotélescopes situé au Chili, ont découvert une molécule prébiotique appelée cyanomethanimine dans les particules de glace d'un nuage géant de gaz interstellaire, à environ 25 000 années-lumière de la Terre. Cette molécule produit de l'adénine, l'une des quatre nucléobases de l'ADN.

Toutes ces preuves soutiennent l'hypothèse selon laquelle tous les composés organiques à la base de la vie peuvent être créés dans l'espace. Mais tant que nous n'aurons pas trouvé de micro-organisme à part entière à distance de la Terre, une question demeure : comment ces satanés composés organiques ont-ils fini chez nous ?

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Fin 2014, des scientifiques tchèques ont soutenu l'idée que ces composés avaient peut-être atterri sur Terre grâce à un véhicule météoritique, avant de former des composés organiques complexes d'ADN et d'ARN tels que l'uracile et la thymine, en utilisant les éléments chimiques trouvés sur les météorites dans les conditions de l'espace extra-atmosphérique.

L'année suivante, l'Agence spatiale japonaise a lancé la mission Tanpopo sur l'ISS. Tanpopo consistait à exposer les acides aminés à l'espace pendant des périodes d'un, deux et trois ans. Dans le même temps, la mission a capturé des échantillons de poussière cosmique dans de l'aérogel, afin de voir si des microbes pouvaient être détectés dans les régions supérieures de l'orbite terrestre basse (à environ 650 km d'altitude).

"Nous étudions actuellement l'hypothèse d'une migration interplanétaire de microorganismes", a déclaré Kensei Kobayashi, chercheur principal sur la mission Tanpopo, lors d'une conférence récente de la NASA. "La poussière cosmique est très prometteuse, elle pourrait porter de nombreux composés organiques. Cependant, elle est exposée directement au rayonnement solaire. Notre hypothèse est qu'il existe des types spécifiques de composés d'origine extraterrestre qui peuvent survivre à ce rayonnement et atteindre la surface de la Terre par l'intermédiaire de la poussière cosmique."

Les chercheurs de l'Agence spatiale européenne préparent actuellement le lancement de l'OREOcube, qui sera attaché à l'ISS et concentrera son attention sur l'observation de "minces films organiques" déposés sur un substrat inorganique (une roche) dans l'espace. Cela permettra d'étudier comment le Soleil affecte les interactions entre les composés organiques et inorganiques. L'objectif principal de la mission est d'examiner l'évolution photochimique, et en quoi elle pourrait peut affecter la survie et le transport de matières organiques dans l'espace. Ces composés organiques seront constitués d'acides aminés, de nucléobases et d'hydrocarbures polyaromatiques (HAP), des matériaux de base du vivant et que la NASA estime être associés à 20% du carbone présent dans l'univers.

Les résultats des recherches décrites précédemment ne sont pas incompatibles avec la théorie, certes moins attrayante, selon laquelle la vie aurait bel et bien émergé sur Terre. Une expérience récente de l'Académie des sciences tchèques a permis de recréer les quatre bases d'ADN en laboratoire, dans des conditions simulant l'environnement terrestre il y a 4 milliards d'années - lorsque notre planète était bombardée par les astéroïdes et les météores.

Même si la vie a effectivement fait ses débuts sur notre bonne vieille planète Terre, la théorie de la panspermie pourrait appuyer la découverte de la vie extraterrestre dans notre propre système solaire.

"Je pense que les scientifiques commencent enfin à se faire à l'idée que des milieux favorables à la vie sont disséminés un peu partout dans l'univers", a déclaré Wickramasinghe. "S'il y a de la vie quelque part, alors il est clair qu'il y a de la vie partout à cause des échanges de masse inévitables qui se déroulent à des échelles de temps astronomiques entre des corps célestes voisins. Nous espérons qu'en admettant les origines cosmiques du vivant, les gens auront le sentiment que la vie est une chose unique, unifiée et extraordinaire."